Illustration tirée d’un article de Reporterre du 22 février 2020
Deux ans après sa création, la cellule Demeter de la gendarmerie fait toujours polémique
Associations environnementales sous pression, journaliste menacée, lycées agricoles sous influence… La cellule Demeter censée protéger les agriculteurs est accusée par des associations d’étouffer tout débat autour du modèle agricole intensif.
Jamais je n’aurais imaginé vivre une chose pareille en France. On cherche à intimider les associations comme la nôtre.” Henri Plandé, président de l’association Alerte Pesticides de Haute-Gironde alerte depuis qu’il a reçu la visite de gendarmes à son domicile. En février 2020, il a organisé un débat à propos des pesticides, en Nouvelle Aquitaine. Cette initiative lui a valu plusieurs appels de la gendarmerie, qui souhaitait “avoir des informations” sur le contenu de la réunion et ses participants, avant de finalement lui rendre visite. “Ils portaient leurs armes et leurs gilets pare-balles, c’était hallucinant” se souvient-il.
À l’origine de cette visite, la cellule Demeter (du nom de la déesse grecque des moissons) créée en 2019 par le ministre de l’Intérieur de l’époque Christophe Castaner. Ce dispositif, qui a officiellement pour but de lutter contre les atteintes agricoles, s’appuie sur une convention de partenariat passée entre le ministère de l’Intérieur, la Direction générale de la gendarmerie nationale et les deux principaux syndicats agricoles : la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA). Mais d’autres syndicats qui en sont exclus, y voient une tentative d’étouffer tout débat sur le modèle agricole intensif, sous couvert de lutter contre un présumé « agribashing ».
Une des craintes exprimées : c’est de voir les agriculteurs confortés par la gendarmerie dans leur opposition à certaines associations écologistes. “C’est comme si désormais les associations devaient la boucler », estime Maryse Arditi, la présidente de l’association écologiste ECCLA, qui a été qualifiée de “collabo à la solde de la nazi-écologie” par le Syndicat des viticulteurs de l’Aude pour avoir pris position contre le traitement phytosanitaire par voie aérienne. À la demande d’un agriculteur mécontent, une journaliste allemande Bettina Kaps a, elle, été contrainte par des gendarmes à effacer un enregistrement qu’elle avait réalisé dans le cadre d’un reportage.
Enfin, autre évolution qui inquiète des acteurs de l’éducation nationale : des gendarmes, aux côtés de membres des JA sont intervenus dans un lycée agricole pour évoquer “l’agribashing“. Une rencontre qui a eu lieu alors que les JA sont par ailleurs intervenus pour s’opposer à une journée sans viande dans un lycée agricole du Morbihan, et interdire un débat sur le bien-être animal.
Lire l’enquête :
• Les opposants à l’agriculture intensive dans le viseur de la cellule Demeter, une enquête de Benoît Collombat, de la cellule investigation de Radio France.
ou écouter le podcast.