L’argentique, une antiquité ?

29 août 2011,

par Lorraine Peynichou

L’appareil numérique à rendu accessible au grand public la pratique de la photographie, il permet de réaliser un très grand nombre d’images, de les supprimer, de les exporter vers un ordinateur et de les envoyer en moins d’une minute à l’autre bout de la planète. Toutes ces manipulations techniques, pour un coût dérisoire.

En opposition, la pellicule de l’appareil argentique était coûteuse à l’achat et au développement et infiniment plus compliquée à l’usage.

L’appareil argentique en lui-même était devenu un objet qui n’existait que pour ce qu’il représentait en tant qu’antiquité et moins  pour l’usage que l’on pouvait  en faire. Il avait cédé sa place à la nouvelle génération d’appareil réflexe et à la myriade de possibilités  qu’ils offrent.  Ainsi, après l’arrivée du numérique, il y a plus d’une vingtaine d’années, on aurait pu croire à la disparation de la pellicule.

Pourtant, l’ancêtre de la photographie s’accroche à la vie. Réservé dans un premier temps aux initiés et aux nostalgiques, il est devenu un objet de convoitise. Conservé par les professionnels ayant débutés leur carrière avec un Leica ou un Nikon, il est maintenant recherché par des débutants et des amateurs charmés par l’effet « retro » ou « vintage », comme lorsqu’une voiture de collection traverse une avenue. L’argentique a un je-ne-sais-quoi qui fait la différence.

Cependant, il ne s’agit pas seulement d’une affaire de style, beaucoup considèrent qu’il permet de réaliser de meilleures photographies. Plus précisément, lorsque c’est un amateur qui utilise un appareil argentique, pour des raisons de budget, entre autres, il aura tendance à préparer ses clichés et à attendre  la meilleure prise possible. Avec le numérique, la sélection n’existe plus, puisque l’on peut facilement exporter sur un ordinateur les clichés et supprimer ceux que l’on ne veut pas conserver, d’autant plus que l’on n’est pas obligé d’imprimer sur papier tous les clichés.

La temporalité des papillons

Le monde d’aujourd’hui est assailli par l’éphémère, les images médiatiques circulent autour de la planète en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, usées par les yeux d’un million de curieux. Aussi, la durée de vie d’une photographie n’est guère supérieure à celle d’un papillon. Certes, il est des images qui restent gravées dans le marbre mais les heureuses élues sont rares.

Dans ce contexte, l’objet papier issu d’un appareil argentique, à raison ou à tort, est considérée comme un objet pérenne. Il est resté dans l’imaginaire collectif comme inscrit dans la durée grâce à son caractère unique. L’image peut être reproduite mais, lorsqu’elle est réussie, elle se suffit à elle-même en tant qu’objet papier.

Paradoxalement, la photographie argentique, dans un monde pollué par Facebook (et les nombreuses photographies qui y circulent), est perçue comme une image qui peut faire moins de dégâts.

A  titre d’exemple, les musiciens, à partir du moment ou ils connaissent une certaine notoriété, cherchent à contrôler les images d’eux même ou de leur groupe qui circulent dans le monde des médias. Les photographies prises lors de concerts ou de conférences de presse (c’est à dire sans mise en scène prévue à cet effet) sont bien souvent mal perçues car les artistes ou leur manager n’ont pas le moyen de contrôler les clichés et savent qu’elles peuvent circuler dans le milieu des médias à leur insu.

Une approche avec un appareil argentique est bien mieux perçue par les artistes, comme si ce type d’image avait une valeur médiatique moins forte. Cette perception est en fait liée à la temporalité courte associée au numérique, mise en opposition à la longévité de l’argentique.

Dans un monde ou tout doit aller à la vitesse de la lumière, l’argentique nage à contre courant, le photographe se retrouve, s’il n’envoie pas ses pellicules au laboratoire, dans une chambre noire, il révèle son travail patiemment, minutieusement, pour obtenir le meilleur résultat, face a de nombreux choix, pour enfin coucher sur papier le fruit d’un long travail. Marginale au XXIème siècle, la photographie argentique rallie pourtant à sa cause un nombre croissant de partisans.

Lorraine Peynichou et son Leica