Nucléaire et esclavagisme

1 mars 2012,

Le nucléaire, une position éthique.

par Hadrien Gens

La réponse la plus fondamentale que l’on puisse donner au problème du nucléaire est une prise de position éthique. La position éthique ne relève pas de l’argument, de la conviction, de la croyance ou du postulat, elle n’est pas intellectuelle, ni sentimentale, rationnelle ou raisonnable : elle est l’affirmation existentielle par l’homme d’un principe fondamental, d’une valeur nécessaire et universelle – la liberté, le droit à la vie, la préservation des générations futures,…

La question du nucléaire ne peut être traitée par le politicien, le dirigeant d’un parti, le physicien atomique ou l’économiste, bref, le spécialiste ou l’expert ; elle ne peut l’être que par l’homme. Elle n’est pas, fondamentalement, une question technique mais une question éthique, et Tchernobyl ou Fukushima ne sont pas d’abord des catastrophes économiques et géopolitiques, mais bien plutôt humaines, « éthiques ». Si les données économiques et scientifiques, les enjeux géopolitiques et les choix politiques doivent évidemment être pris en compte du mieux possible, on ne peut donc pas les opposer à un principe éthique tel que le principe responsabilité théorisé par Hans Jonas et formulé notamment ainsi : « Ne compromets pas les conditions de la survie indéfinie de l’humanité sur terre ».

Il faut en ce sens refuser le nucléaire comme on a refusé l’esclavagisme, même s’il pouvait à une époque être économiquement et politiquement plus avantageux que son abolition. L’argument pro-nucléaire consistant à dire que la France deviendrait dépendante énergiquement sans le nucléaire est formellement le même que celui pro-esclavagisme affirmant que sans ses esclaves, un pays s’appauvrirait : dans les deux cas, on oppose un argument technique à une position éthique au lieu de subordonner les enjeux techniques à la position éthique. On l’aura compris, il ne s’agit pas de comparer le nucléaire à l’esclavagisme en tant que tel, mais de faire voir que dans les deux cas, il s’agit d’une position éthique qui n’a pas de prix, qu’il soit économique, géopolitique ou politique.

La seule chose que l’on puisse donc opposer à la position éthique du refus du nucléaire est un débat précisément éthique, un débat devant être fait de manière sereine, à l’abri de la cohue des élections présidentielles et des promesses jouant sur les sentiments nationaux ou pécuniaires (indépendance énergétique, prix de l’électricité). Les questions éthiques ne doivent pas se trancher dans l’urgence électorale.

Hadrien Gens