par Alain Hervé
“Peggy Guggenheim, femme face à son miroir” au Théâtre du Petit Montparnasse, mérite le détour pour deux raisons. D’abord pour l’interprétation virtuose du texte par Stéphanie Bataille. Elle nous tient en haleine pendant plus d’une heure seule sur scène, dans un décor minimaliste. Le second intérêt de la pièce tient à l’exposé de la naissance du mythe de l’art moderne.
Comment une femme riche, extravagante, outrancière, séductrice infatigable va faire émerger des talents divers, quelquefois douteux, et les consacrer héros. Duchamp, Arp, Ernst, Kandinsky, Giacometti, Pollock et autres vont passer de l’obscurité à la célébrité et à l’histoire par le scandale et une célébration parfois excessive.
Je dois dire que, pour avoir visité il y a quelques années la collection Guggenheim à Venise, j’avais été frappé par la médiocrité de la plupart des pièces exposées. Si j’excepte « l’Empire des lumières » de Magritte et un portrait de femme d’Umberto Boccioni. Mais que signifient ce Germaine Richier dérisoire et ce Giacometti insignifiant ?
Ce qu’on appelle l’art moderne est pour une large part une imposture. Mais ça ne se dit pas.
Un certain nombre de gens dont Peggy Guggenheim, avec la complicité de Cocteau et autres, nous ont écrit l’histoire plus vite qu’elle ne se produisait. Aucun tri n’a été fait. Or il y aura énormément de déchet. Un grand nombre de tableaux dits modernes sont promis à l’oubli ou à la poubelle avant cinquante ans. La promotion commerciale des œuvres a précédé leur appréciation artistique. Peggy Guggenheim l’a très bien compris elle même à la fin de sa vie.
Aujourd’hui beaucoup d’acheteurs ne regardent plus le tableau mais sa cote financière. C’est un placement qui de plus en France, grâce à Lang, est devenu une niche fiscale.
Le phénomène s’est produit à d’autres époques, mais il apparaît plus cru à notre époque. Le texte de Lanie Robertson met le doigt sur un aspect de cette imposture. Merci à Stéphanie Bataille qui le sert à la perfection.
Alain Hervé
Petit Montparnasse, 0143227774