Les plus lointains sont toujours les plus Verts

21 janvier 2012,

En tant que membre d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ayant fait partie des fondateurs des Verts en 1984, je me sens interpellé par l’insistance de Sébastien Thiry sur “le manque de réflexion, la pauvreté intellectuelle et l’obsession électoraliste des Verts français” qu’il oppose aux qualités de nos voisins belges (voir l’article Etopia paru le 19 janvier sur ce site).

Tout d’abord, je ne comprends pas le terme d'”obsession électoraliste” employé par Sébastien Thiry. Le but affiché du parti des Verts puis d’EELV était d’agir essentiellement au niveau électoral, un front parmi d’autres de l’écologisme. Je n’ai pas le souvenir de circonstances dans lesquelles les Verts français se seraient comportés très différemment sur ce plan de leurs homologues belges ou allemands. J’ai toutefois un souvenir précis de l’élection de l’Assemblée Nationale de 2007, Assemblée qui siège encore à ce jour : à cette occasion les Verts s’étaient présentés dans toutes les circonscriptions, ce qui était peut-être un geste militant pour s’adresser à la population mais peut difficilement être taxé d’électoraliste. Que le nouveau parti EELV ait adopté un tactique moins suicidaire pour 2012 ne me semble pas relever d’une obsession mais d’un accommodement avec la Constitution de la Ve République, qui institue la bipolarisation politique (voir à ce sujet ici).

Ayant siégé pendant 5 ans au Conseil statutaire des Verts puis d’EELV, j’ai eu ma part d’information sur les mauvais comportements de certain-e-s adhérent-e-s (rassurez-vous, rien qui égale en turpitude certains membres du PS ou de l’UMP) mais si je suis resté adhérent depuis 27 ans, c’est principalement à cause de la réflexion innovante et de la richesse intellectuelle que j’y trouve.

Je n’ai jamais rencontré Sébastien Thiry mais je suppose qu’il est de bonne foi, qu’il n’écrit pas une lettre aussi vigoureuse à la légère, et qu’il pourra me dire en quoi la pensée des Verts que je vais citer est particulièrement pauvre ou manque de réflexion. Je vais peut-être me faire des ennemi-e-s en ne citant que quelques noms (dans trois catégories, les “vieux Verts”, les intellectuels ayant rejoint les Verts au sein d’EELV et les jeunes espoirs) mais je me lance.

Parmi les “vieux Verts” toujours bien présents dans EELV, je citerai Alain Lipietz, dont le talent ne se limite pas à l’exégèse de Mallarmé (son site ici) : on peut aussi consulter sa bibliographie sur Wikipedia. Je dois confesser que je n’ai pas lu tous ses livres et encore moins tous ses articles mais les personnes curieuses pourront avantageusement se faire un avis sur sa réflexion dans un livre paru en 2009 (Face à la crise : l’urgence écologiste, Textuel, Paris).

Sans ordre de préférence même si je suis plus proche de ses positions, dans la même catégorie je citerai ensuite Yves Cochet, qui doit être un “obsédé de l’électoralisme” puisqu’il vient de passer d’un siège de député français à un autre de député européen. On peut aussi bien visiter son site (ici) que sa rubrique sur Wikipedia. Yves a écrit moins de livres qu’Alain et je m’en tiendrai à un titre également paru en 2009 l’Antimanuel d’Ecologie (éd. Bréal, Rosny-sous-Bois). Le programme qu’il a développé lors des primaires de 2007 et qui n’a malheureusement pas été retenu (mais de justesse) par le corps électoral écologiste était particulièrement innovant et stimulant intellectuellement, au moins pour moi et quelques autres.

Le troisième “vieux Vert” que je citerai, Hugues Stoeckel, est presque inconnu en dehors de son village d’Alsace, n’a pas de rubrique dans Wikipedia, mais il vient de signer un livre percutant dont j’ai eu la faveur de lire les épreuves : La faim du monde. L’humanité au bord d’une famine globale (Max Milo 2012). Son livre va probablement être qualifié de catastrophiste alors qu’il est pour moi d’une troublante lucidité.

Un peu plus connu, André Cicolella, chercheur en évaluation des risques sanitaires, est l’expert en santé environnementale d’EELV (voir ici). On peut citer ses deux ouvrages Le défi des épidémies modernes, comment sauver la Sécu en changeant le système de santé, édition La Découverte, 2007, et Alertes santé – experts et citoyens face aux intérêts privés, avec Dorothée Benoit-Browaeys, édition Fayard, 2005.

Améliorons la parité avec une femme plus jeune, Michèle Rivasi, en citant son ouvrage le plus récent : Michèle Rivasi, Catherine Gouhier, Maxence Layet, Survivre au téléphone mobile et aux réseaux sans fil, Le Courrier du Livre, Paris, 2009.

Parmi les intellectuel-le-s qui ont rejoint les Verts au sein d’EELV, j’aurais une attention particulière pour Jean-Paul Besset (voir ici) dont je recommanderais volontiers l’ouvrage paru en 2005 “Comment ne plus être progressiste… sans devenir réactionnaire”, éditions Fayard.

Le poste (très important dans le parti) de président du Conseil Fédéral est occupé avec talent par Philippe Meirieu. Auteur de nombreux ouvrages (voir ici), il fait autorité et soulève parfois la controverse dans le domaine de la pédagogie. Je fais partie de ceux qui croient que l’écologisme ne doit pas se limiter à la protection de la nature mais doit porter une vision globale de la société humaine et de son environnement, tant pis si Sébastien Thiry range Philippe Meirieu parmi les a-écologistes.

Dans la même catégorie (a-écologiste si les populations humaines sont exclues de l’écologie) on peut citer Esther Benbassa, récemment élue sénatrice EELV, auteure de nombreux titres (voir ici pour la notice Wikipedia et ici pour son blog).

Pour terminer ma liste abrégée, en me limitant aux auteurs d’ouvrages novateurs, et ne pas lasser le lectorat, je voudrais citer deux militants d’EELV plus jeunes et peut-être pour cette raison pas encore célèbres.

Pour l’urbanisme écologique, j’ai entendu le plus grand bien de Ludovic Bu, il a fait paraître en collaboration avec Marc Fontanès et Olivier Razemon un livre intitulé “Les transports, la planète et le citoyen” (Rue de l’Echiquier, 2010). Son blog parle avec humour de mobilité, de musique et de “plein d’autres choses”.

Enfin on commence à voir de plus en plus souvent à la télévision le jeune député européen Pascal Canfin (voir ici), l’un des économistes Verts, qui a publié, en 2009 Le contrat écologique pour l’Europe,  (Éditions Petits Matins). Il a aussi fait paraitre en 2007 un intéressant petit livre qui pourrait s’appeler l’économie verte pour les Nuls mais qui s’intitule L’économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas (Éditions Petits Matins).

Dans ma liste incomplète, je n’ai pas mentionné les animatrices et animateurs politiques d’EELV dont plusieurs ont du talent, sont célèbres et écrivent aussi des livres (17 pour le seul Noël Mamère, une dizaine pour José Bové, au moins 6 pour Daniel Cohn-Bendit et 6 aussi en français pour Eva Joly) mais ma micro-anthologie souhaitait porter le débat sur la réflexion innovante et la richesse intellectuelle, qui étaient mises en cause, plus que sur le leadership politique ou la plume alerte.

Ghislain Nicaise

P.S. Je viens d’apprendre ce Lundi 23 janvier au matin qu’Yves Paccalet était membre d’EELV et avait même conduit la liste des Régionales en Savoie. Cette immense omission de ma part (voir ici) va peut-être à l’encontre de mon argument puisque que je ne savais même pas qu’un écologiste aussi incontestable était aussi membre de mon parti, mais je ne pouvais pas ne pas vous faire part de ma bévue, tout en pensant qu’il y en a probablement d’autres…