Le Premier homme, roman et film

14 avril 2013,

Par Alain Hervé127308-jacques-gamblin-200x200-1

Camus est mort au sommet de sa gloire. Il a laissé derrière lui un vide qui l’a grandi. Son dernier manuscrit : «  le Premier homme » a été publié dans son état d’ébauche. Son écriture brute accentue les caractéristiques du personnage Camus. Le film de Gianni Amelio le traduit parfaitement. Il retrace la visite que Camus fit en Algérie en 1958, en pleine guerre. A la recherche de son enfance à Solférino près de Mondovi et dans le quartier de Belcourt à Alger. Sa mère et sa grand-mère pauvres blanches. Très pauvres. Le père mort pour la France en 1914. Et le prix Nobel hagard devant deux peuples qui défendent la légitimité de leurs droits à la même terre. Et s’entre tuent. Camus déchiré entre ses liens du sang et son idéal décolonisateur.

Jacques Gamblin exprime à la perfection cette occlusion mentale de l’homme, de la vedette intellectuelle, du fils de sa mère, de l’écolier de son instituteur. Il en résulte pour le spectateur une crispation fastidieuse.

On peut la comprendre si l’on a connu l’Algérie à cette époque. Ce qui n’est plus le cas pour la majorité des voyeurs de ce drame.

On se range trop facilement du côté de l’idéal de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais les colons sacrifiés par de Gaulle, (de même que les harkis) n’ont plus droit à la moindre indulgence.

Camus n’a pas voulu choisir. C’est sa grandeur morale.

Camus était-il un grand écrivain ? Voilà une autre question qu’il faut reformuler maintenant que le temps passe. « L’Etranger » est un roman très moyen, sauvé par le culte scolaire et universitaire qui lui est rendu. Mais il suffit de relire « Les Nourritures terrestres » de Gide pour mesurer la naïveté de « Noces ». De relire l’enthousiasmant « Hussard sur le toit » pour s’ennuyer avec « La Peste ». Dans « Le Premier homme » inachevé, on retrouve les mêmes insuffisances.

Alain Hervé