par Anne Pignard
Coproduite par l’Opéra de Nice et l’Opéra du Rhin, cette nouvelle version de La flûte enchantée de Mozart, dirigée par le chef autrichien Leopold Hager, nous a charmés.
C’est un trio féminin qui a été chargé de la réalisation des décors et costumes, de la mise en scène et des lumières avec Julia Hansen, Marianne Clément et Marion Hewlett.
Le rideau s’ouvre sur un clin d’œil au Petit prince d’Antoine de Saint-Exupéry. A la suite d’une avarie, le prince Tamino atterrit dans un lieu abandonné et inconnu parsemé d’herbes folles et de sacs en plastique. En mettant le pied sur le sol, il se trouve face à face avec un énorme serpent et s’évanouit. C’est à partir de cette vision étrange que Marianne Clément organise les divers éléments de cet ouvrage lyrique qui s’adresse aussi bien à un public d’enfants sages qu’à la réflexion d’adultes et de philosophes.
Les plus jeunes pourront ainsi rêver du prince charmant, beau et doux amoureux d’une princesse prisonnière d’un méchant, d’une reine un peu sorcière, d’un monstre et aussi d’un jeune homme écervelé et vantard, d’une vieille femme hideuse qui se transforme en une ravissante jeune fille. La magie d’une flûte et de clochettes les sauveront de tous les sortilèges.
Cette trame qui paraît facile cache un sujet d’une autre ampleur, celui de l’homme triomphant de la Nature sauvage grâce à la Science. En cette fin du XVIIIème siècle, la franc-maçonnerie interdite quelques années plus tôt par Marie-Thérèse d’Autriche restait encore discrète tant on craignait une contagion idéologique dangereuse. Marianne Clément a choisi de mettre de façon originale l’accent sur cet aspect de l’opéra qui tenait à cœur au librettiste Emanuel Schikaneder et à Mozart, fervent maçon lui-même.
Le paysage vide et désolé du premier acte, royaume de la Reine de la Nuit, s’anime et devient le temple de la connaissance au second. C’est là qu’auront lieu les épreuves obligatoires de l’eau, de la terre, de l’air et du feu. Ces épreuves initiatiques conduiront au royaume de la lumière triomphant de la nuit, à la naissance de l’homme accompli, à son triomphe sur la nature sauvage et à la réconciliation entre Science et Nature.
Les voix des interprètes mettent en valeur les airs inoubliables de l’ouvrage, les notes aigues de la colère et de la souffrance de la Reine de la Nuit, les sons graves de l’inébranlable sagesse de Sarastro, soulignant avec délicatesse, sensibilité et humour les caractères de tous les personnages, aidées en cela par l’Orchestre Philharmonique de Nice dirigé avec souplesse et intelligence.
Nous avons apprécié, à la fin de l’œuvre, la touche originale et iconoclaste apportée par Marianne Clément marquant la réconciliation de la Nature et de la Science par un baiser appuyé entre la Reine de la Nuit et le prêtre Sarastro !
Cette nouvelle production, originale et plaisante est une réussite à laquelle chacun a apporté son âme et son talent.
Anne Pignard