LE PLUS. Indignation chez les ONG : le Japon, qui n’en a pas fini avec la reconstruction après les dégâts causés par la catastrophe nucléaire de Fukushima, a décidé de renforcer sa flotte destinée à la chasse à la baleine. Yves Paccalet, écologiste, est abasourdi. Nous reproduisons ici sa protestation.
> Par Yves Paccalet <http://leplus.nouvelobs.com/yvespaccalet> philosophe écologiste
Edité par Amandine Schmitt <http://leplus.nouvelobs.com/amandineschmitt> Auteur parrainé par Guillaume Malaurie <http://leplus.nouvelobs.com/GM>
On a beau devenir vieux et se dire qu’on en a vu pas mal : on a de la marge. Les motifs d’indignation sont sans fin.
Chasse à la baleine en Russie le 24 avril 2009 (EAST NEWS/SIPA).
Au Japon, le cynisme politique et économique atteint la force 9 sur l’échelle de Richter. Sous prétexte de renflouer l’économie des ports ravagés par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, le gouvernement nippon décide d’utiliser de façon ahurissante une partie de l’argent promis aux victimes, y compris par des donateurs étrangers. Il l’emploie à réarmer sa flotte baleinière à destination de l’Antarctique <http://www.terraeco.net/Sans-le-sous-pour-reconstruire-le,39911.html> .
Nombre de Japonais savent que c’est pour faire oublier la radioactivité du lait autour de Fukushima <http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/06/du-cesium-radioactif-decouvert-dans-du-lait-en-poudre-au-japon_1613767_3244.html> . Ou pour cacher le fait que d’énormes masses d’eau contaminée ont été déversées dans la mer <http://www.lefigaro.fr/international/2011/04/04/01003-20110404ARTFIG00589-fukushima-11500-tonnes-d-eau-radioactive-a-la-mer.php> . Ou pour ne pas ébruiter le fait (établi par une récente commission d’enquête gouvernementale), que ce qui a détruit les circuits de refroidissement des réacteurs, ce n’est pas le tsunami (comme Nicolas Sarkozy et d’autres en reprennent l’antienne), mais bel et bien le séisme lui-même <http://www.20minutes.fr/article/838928/tsunami-seisme-polemique-japon-cause-catastrophe-fukushima> : la centrale n’était pas assez solide (Tricastin ou Fessenheim, suivez mon regard)…
Le budget capté sur le dos des sinistrés s’élève à 2,3 milliards de yens (21,2 millions d’euros) <http://www.terraeco.net/Sans-le-sous-pour-reconstruire-le,39911.html> . Le prix moyen d’une campagne de baleinage est de 3 milliards de yens. Depuis des années, le déficit de chaque opération s’élève à près de 2 milliards de yens ! Comme les Japonais veulent tuer environ 1000 baleines, chaque cétacé harponné sera subventionné à hauteur de 20.000 euros…
Cette année est originale. Ce n’est plus le contribuable seul qui paie pour une viande de moins en moins demandée (au Japon aussi, on aime les baleines autrement qu’en sushi), mais les sinistrés de la catastrophe ! Afin de justifier ce siphonage, le ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Michihiko Kano, argue <http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/11/15/au-japon-la-chasse-a-la-baleine-profite-de-l-argent-de-la-reconstruction_1603889_3244.html> que la ville la plus touchée par le désastre, Ishinomaki, possède une tradition baleinière. Belle entourloupe !
En 1986, je signais avec le commandant Cousteau le livre “La Planète des baleines”, chez Robert Laffont. Nous nous insurgions contre le massacre des géants de la mer que, la même année, un moratoire devait enfin préserver du canon lance-harpon. Le Japon refusait la discipline commune. Il assurait vouloir continuer le massacre, sous prétexte que les spécialistes des cétacés ont besoin de cadavres pour étudier ces animaux. Cette “clause de prélèvement scientifique”, hélas actée par la Commission baleinière internationale (CBI), est absurde aux yeux du zoologiste, du biologiste, de l’éthologiste ou de l’écologiste… Elle reste régulièrement invoquée. Depuis l’adoption du moratoire, les Japonais ont anéanti sous ce prétexte au moins 10.000 géants de l’onde (estimation), en réalité pour le profit de quelques restaurateurs de luxe.
Les baleines que la flotte nippone s’apprête à saigner dans l’océan Antarctique au nom de la “science”, et avec l’argent des victimes du séisme, du tsunami et de la catastrophe de Fukushima, sont des petits rorquals (10 à 12 mètres quand même !), dits aussi rorquals museau-pointu ou baleines de Minke. Un millier de ces superbes mammifères sont promis à l’holocauste.
Nombre d’observateurs (en notre temps sur la Calypso de Cousteau, plus récemment les militants de Greenpeace ou de Sea Shepherd) ont, en outre, démontré que les harponneurs ne négligent pas de viser des espèces rares et très menacées : baleine franche, baleine à bosse, rorqual commun, grande baleine bleue… Le braconnage sévit sans les oripeaux de la “science” !
Voici donc, ami lecteur, de quelle “horrificque façon” (écrirait Rabelais) les baleines subissent la catastrophe de Fukushima, avec un décalage quelques mois, et par le truchement de l’argent volé aux victimes humaines du même désastre.