On peut en dire tout le bien possible, ou tout le mal possible selon ses propres préjugés et selon l’humeur dans la quelle on se trouve lorsqu’on le voit.
Pour ma part j’ai beaucoup apprécié ce drame philosophique radical, qui baigne dans la sauce wagnérienne de Tristan et Yseult . Et pourtant je ne suis pas un amateur de cette musique crème Chantilly qui veut en dire plus qu’elle n’est capable de dire. Mais laissons Wagner de côté pour le moment.
Lars von Trier est un extrémiste qui nous emmène au delà de ce que nous sommes capables de formuler clairement. Il arpente les territoires de la mort, de la fin de l’humanité, de l’infréquentabilité de l’homme. On se souvient de son fascinant Dogville.
Melancholia la planète verte arrive du fond de l’infini « à 90.000 kilomètres par seconde ». et menace de pulvériser la Terre et ce phénomène unique qu’est la vie.
De la vie à l’état humain on nous a donné un échantillon dans la première partie du film intitulé Justine, avec le spectacle d’un mariage riche, riche dans le château de Tjolöholm au bord de la Baltique. Les comportements de ce beau monde vont de l’abjection à la lâcheté dans une galerie de portraits où l’on reconnaît ses semblables. L’héroïne Justine en robe de mariée est gagnée par l’absurdité de son engagement et elle va saboter le déroulement de la fastueuse cérémonie. (On se souvient de Dreyer le Danois et de Bergman le Suédois.)
Simplement parce que son regard porte plus loin. Elle voit le ridicule de son engagement nuptial avec un gentil niais, et de son engagement professionnel avec un salaud de patron publicitaire. Elle casse.
Elle voit plus loin la dérision de nos comportements en général. Elle voit les fins avant de voir les chemins. Difficile de vivre en effet dans ces conditions. Ce désespoir nordique doit résulter de l’absence de soleil et de la difficulté de jouir de l’instant avec insouciance ou aveuglement. (On se souvient encore de Dreyer le Danois et de Bergman le Suédois.)
Et pendant ce temps la planète fracassante Melancholia se rapproche. Cioran aurait pu écrire ce scénario.
(A l’occasion de ce film on s’est souvenu de la très belle exposition en 2005, au Grand Palais, Mélancolie de Jean Clair, le briseur d’impostures de l’art moderne.)
Alain HERVE