La vie extra – ordinaire d’un pèlerin sur le chemin de Compostelle

28 octobre 2013,

Nous publions en feuilleton le pèlerinage de Jean-Luc Fessard, un ancien des Amis de la Terre co-organisateur avec Brice Lalonde de la célèbre manif à vélo du 22 avril 1972. Marcheur bien entraîné et observateur de la nature et de ses compagnons de route, il nous raconte cette expérience.
Troisième épisode

par Jean-Luc Fessard

Le chemin entre Pampelune et Puente la ReinaLe 4.05.2013 départ à 9H15 de Vouneuil pour Chauvigny. Horaire prévu 8H30 mais je passe encore beaucoup de temps à discuter avec Michel et Liliane. Et cette fois marche toute la journée sous le soleil avec deux conséquences: de beaux coups de soleil sur les bras et les pieds qui enflent dans les chaussures. Ceci va désormais me handicaper dans ma marche jusqu’à ce que je change de chaussures. J’ai en particulier un fort gonflement au-dessus de la cheville gauche, que j’attribue à ce moment à une chaussure lacée trop serrée, ou à un frottement ou à une piqure ? Et mon talon droit m’élance, ceci est le reliquat de marches précédentes, avec des chaussures mal ressemelées. J’appréhende le début d’une fracture de fatigue. Sinon trajet agréable, même si cela se passe beaucoup sur la route, car je ne suis plus sur un chemin balisé, ni un GR. L’approche de Chauvigny me parait interminable sous le soleil avec, en fond sonore, les vrombissements d’une compétition de moto-cross. A 15H40 j’arrive chez Gilles et Monique C., des amis d’Olivia G.. Gilles m’accueille et me fait visiter la vieille ville. C’est étonnant il y a des vestiges de cinq châteaux, à quelques dizaines de mètres les uns des autres. La maison, parmi les très anciennes de cette petite ville, reste froide malgré le très fort ensoleillement du jour. Lorsque Monique arrive, nous parlons très vite d’écologie et de pêche durable. A l’apéritif Gilles me fait découvrir un vin de noix très agréable. Le repas commence par des radis et de la charcuterie locale. Puis du veau à l’ananas avec du riz italien rapporté par leur fils d’un voyage en Italie. Leur fille Cécile, 10 ans, dine avec nous. Au dessert : fraises avec sablé poitevin. Gilles est universitaire à Poitiers spécialisé dans l’économie touristique. Monique s’occupe de l’écomusée du Montmorillonnais. Ils sont  très sensibles à la dimension sociale du développement durable. Une famille très intéressante, merci à Olivia de me les avoir fait connaitre. Je suis invité c’est formidable.

Parcouru : 22km (138km)

Le 5.05.2013 Départ à 8H45 de Chauvigny  pour Lussac les châteaux.  Avec Gilles qui m’accompagne jusqu’à Saint Pierre les églises pour me mettre sur le bon chemin. Effectivement 1ère heure particulièrement agréable, puis je poursuis par un beau sentier qui longe la Vienne. Par contre, à la fin je me trompe dans les indications de Gilles en lisant ma carte et je finis dans un massif d’orties. Je rejoins la route qui va à Saint Martin Rivière. L’église est ouverte, je prends en photo le vitrail qui est derrière l’hôtel. Puis je traverse la Vienne pour aller en direction de la centrale Civaux. Je fais un petit détour  par Saint Hilaire Salle en Toulon où la chapelle est ouverte. Puis je marche en direction et au long de la centrale nucléaire. Je réalise soudain, pourquoi Michel G. était furieux de ce choix que le maire a fait pour relancer sa ville natale Civaux. Je prends une photo souvenir. Un peu plus loin alors que je quitte la route pour prendre un chemin parallèle, deux gendarmes viennent contrôler mon identité. Ils sont méfiants et me font perdre un quart d’heure. J’arrive à Civaux dont je traverse la nécropole Mérovingienne. Il y a la fête au villge. Je mange juste un flan à la boulangerie et je fais le choix de prendre la route la plus directe pour rejoindre Lussac les Châteaux. Cette route n’est pas sympa du tout, car il y a beaucoup de voitures qui vont vite et presque pas d’accotement pour marcher tranquille au bord de la route. Après quelques hésitations dans le village, d’autant plus que l’hôtesse à la réception de l’hôtel, ne sait pas me renseigner et que ma carte n’est pas assez précise, je suis content d’arriver à destination aux Orangeries. Il est 15H45 je suis parti depuis 7h, j’ai marché pendant 6H et j’ai fait 24 km. Je suis satisfait d’avoir effectué environ 10% du trajet total, il ne me reste à faire que neuf fois la même distance, si tout se passe aussi bien ce sera génial.

Olivia m’emmène à une fête « des jardins autrement » où son chef David fait un cocktail. Il a fait des macarons tomate et fromage de chèvre exceptionnels. Je rencontre plusieurs de leurs fournisseurs, celle qui se désigne sous le nom de madame légumes, le boulanger, monsieur vers de terre pour le lombri-compostage et monsieur « Lean management ». Très intéressante ambiance bobo parisien en pleine campagne à Plaisance.

Je dine en terrasse dans le jardin de l’hôtel, avec le repas très copieux que David m’a préparé. C’est la fin du week-end et en dehors de moi, il ne semble rester qu’un couple de touristes puisque deux autres couples venus de Bordeaux sont partis lorsque j’arrivais.

Comme Olivia m’a amicalement invité cette soirée ne sera pas très rentable pour son magique hôtel.

Parcouru : 24km (162km)

Le 6.05.2013 8H40 Départ de  Lussac les Châteaux pour l’Isle Jourdain. Après un excellent petit déjeuner avec des produits bios et locaux, je dis au-revoir à Olivia et sur ces conseils je rejoins le chemin secondaire de Tours à Saint jacques qui est aussi un GR. Pendant tout le trajet je vais effectuer presque tout le parcours sur le tracé rectiligne d’une ancienne ligne de chemin de fer désaffectée. Rien de très notable à signaler si ce n’est qu’avec cette belle journée ensoleillée, ce chemin ombragé est bien agréable. A l’approche de l’Isle Jourdain, je croise mes hébergeurs qui font une petite balade et me disent que je suis bientôt arrivé sans m’indiquer le chemin. Je vais galérer pendant presqu’une heure dans cette ville toute en hauteur, avec un beau viaduc, comme centre d’intérêt principal. L’office de tourisme et la maison de la presse sont fermés. J’arrive à 15H30 dans une chambre d’hôtes assez classique, sans repas. Mr et Mme L. font leur travail gentiment d’accueillants. Ce sont d’anciens commerçants dans l’électroménager. Ils ont gardé l’appartement qui est au-dessus de l’actuel magasin Pro et Cie. Je peux récupérer mes mails. Je déjeune et dine dans un restaurant proche situé de l’autre côté de la place où se trouve la chambre d’hôtes. 25€ pour les deux repas. Hébergement 45€ nuit et petit déjeuner.

J’ai marché pendant 6H50 dont 6H effectives de marche.

Parcouru : 24km (186km)

Le 7.05.2013 Départ à 8H30 de l’Isle Jourdain pour Mauprévoir. J’arrive à 14H15 soit un temps total de 5H45 pour une distance estimée de 23km raccourcie de 4km par rapport au GR. Je marche par un temps alternativement ensoleillé et couvert, dans des chemins ombragés, c’est idéal. Au début je traverse la Vienne sur l’ancien viaduc de chemin de fer, puis je marche avec en fond sonore les voitures qui s’entrainent sur le circuit automobile du Vigan. Les cultures sont essentiellement du blé et du colza. Je passe à côté d’un immense hangar couvert de panneaux photovoltaïques en partie financé par l’ADEME et la région. Le soir, c’est la tuile, je n’ai pas d’hébergement pour le lendemain, or nous rentrons dans le week-end prolongé du 8 mai. Il semble que Mauprévoir soit bien nommé, je pensais qu’en m’approchant de Surin, je trouverais des adresses sur les listes que j’ai emportées, en fait il n’y a rien. Pire le téléphone ne passe pas dans l’hôtel, je suis obligé d’aller dehors, avec l‘écran de mon Smartphone, qui devient noir à la lumière du soleil. La mairie est ouverte mais l’employée, malgré sa bonne volonté, ne peut que m’indiquer les adresses des offices de tourisme proches, sans succès car je change de département et mes interlocuteurs ne connaissent pas les lieux de passage du chemin. Mieux,  une personne susceptible de m’héberger m’a rappelé, mais je l’ai manquée. J’ai le choix de m’arrêter demain à Charroux ou de changer de route en allant jusqu’à Civray. J’envisage aussi de prendre un taxi pour rejoindre une ville plus importante et faire un aller-retour à la destination prévue. Mais je n’ai pas de carte pour voir par où passer. Demain sera un autre jour, de guerre lasse, je décide d’arrêter de chercher à réserver. Je suis dans un petit hôtel le Diamant (nom venant selon une rumeur locale, de la profession de l’ancien créateur de l’hôtel, qui dans son métier d’horloger, aurait conservé les pierres contenues dans les montres qu’il réparait pour finir par gagner assez d’argent pour faire construire l’hôtel). Pour la première fois, ici on parle plus anglais que français. Je serai bientôt en Charentes. Les actuels propriétaires sont anglais et la plupart de leurs clients également. Le seul français, technicien de maintenance, en fait des tonnes pour montrer qu’il est très « fluently in english ». Le wifi de l’hôtel fonctionne très bien.

Sur le chemin je ne rencontre pas beaucoup d’animaux, quelques écureuils et aujourd’hui, par chance, un Pic épeiche, oiseau typique de la région, près d’une ancienne abbaye.

Je suis content car le gonflement que j’ai au-dessus du pied gauche et qui me gêne pour marcher semble se résorber. Je marche presque normalement et j’ai  parcouru : 209 km en 9 jours.

Pour l’instant l’arrivée dans les villes étapes, malgré des trajets relativement courts, me parait à chaque fois interminable. La ville est parfois comme à Chauvigny, exposée en hauteur et visible de très loin. Où cachée dans une vallée comme à Mauprévoir et ne se révèle que lorsque l’on y pénètre. Mais à chaque fois cela parait très long. D’abord je suis souvent fatigué car je fais peu d’arrêts et des arrêts très courts, car il n’y a presque pas d’endroits conçus pour des arrêts agréables. Souvent je n’ai quasiment rien mangé depuis le départ et je sous-estime de façon chronique la distance restant à parcourir.

Pour la nuit et les deux repas, plus le petit déjeuner dans l’hôtel Le Diamant, j’ai payé 62,10€. C’est un tarif très honnête, j’ai bien mangé et la chambre était très confortable. Seul bémol insignifiant, j’ai dû réveiller l’hôtelier pour avoir mon petit déjeuner à l’heure prévue, son réveil n’avait pas fonctionné.

Parcouru : 23km (209km)

Le 8.05.2013Départ à 8H30 de Mauprévoir pour Surin. La galère continue, la pluie commence dès le départ et continue jusqu’à mon arrivée 2H30 plus tard à Charroux. Tout est trempé, et dans mon porte cartes mon guide, mes cartes et mes papiers sont mouillés et abimés.  Et comme nous sommes le 8 mai tout est fermé, l’office de tourisme et le bar-marchand de journaux où j’espérais trouver une carte, mieux, il n’y a pas de taxi. Le seul bar ouvert est tenu par des anglais, il m’est impossible d’avoir des renseignements sur le trajet pour rejoindre Verteuil. Finalement à l’église, le curé et sa bonne me renseignent, ils me proposent de m’héberger, ce que je refuse car la distance parcourue est trop courte. Après un arrêt d’une demi-heure, je repars sous la pluie et lorsque je dois décider si je vais jusqu’à Surin où plus loin, le téléphone sonne. C’est enfin le propriétaire du château de Cibioux à Surin que j’ai cherché de nombreuses fois à joindre en vain et qui m’annonce qu’il peut m’accueillir. Mieux le soleil réapparait le temps de rejoindre le château de Surin, en quelques instants, mon moral qui commençait flancher repart au beau fixe, la vie est belle et je suis un très grand privilégié d’avoir la chance de faire « le » chemin.

Sur la route près de la Charente, je vois deux salamandres, noires zébrées d’orange. A mon arrivée de nouveau des trombes d’eau vont s’abattre mais heureusement je suis à l’abri. J’ai une suite grand luxe dans le château, la chambre de la Marquise.

Je suis arrivé à 14H soit 5H30 de marche avec un arrêt d’une demi-heure.

Parcouru : 20km (229km)

A nouveau, j’essaie en vain de trouver un hébergement pour le lendemain. Rien et ici aussi le téléphone ne passe que lorsque je suis sur la terrasse à l’extérieur, ce qui n’est vraiment pas pratique.

Aujourd’hui j’explose mon budget : 125€ pour la suite, le diner et le petit déjeuner, je n’ai pas trouvé d’autres hébergements et malgré ce prix, je suis très heureux d’être là. C’est vraiment la vie de château. Je suis dans les appartements de Madame la Marquise. Une suite spacieuse, bien aménagée avec un mobilier d’époque et la vue sur le jardin longé par une rivière et décoré au centre par une croix de Malte taillée dans des buis. L’accès à la suite se fait par une loggia, à balustres, du 17èmequi surplombe une chapelle. C’est, selon la rumeur locale, de cette terrasse, que la marquise s’adressait à son mari qui, contrairement à son amant, n’avait pas accès à la chambre. L’actuel propriétaire Jean-Claude M. ne semble pas faire de grandes affaires avec son gite seigneurial, c’est dommage car il s’occupe bien de ses hôtes. En fin d’après-midi j’ai eu un peu froid dans son château, mais il n’y est pour rien, c’est l’humidité ambiante et la faim car je n’ai rien mangé depuis mon arrêt à Charroux ce matin. Dommage, il n’a pas de tampon, son château aurait fait un joli motif.

Départ le 9.05.2013 à 8H de Surin à Salles de Villefagnan. Je pars tôt car l’étape risque d’être longue si je suis contraint de rejoindre Ruffec. Et miracle à nouveau, alors que je suis en forêt et que je dois décider par quel itinéraire continuer, le téléphone sonne. C’est la propriétaire d’une chambre d’hôtes que je n’avais pas réussi à joindre la veille qui me rappelle et me confirme qu’elle peut m’accueillir. Si, je suis le GR, j’ai 33km de chemins à parcourir, je vais prendre les routes pour raccourcir. La pluie me cueille vers 11H, juste avant la première bourgade. J’y retrouve deux pèlerins Hollandais à vélo qui m’avaient doublé plus tôt et sont surpris de me voir arriver aussi vite. Ils pensent faire tout le trajet en sept semaines. Dans la bourgade, après avoir jeté un coup d’œil dans l’église, où se déroule une messe, je vais dans un restaurant qui est en train d’ouvrir. Gentiment la serveuse me propose de prendre mon café à l’intérieur sur une petite table entourée de fauteuils en cuir. Manifestement après mon départ elle se fera rabrouer par la patronne : un pèlerin tout trempé dans un fauteuil en cuir pour un simple café, cherchez l’erreur ! Les pèlerins Hollandais resteront dehors. Je repars sous la pluie de Nanteuil en Vallée, elle continue plus ou moins fortement. J’évite Verteuil en Charentes qui n’a pas voulu m’accueillir, en passant sur une ancienne voie ferrée. C’est dommage car l’église et le château (de Madame de Verteuil ?) semblent intéressants. Je finis par arriver à Salles de Villefagnan où mes hôtes anglais applaudissent mon arrivée. Il est 15H20 je viens de faire 28km avec plus de 4 heures de pluie.

Je suis heureux d’arriver et après ma douche, mon hôtesse mon sert un thé avec des biscuits, super. Tout va bien, mon œdème sur le pied gauche n’est pas encore totalement résorbé, mais il ne me gêne plus pour marcher. J’ai à nouveau vu un Pic épeiche. Bien que j’aie marché les trois quarts du temps sur la route et sous la pluie, le trajet était assez beau. Finalement je m’accommode assez bien de la pluie sur la route, je marche bien et j’ai moins soif.

Ce soir je dine avec mes hôtes David et Rebecca qui sont charmants. Rebecca a fait une salade avec du melon et du canard, puis d’excellentes pâtes avec des champignons et des endives braisées (à retenir). Enfin une crème caramel. Parfait. David m’encourage à faire le « coast to coast » au centre de l’Angleterre. Il l’a fait avec l’intention de camper mais comme le sac était trop lourd il a poursuivi dans des Beds and breakfasts. Pour la deuxième fois, pas de tampon, ils n’en n’ont pas encore.

Cette fois pour demain j’ai réservé une chambre, mais je sais maintenant que, même si je pars le matin sans savoir où je vais dormir, cela fait deux fois de suite que le téléphone m’apporte la bonne nouvelle, des hôtes sont prêts à m’accueillir.

Parcouru : 33km (262km en 11 jours)

Sur le chemin, impressions toujours contrastées, hier j’ai d’abord longé une de ces gigantesques machines d’arrosage pour le maïs, de plus de 250 m de long puis à Villefagnan, j’ai trouvé un parc de 9 éoliennes. Sinon surtout des cultures de colza et de blé avec depuis 2 jours un peu de vignes.

Le 10.05.2013 Départ à 8H15 de Salles de Villefagnan à Lanville. Accueil anglais oblige, j’ai droit à un copieux petit déjeuner. En allant vers l’église qui est fermée, je croise un anglais très sympa. Il est le père des anciens propriétaires de la chambre d’hôtes que David et Rebecca ont reprise depuis seulement 15 jours.

Aujourd’hui je suis le GR. Malheureusement avant Charme, le chemin est coupé sans préavis du fait du passage de la future ligne de LGV pur Bordeaux (Paris en 2H !). En l’absence de trajet alternatif, je traverse le chantier et j’en ressors chaussures et bas de pantalons tous crottés. J’ai dû franchir deux larges fossés, puis j’ai plus glissé que marché dans une glaise blanche très collante. Je peste contre les responsables du chantier qui n’ont que cure des marcheurs. De Charme, je file sur Jusson où je m’arrête dans un restaurant « le Compostelle ». La jeune patronne me sert un café avec du pain et une très bonne confiture. Elle aimerait aller à Saint jacques. En sortant de Jusson la pluie se met à tomber pendant une heure. Puis à Villejésus, le ciel menace à nouveau mais l’averse est de courte durée. J’arrive à Lanville à 15H.

Parcouru : 23km (285km)

J’ai aperçu au loin 2 parcs de 6 éoliennes et hélas, 3 énormes arroseuses. Ironie de la situation, nous sommes sous la pluie et dans des chemins gorgés d’eau. Quelle vanité de l’homme de vouloir faire pousser des plantes non adaptées à l’écosystème grâce à la technique et au mépris des ressources locales. J’ai vu un premier champ d’orge et toujours aussi peu d’animaux excepté quelques oiseaux et un troupeau de moutons fraichement tondus.

Actuellement seul Guismov me manque puisque j’arrive à joindre très régulièrement mes deux filles par téléphone. Enfin pas aujourd’hui car à nouveau pour la 3ème fois le réseau passe très très mal. J’arrive quand même à réserver pour demain soir même si ce n’est pas à l’endroit souhaité (moins 5 km).

Je suis hébergé chez Evelyne T. en face du prieuré de Lanville. Elle m’a demandé 65€ pour l’hébergement, le petit déjeuner et le dîner. Elle m’avait dit qu’elle cuisinait mal, mais comme je ne trouverai rien d’autre sur place, elle acceptait de me faire la cuisine. En fait, elle m’a préparé une très bonne soupe de légumes et un excellent poulet au curry-noix de coco. J’ai passé une bonne soirée en sa compagnie, même si sa solitude de veuve, avec sa chienne très douce, est palpable. Elle possède une immense maison dans laquelle la partie aménagée, où se trouve ma chambre, peut accueillir jusqu’à vingt personnes. Mais d’autres bâtiments, non aménagés, permettraient d’accueillir encore plus de monde. Au cours du dîner elle m’explique qu’elle est  allée nourrir ses deux chevaux, c’est pourquoi juste avant le repas elle avait disparu avec sa voiture en laissant les plats mijoter doucement. C’est triste mais, le beau prieuré en face, a été habité par des moines pendant de nombreuses années jusqu’à ce qu’ils soient obligés de partir car le loyer que demandait la municipalité, propriétaire des lieux, était exorbitant. Il y a du vent, le temps est humide. Et même si le soleil est revenu, le linge que j’ai lavé, comme à chaque étape n’est pas, pour la première fois, tout à fait sec.

Le 11.05.2013 Départ à 8H30 de Lanville pour le Portal à Vars. Le chemin est très propre et agréable, je m’égare juste pendant 3 kilomètres, à Vouharte, du fait d’un mauvais marquage et d’un manque d’attention en sortant de l’église, dans laquelle se trouve un vitrail marial très nature. Je vais errer à travers champs jusqu’à un site de moto cross avant de devoir revenir sur Vouharte. La pluie va alors tomber pendant une heure, mais elle restera légère. Je traverse à nouveau le chantier de la ligne LGV, mais cette fois sans difficulté car le terrain est sec. Je passe alors près de 6 éoliennes qui tournent en silence. A Saint Amand de Boixe, le prieuré est fort beau. Comme j’ai du temps, car mes prochains hôtes ne m’accueilleront pas avant 16H, je déjeune à l’Auberge de l’Abbaye. Tartare de mousse d’avocat et Bar (entier) rôti à la fleur de sel. Copieux et excellent. Petit désagrément, l’addition avec un verre de vin rouge est de 29€. Il m’est facturé pour le plat du moment un supplément de 7€ qui n’est indiqué nulle part : ni sur l’ardoise, ni sur le menu. Ce manque de transparence est une pratique détestable en restauration. J’ai le sentiment d’avoir été piégé, je pars contrarié alors que j’ai très bien mangé et que bien informé, j’aurais probablement choisi de prendre ce plat avec ce supplément.

J’arrive au Portal à Vars au gite de luxe où j’ai été contraint de réserver faute d’alternative proche en ce très long week-end d’ascension. Je suis accueilli par mon hôte qui s’appelle Jacques. J’apprécie qu’il passe un très long moment à me donner des explications détaillées sur cette maison qu’ils ont magnifiquement retapée et aménagée avec sa femme. Je n’ai hélas, faute de culture architecturale suffisante, pas mémorisé grand-chose. La maison est splendide, très agréable à vivre. Dans la salle d’accueil à l’entrée, Jacques a mis une petite musique d’ambiance, c’est charmant d’être ainsi accueilli. Mieux dans le parc alentours il élève plusieurs espèces rares de canards, de chèvres et d’ânes. Et son fils ingénieur électronicien dans les sous-marins atomiques a démarré des plantations en permaculture sur planches.

Parcouru : 23km (308km)

Je galère à nouveau pour réserver un hébergement pour les jours à venir, même et c’est un comble dans Angoulême. Avec l’aide de mon hôte je finis par réserver pour le dimanche et le lundi. Mais je suis inquiet parce que la maison familiale dans l’abbaye de Puypéroux semble fermée et que je ne trouve rien alentours. Un très mauvais point également pour les offices de tourisme, qui ne disposent pas de l’itinéraire détaillé du chemin (pourtant c’est un GR). Ils sont incapables, à nouveau, de me proposer des hébergements sur ce même chemin. Ils semblent encore focalisés sur le touriste en voiture, alors que partout il est fait référence au Chemin de Compostelle. Cherchez l’erreur. Je paie probablement (dans tous les sens du terme) d’avoir choisi ce chemin secondaire pour lequel la filière des hospitaliers semble inexistante.

Le 12.05.2013 Départ à 8H30 de Vars à Angoulême. Je n‘ai pas vu mon hôtesse et je le regrette car sa maison est décorée avec goût et son petit déjeuner très bien. Je paie 75€ pour le repas, la chambre et le petit déjeuner, ce qui est très honnête par rapport à la qualité du lieu. Jacques le propriétaire m’accompagne jusqu’à son magnifique portail et très belle attention il me donne la météo du jour qu’il vient juste de regarder pour moi sur internet.

Je passe près d’un lieu qui s’appelle « le petit colibri » et qui annonce également pratiquer la permaculture. Une émanation probable du mouvement des Colibris de Pierre Rahbi. Il devient évident pour moi qu’il se passe quelque chose dans l’agriculture, même si le lieu en question semblait très précaire

Le chemin est agréable même si le temps est couvert et qu’une ou deux fois je crains une ondée. Le chemin se lit facilement et c’est heureux car le balisage est minimal. L’arrivée sur Angoulême est longue et sans intérêt. Le syndicat d’initiatives devrait faire quelque chose pour, à l’instar de ce qui se fait dans de nombreuses villes, créer un accès pèlerin piéton plus agréable. Alors que les trois petits hôtels par cher de ma liste sont tous fermés en ce week-end prolongé, je constate que celui qui a accepté de m’accueillir m’a donné une chambre  hors de prix (50€) pour ce qu’elle est, minuscule et sans fenêtre. Pire, le gardien, qui finit par m’ouvrir alors que la porte est fermée, me demande à quelle heure je souhaite avoir mon petit déjeuner ? Je lui réponds, vers 7H30-7H45 pour pouvoir partir tôt. Il me dit : «Alors ce sera 8H parce que c’est mieux pour moi après ce week-end ! ». Je visite le plateau d’Angoulême jusqu’à la cathédrale. Alors que je fais tamponner ma crédentiale, arrivent deux pèlerins Belges à vélo. Ils galèrent, encore plus que moi, pour se loger car ils n’ont pas de mobile. Je leur propose de les aider et je constate sur leur guide qu’il y a un hôtel IBIS Budget à 20 mètres de mon hôtel et que la chambre est 20% mon chère que la mienne (42€ pour 2 personnes).

Parcouru : 20km (328km) soit 20% du chemin et 20% du temps nécessaire 14 jours.

Je suis content de ce début réussi, sans vraies difficultés, à part un peu de pluie et quelques difficultés pour trouver des hébergements.

Le 13.05.2013 Départ d’Angoulême pour Moutiers sur Boême. Cela me prend 2 heures de marche sur la route de Bordeaux pour sortir de la ville, ce qui est très long, mais au final, divine surprise, au bord de…

Jean-Luc Fessard          à suivre la semaine prochaine