Jacques et son maître

22 mai 2012,

par Michèle Valmont

Qu’il est agréable de respirer l’intelligence dans une salle de spectacle ! C’est actuellement le cas à la Pépinière théâtre avec la reprise de la pièce de Milan Kundera : « Jacques et son maître ».

Cette pièce, écrite en 1971 à Prague sous l’occupation russe, est une explosion de liberté, de tolérance et d’ouverture dont était privé son auteur. C’est un bijou, indiscret hommage à Diderot, chantre idéal de ces précieuses valeurs.

La pièce est magnifiquement mise en scène par Nicolas Briançon, avec une économie de moyens remarquable, au service du texte et du jeu des comédiens. Et quels comédiens ! Jacques est incarné par Nicolas Briançon lui-même, époustouflant d’aisance et de naturel ; le maître par Yves Pignot, dont la seule présence emplit tout le plateau. Il est magistral, fragile sous son imposante stature, ingénu dans sa fausse autorité. Le texte semble avoir été écrit pour eux.

Ils ne sont pas seuls en scène comme dans « Jacques le fataliste ». Les personnages évoqués au cours de leur voyage à pied se matérialisent dans des épisodes libertins, des chassés croisés grivois et des duperies féminines et masculines. On trouve ainsi la superbe et émouvante Nathalie Roussel en aubergiste intrigante et une demi-douzaine de comédiens absolument irréprochables.

Kundera développe ici sa philosophie désenchantée, son scepticisme religieux, sa liberté de pensée en les mettant en situation, ainsi que le fit Diderot romancier. Aucune tirade fastidieuse, tout n’est que rayonnement, légèreté, humour et… mélancolie souriante, corollaire inévitable de la lucidité.

Bravo et merci.

Michèle Valmont

La Pépinière théâtre, 7 rue Louis le Grand, 75002 Paris