“On s’en fout”

8 octobre 2012,

cher Ghislain Nicaise

Je souhaite revenir sur votre article paru il y a quelques jours et intitulé: “Rejet de l’écologisme et difficulté de l’innovation”. Il m’a fait penser à la campagne anti-tabac et à cette formule imprimée sur les paquets de cigarette: “Le tabac tue”. Il est intéressant de voir tous les jeunes attablés à la terrasse des cafés avec ces paquets exposés à leur vue et à la vue de tous.

Le tabac indépendamment du plaisir gustatif qu’il procure et de l’éventuelle excitation des cellules cérébrales  est surtout un signal d’intégration sociale à un groupe, d’appartenance à une élite de risque-tout (à peu de frais). Il s’y ajoute désormais, avec la réprobation officielle, un sentiment de provocation.

L’écologie apparaît de la même manière comme une invite à une normalisation insupportable. “On s’en fout” est la réponse au tabac et à l’écologie. On veut d’abord jouir de l’immédiat. La majorité des assurés sociaux sera pénalisée pour rembourser les cancers du poumon  de ceux qui ont fumé, “on s’en fout”. Les générations futures devront gérer les déchets nucléaire, subir les désordres climatiques, nettoyer les empoisonnements des nappes phréatiques… “on s’en fout”. L’écologie n’est pas un thème électoral qui risque de mobiliser des majorités parlementaires. Son aspect punitif et restrictif la rend indésirable. Quel que soit le déploiement  pédagogique et militant pour convaincre, il ne rencontre qu’un faible écho.

Il est à craindre que seul un régime autoritaire puisse imposer les réglementations coercitives nécessaires. Est-ce souhaitable?

Peut être qu’une catastrophe brutale, nucléaire par exemple, risquera  de rendre certaines décisions inévitables. Est-ce souhaitable?

Je livre ces réflexions au Sauvage dont je salue le retour à sa vocation fondamentaliste et à votre examen.

Lucien Alpert

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Cher Lucien Alpert

Il est effectivement assez courant de lire que l’écologie a un aspect “punitif” et j’y ai fait allusion en parlant des Cassandre. Je crois cependant que l’aspect générations futures, “le robinet qui coule quand on se lave les dents, la bouffe bio et la lampe qu’on éteint quand on quitte la pièce” progresse dans l’opinion. Ce que cette opinion admet, ce sont de petits changements, la micro-écologie en quelque sorte, et pas les bouleversements drastiques qui s’annoncent. Quand Tim Jackson parle de prospérité sans croissance, ses accents n’ont rien de punitif ni de triste mais il n’est pas mieux écouté.

Je ne pense pas que le gouvernement s’en foute, et pourtant il mise sur la croissance contre toute évidence ; pourquoi les personnes instruites et responsables qui ne s’en foutent pas sont-elles incapables de voir ce qui va nous arriver ? C’était la question que j’avais voulu poser, sans penser que ma réponse explique tout.

Ghislain Nicaise