Du rififi chez les fourmis

19 janvier 2011,

Par Dominique Simonnet

Je respecte profondément les militants qui s’engagent avec sincérité et conviction. Mais désolé, je ne peux me retenir de sourire en voyant les dernières contorsions des Verts, les « Assises constituantes », Etats généraux et autres assemblées solennelles, et en entendant les oraisons de leurs Robespierre : « Il faut un rassemblement ambitieux de la gauche et des écologistes autour d’un projet d’alternative » a lancé Cécile Duflot dans le Monde en novembre dernier. Là, j’éclate vraiment de rire. Va-t-elle aussi nous annoncer qu’elle fait de la « politique autrement » ?
De mon point de vue (sévère), le parti Vert (pardon encore aux militants sincères) n’est que la sangsue de la gauche. On crie haut et fort sa différence en se couvrant d’un voile de virginité au premier tour, puis on négocie comme des forcenés au second pour arracher quelques sièges au PS. Pourquoi pas ? C’est une stratégie politique comme une autre. Mais l’écologie, dans tout cela ? La présence verte dans les institutions nationales a-t-elle été décisive pour la prise de conscience de la « biodiversité » ? L’écologie a-t-elle davantage progressé sous les ministères verts et socialistes que sous ceux de droite ? Sur les questions d’environnement et de développement, j’ai plutôt l’impression que l’action des associations et des Ong, les initiatives privées, en ont été les véritables moteurs (voir le Grenelle).

Mais l’écologie ne se réduit pas à l’environnement, dira-t-on. L’écologie politique, alors ? Parlons en. C’était une utopie que nous nourrissions à la fin des années 1970. Nous rêvions de recomposer l’échiquier politique (qui, selon nous, reflétait mal les questions du développement post-industriel), de fonder une nouvelle économie, durable et solidaire, d’aller vers une société ouverte qui saurait concilier la mondialisation avec l’enracinement, la diversité de la planète et la personne humaine. Nous nous rêvions citoyens de la Terre, et notre maître mot était l’autonomie individuelle (d’autres appellent cela « liberté », mais je crains que cette valeur-là ne soit plus non plus une priorité de la gauche ni des Verts).
Notre écologie avait aussi une dimension éthique : nous nous interrogions sur l’articulation entre savoir et technique, sur l’idée de progrès, sur l’insertion de notre corps de primate sur cette planète que nous avons entièrement colonisée (voir les écrits d’Alain Hervé ou d’Alain Mamou Mani). Libéral-libertaire, avions nous dit un moment (concept en effet difficile à inscrire dans le clivage droite-gauche).

Le parti vert me semble à l’opposé de cette philosophie. Les interventions de leurs députés me consternent par leur dogmatisme et leur démagogie. Il n’est question que de renforcement de l’Etat et de la fiscalité, de mesures contraignantes exercées au nom de la planète (comme les communistes jadis au nom du peuple). On est bien loin de l’idée d’autonomie. Je ne me reconnais pas dans cette vision du monde crispée. A écouter ces discours, souvent moralisateurs et culpabilisants, j’aurais presque envie de jeter des papiers gras dans les rues et de rouler en 4/4 (je plaisante). Je ne me reconnais pas davantage dans la gauche désormais conservatrice, en plein déni de réalité, qui n’a que des incantations pour programme et tourne le dos à l’universalisme (et même parfois à l’Europe) qui était jadis sa valeur phrare. Ce que nous propose Martine Aubry, c’est la France de Mauroy (on sait comment cela a fini) ! Je ne me reconnais pas davantage, précisons-le, dans une droite crispée sur l’identité, impuissante face aux diktats de la finance. Entre l’irréalisme dangereux de la gauche et le cynisme glacé de la droite, il n’y a pas de discours sincère. En tout cas, pas l’écologie telle que l’expriment les Verts.
Les dernières pérégrinations de ce parti et les analyses de haute stratégie sur Eva Joly ou Yves Cochet, m’intéressent donc modérément. Tout cela n’est que rififi chez les fourmis. Le vrai monde est ailleurs. Je crois davantage à la légitimité et à l’efficacité des associations, Ong, et autres acteurs de la société civile, et aux initiatives des entrepreneurs. C’est là où l’esprit écologique peut encore souffler.

Dominique Simonnet