La vie extra – ordinaire d’un pèlerin sur le chemin de Compostelle

4 novembre 2013,

Ce récit de pèlerinage, que nous publions depuis un mois, est original par son ton désinvolte, pratique, anecdotique, attentif aux détails, presque mystique… Nous voilà loin des effusions publicitaires de certains pipoles qui trimbalent au même moment leur égo enflé sur les chemins de Compostelle. Merci Jean-Luc.ImageJ=1.38x

par Jean- Luc Fessard

Le 13.05.2013 Départ d’Angoulême pour Moutiers sur Boême. Cela me prend deux heures de marche sur la route de Bordeaux pour sortir de la ville, ce qui est très long, mais au final, divine surprise, au bord de la route un magasin Décathlon me permet de résoudre trois problèmes : remplacer mes bouchons de bâtons usés depuis longtemps par d’épais bouchons nordiques très bien conçus, me procurer un lecteur de cartes simple face, mais bien étanche et sans les picots qui ont percé ma veste de pluie et abimé mes chemises (grand soulagement) et une carte détaillée de la région, qui va me permettre de mieux repérer l’emplacement de mes futurs hébergements (grande satisfaction). Par contre, malgré quelques essais, je n’ai pas trouvé de chaussures qui me conviennent mieux que celles que je porte et qui me font mal. Je reprends le GR pour rentrer dans La Couronne.

Une bourgade où je longe les vestiges d’une abbaye qui était au 13ème-14ème la plus importante d’Aquitaine. Elle appartient aujourd’hui à Lafarge et semble servir en partie pour les bureaux d’une cimenterie. Je fais un arrêt dans un café et je suis contraint à aller acheter un sandwich avec une tartelette dans une boulangerie plus loin. Je poursuis lentement    ma route pour arriver à Moutiers sur Boème à l’heure convenue 14H. Je suis accueilli par Jean dans une grande maison familiale ouverte en chambre d’hôtes récemment. Avec sa femme ils l’aménagent de façon simple en préservant le côté rustique du bâti. En passant la tondeuse, Jean vient juste de couper le fil de la parabole…

Il est occupé à la réparer pour que la télé fonctionne. En attendant le wifi et le téléphone 3G fonctionnent parfaitement, ce qui me permet d’organiser mon hébergement pour les 2 jours suivants, tout baigne. Aujourd’hui l’étape a été très courte, seulement 20km. Et demain elle sera encore plus courte à cause du manque d’hébergements. L’ancienne abbaye de Puypéroux qui faisait maison familiale et pouvait accueillir jusqu’à 20 personnes est fermée. Pour l’étape suivante l’abbaye de Maumont, « n’accueille plus les pèlerins homme seuls » à la suite de problèmes, selon mon interlocutrice au téléphone. Néanmoins elle m’indique une chambre d’hôtes proche qui peut me recevoir. Hier j’ai eu Michel C. au téléphone, il va bien, son opération s’est bien passée, je suis rassuré. Magdalena a essayé de m’aider à trouver des hébergements sans succès. J’ai l’intention d’utiliser mes notes pour faire remonter au site jacquaire de Charentes dont je me suis servi, toutes les difficultés rencontrées et leur indiquer les bonnes adresses.

Je dîne avec Jean, Marie-Anne et leur petite-fille de 6ans ½ Léonie.

Nous avons mangé une salade avec des tartes salée maison (thon et tomates). Et Marie-Anne avait acheté des pâtisseries. C’était parfait, mais pour un repas annoncé « simple », elle s’était quand même compliqué l’existence. Mieux, Jean m’a fait découvrir le « Brûlot charentais ». Au centre d’une coupelle fabriquée spécialement par un potier local, il a mis deux sucres et une cuillère d’eau de vie (important : à 70°avant transformation en cognac). Il a posé une tasse de café au milieu et puis il a enflammé l’eau de vie. Pendant quelques minutes, en brûlant, l’eau de vie chauffe le café et fait caraméliser le sucre. Lorsque la flamme s’éteint, ce qui reste est versé dans la tasse. Le café est chaud, peu sucré avec un goût caramélisé très légèrement parfumé par l’eau de vie. C’est excellent. Avec le potier ils essaient de faire revivre cette tradition charentaise qui a failli disparaitre à l’époque du phylloxera et de l’arrachage des vignes.

Mes trois hôtes sont adorables et je suggère à jean d’ouvrir une page spéciale dédiée à l’hébergement pèlerin en Charentes pour combler un manque. Ainsi il développera une activité complémentaire à son activité de chambre d’hôtes et d’accueil de séminaires. S’il le fait, je lui ferai un témoignage sympa. J’adore « le pigeonnier » dans lequel j’ai dormi et la façon dont ils l’ont restauré.

Jean et Marie-Anne font du tandem VTT. Jean m’assure que ceux qui essaient sont tout de suite conquis. J’ai quelques doutes, à moins d’avoir un pilote aguerri comme lui qui a fait beaucoup de motocross. Très très bon lieu d’accueil à recommander. Tarif Chambre plus petit déjeuner : 47€, repas : 15€, c’est cadeau.

Parcouru : 20km (348km)

Le 14.05.2013 Départ à 8H30 de Mouthiers à Chadurie

Je pars en même temps que Marie-Anne qui emmène Léonie à l’école. Je vais dans Mouthiers en particulier voir l’église qui est ouverte puis la cave ou grotte à Calvin. Dans laquelle Calvin lui-même serait venu prêcher. Mais surtout dans laquelle il a été retrouvé des sculptures magdaléniennes. Je flâne en route jusqu’à Plassac persuadé que j’ai une distance de seulement 16 km à parcourir. Je croise un groupe de sept femmes qui randonnent. Leur monitrice se moque de ma façon de tenir mes bâtons, mais me propose néanmoins de les suivre, alors qu’elles vont en direction opposée, dommage. Plus loin sur une hauteur, alors que je me repose devant la belle église de Plassac et qu’il est déjà midi, je réalise qu’il me reste encore près de 10 km à parcourir. La mairie est ouverte, je demande à ses employés où je peux m’approvisionner, mais il n’y a aucun restaurant, ni épicerie à l’horizon. Comme je n’ai rien prévu pour manger, j’entame le mendiant  que je porte depuis le début au cas où. J’arrive à Chez Gauthier à Chadurie et comme il n’y a aucune indication de chambre d’hôte, j’appelle Brigitte P. qui ne réponds pas. Je décide de regarder les boites aux lettres du hameau et chance la première maison en face, c’est indiqué P. le nom de mon hôte. Je m’installe devant la maison en récupérant un fauteuil de jardin, résolu à attendre mon hôtesse. Quelques minutes plus tard mon téléphone sonne, c’est Brigitte P. qui me cherche. En fai, elle était sortie et n‘a pas entendu le téléphone. Elle m’apprend que dans ce hameau n’habitent que des P. et que je ne suis pas devant la bonne maison, mais devant celle d’une de ses cousines. Quelques minutes plus tard, à 15H, elle m’accueille dans sa grande maison qui est une ferme rénovée de façon plus classique. Ma chambre peut accueillir une famille. Je dispose d’un balcon bien agréable puisque le soleil s’est enfin décidé à apparaitre.

Parcouru : 24km (372km)

Diner avec Brigitte et Louise 95 ans dont elle s’occupe. Cette dernière souffre de rhumatismes déformants aux mains et n’est plus autonome.

Brigitte a une chienne toute gentille et une chatte d’un an Soquette qui est de la même race : Maine coone croisé gouttière que Guismov. Avec un caractère également très doux mais moins de longs poils. Brigitte a eu trois filles dont les âges s’étalent de 19 à 35 ans. Elle est grand-mère et semble affectée du fait que sa plus jeune fille ait quitté la maison pour être indépendante en travaillant dans un salon de coiffure. Elle a deux ânes auxquels elle est très attachée, elle fait de la photo et de la peinture. Elle m’a demandé 52€ pour la chambre, le petit déjeuner et le diner, ce qui est très honnête.

Le 15.05.2013 départ à 8H45 de Chadurie à Juignac. Il fait frais mais je n’aurai pas de pluie. Je ne suis pas pressé car j’ai prévu à la demande de ma prochaine hôtesse d’arriver seulement vers 17H à Juignac.

Déception à Puypéroux, l’église Saint Gilles est fermée, je peux juste jeter un coup d’œil rapide dans la cours de l’ancienne abbaye qui vient d’être transformée en école. Je me dirige vers Montmoreau où je prends un bon repas. Je visite l’église, mais je ne peux accéder à l’ancienne halte jacquaire, la chapelle Notre Dame. Elle est à côté du château de Montmoreau qui domine la ville et dont l’accès est interdit pour travaux. Je monte jusqu’à saint Amand où l’église est ouverte, puis je me rends à l’abbaye de Maumont, qui n’accueille plus les hommes seuls. A proximité de l’abbaye, je rencontre mon hôtesse du lendemain. Elle est avec un groupe de gens de la région qui, avec une guide, s’intéressent aux raretés de la flore locale. L’église de l’abbaye, très moderne avec sa disposition circulaire, est un lieu où règne une grande quiétude. Dans cette partie le chemin est mal balisé et à deux occasions, je suis parti dans la mauvaise direction avant de revenir sur mes pas en l’absence prolongée de balises. Et plusieurs fois j’ai eu des doutes car les balises sont rares. Heureusement un couple de personnes âgées en BMW, puis des ouvriers seront là pour me renseigner. Je finis par arriver au Maine Lafond à Juignac, où je suis accueilli par Catherine L., son mari et son fils. L’endroit est splendide, en pleine nature, ils ont des panneaux solaires, une mini-éolienne. Cette mini-éolienne sert à tirer l’eau du puits pour arroser le jardin. Et au bord d’un étang ils ont aménagé des chambres dans des cabanes perchées dans des arbres. La maison est à nouveau très belle, meublée avec beaucoup de goût, c’est un bonheur. Catherine s’adonne également à la peinture, elle me montre l’un de ses tableaux inspiré de Monet, c’est une vraie réussite.

Le repas se composera d’une soupe de vermicelle, d’une quiche au thon, de prunes maison au sirop (avec les noyaux pour le goût), tout est très bon.

Il faudra que je fasse connaître le Maine Lafond, un lieu exceptionnel et Catherine L. est vraiment très sympathique. Etonnamment elle n’a pas percuté lorsque je lui ai dit que j’écrivais des articles sur le Développement Durable. Peut-être est-ce son mari qui est à l’origine de l’éolienne et des panneaux solaires. Elle ne me demande que 38€ pour l’hébergement, le dîner et le petit déjeuner, tarif pèlerin c’est super cadeau.

Parcouru : 24km (396km)

Le 16.05 Départ à 8H20 de Juignac à Aubeterre sur Dronne

Il a un brouillard très épais, aussi Catherine L. m’indique par où passer pour éviter de revenir sur Juignac. Elle me demande d’avoir une pensée pour eux en arrivant à Compostelle. Avec ses indications, je m’en sors à peu près, excepté après être passé dans un champ où poussent des orchidées sauvages, une espèce protégée. Et je me retrouve en train de franchir de façon acrobatique une clôture avec des barbelés avant de me retrouver sur le chemin balisé. Le chemin se déroule pendant 2h dans le brouillard, puis le soleil apparait avec des nuages menaçants mais il ne pleut pas. Le chemin est mieux balisé que la veille et il n’est boueux qu’en trois endroits assez courts. Après être passé  près d’un étang, je vois un écureuil qui me semble installé à demeure dans un hangar. J’arrive à Aubeterre sur Dronne qui est vraiment une belle et intéressante commune. Avec son exceptionnelle et étonnante église Saint Jean sous terre. Dont il est possible de visiter la nef et la crypte, mais aussi, plus rare, le déambulatoire. Cette église a été creusée dans la falaise, sur 17m de hauteur, par un seigneur local de retour de croisade pour abriter les reliques qu’il a rapportées. Dans la nécropole il a été retrouvé le corps d’un probable pèlerin de Saint Jacques. Egalement intéressante, une église Saint jacques avec son spectaculaire parvis et une magnifique vierge à l’enfant trop éclairée ou un saint jacques qui lui reste dans la pénombre. Enfin c’est aussi la ville de naissance de Ludovic Travieux, père de la Ligue des droits de l’homme. A qui une exposition est consacrée dans une très belle cave près de l’atelier d’Evelyne R. mon hôtesse. J’y découvre le lien entre la LDH, Emile Zola et le procès Dreyfus. J’achète une ceinture en cuir à Evelyne R., dont je ne saurai finalement pas grand-chose. Elle semble vivre seule et assez isolée dans cette maison qu’elle a rachetée il y a 15 ans. Et qu’elle a restaurée de façon simple et un peu austère. De ma chambre j’avais une vue directe et plongeante sur les beaux balcons avec les belles toitures d’Aubeterre.

Evelyne R., ne me demande que 70€ pour la chambre, le petit déjeuner et la ceinture, ce n‘est pas cher du tout.

Parcouru : 18km (414km) Etape tranquille

Le 17.05.2013 Départ à 8H20 d’Aubeterre à l’Abbaye d’Echourgnac.

A nouveau et brièvement cette fois, départ dans le brouillard. Je choisis de prendre la route pour aller à Saint Aulaye où je devais de toute façon quitter le GR et faire ma deuxième bifurcation pour rejoindre du chemin de Vézelay. Le soleil sera de la partie presque tout le temps mais il ne fait pas chaud, car il y a un léger vent, c’est très agréable de marcher dans ces conditions. Au départ un chien se met à me suivre, créant quelques incidents avec les voitures. Et chance alors que je me demande comment m’en débarrasser, je suis doublé par deux pèlerins cyclistes et il se met à les accompagner. Je suis soulagé, je ne le reverrai plus. Une brève pause à Saint Aulaye où j’expédie cartes et guides qui m’ont servi jusqu’alors, allégeant ainsi mon sac de 400 gr. La postière me dit qu’elle est justement en train de lire le livre de Jean-Christophe Ruffin et qu’elle rêve de faire le chemin.

J’arrive à l’Abbaye d’Echourgnac vers 13H15. J’y suis accueilli par trois amis de l’abbaye qui viennent régulièrement y passer plusieurs jours pour aider les sœurs. La chambre avec douche et WC est parfaite. Pour la 1ère fois je vais utiliser ma serviette et mon « sac à viande ».

Alors que j’allais simplement lui demander à quel endroit aller pour faire apposer un tampon sur ma crédenciale, la sœur qui s‘occupe de la boutique m’offrit une friandise : un bouchon au chocolat avec du cognac à l’intérieur. J’apprécie beaucoup cette gentille attention. Finalement je serai essentiellement en contact avec les trois aides qui se préparent à accueillir un groupe de 40 retraitants. J’ai peu vu les sœurs, qui sont environ 25, excepté aux offices. Le diner se passera avec les aides et le Père Paul. Qui, je le suppose, va animer la retraite spirituelle. Il rentre juste d’un voyage en Corée où il a vécu 35 ans. Il vient d’y retourner avec son frère, qui était le père abbé d’un monastère et n’avait jamais pu aller le voir sur place.

Je laisse un chèque de 40€ (les sœurs demandent seulement 30€)

Parcouru : 20km (434km)

Le 18.05.2013 Départ à 8H20 d’Echourgnac à Saint Géry.

Le départ s’effectue sous la pluie, qui dure 4H et s’arrête seulement à une demi-heure de Mussidan. Pour me sécher, je décide de m’arrêter dans un restaurant et de prendre un bon repas. Lorsque je repars le ciel est très menaçant, pourtant je prends le chemin de Vézelay que je viens juste de rejoindre, plutôt que de continuer par la route comme ce matin. Je vais le regretter bien vite car je vais me prendre pendant plus d’une heure un orage d’une violence inouïe avec tonnerre et éclairs. Heureusement  le marquage est bien fait ainsi que le Guide de Mme Chassin. Au début je vais tenter de m’abriter sous des arbres puis mouillé pour mouillé, j’y renonce et je marche sous des trombes d’eau. Le chemin devient progressivement un torrent gorgé d’eau et de boue. C’est la poisse intégrale d’autant plus qu’à mon arrivée au Clos Lavaur à Saint Géry 2H plus tard, mon hôtesse m’apprends qu’elle ne fait pas le repas du soir. Je dois repartir chez un boucher qui est à 500m. Il fait aussi chambre d’hôtes et je dis que la prochaine fois j’irai chez lui. Car je suppose que lui fait le repas du soir.

Surprise, sans que je m’en rende compte la housse de pluie de mon sac à dos, s’est remplie d’eau. Le fond de mon sac et les affaires qui s’y trouvaient sont trempés. Comme nous le verrons, je n’aurais pas dû hésiter à faire deux trous dans la housse pour le cas où de tels orages se reproduiraient.

Distance parcourue : 26km (460km)

19.05.2013 Départ à 8H15 de Saint Géry pour Sainte Foy la Grande

Mon hôtesse a préparé un petit déjeuner avec yaourt et confitures faits maison et une bonne baguette, la même que celle qu’elle m’a vendue la veille pour accompagner mon repas froid fait uniquement de charcuterie. Elle me demande 30€, ce qui est honnête pour l’hébergement dans cette annexe de la maison qu’ils ont construite avec son mari en imitant bien l’ancien. Elle a 2 chiens, dont l’un se déplace difficilement car il a fait un AVC.

Il pleut lors de mon départ mais la pluie cesse rapidement. J’ai néanmoins décidé de poursuivre sur la route. Car j’évite les chemins gorgés d’eau, je marche mieux, plus rapidement et le trajet est plus court de 3km ce qui est appréciable. Avant d’arriver à Port Sainte Foy, j’essaie de reprendre le GR, en fait je m’égare un peu. Je finis par trouver la bonne route et le pont qui me permet de franchir la Dordogne. L’arrivée sur Sainte Foy la Grande me parait interminable. Je suis fatigué, je boite légèrement du pied droit. Ce que j’attribue à nouveau  à un problème de laçage. Je regrette un peu de ne pas avoir pris mes chaussures Aigle, avec elles je n’ai jamais eu de problème. Mais peut-être que le poids du sac change un peu la donne. Il tombe à nouveau quelques gouttes avant mon arrivée à l’hôtel situé sur la longue et ancienne rue principale.  Nous sommes le dimanche de pentecôte, il n’y a pas grand-chose d’ouvert à part l’église. Je vais déjeuner et dîner deux fois au même endroit, une crêperie, où les plats sont faits à la demande. C’est très long mais bon. Un groupe de bikeurs remplit l’hôtel.

Parcouru : 22km (482km)

Le 20.05.2013 Départ à 8H15 de Sainte Foy  à Sainte Ferme.

Alors que je me rends à la boulangerie proche de l’hôtel je rencontre trois pèlerins : Hugues, Luth et Daniel. Daniel ne va que jusqu’à La Réole, quant à Luth, c’est une Belge qui est partie de chez elle et va jusqu’à Saint Jacques. Elle tire un chariot derrière elle pour porter ses affaires et de ce fait ne marche que sur les routes. Nous suivons avec Daniel le chemin de madame Chassin qui malgré tout comporte beaucoup de goudron. Vers midi je m’arrête pour déjeuner avec Hugues qui est un boucher. Il a choisi de marcher pendant 10 jours sur le chemin, pour s’aérer les neurones, parce qu’il s’occupe en permanence de sa femme devenue tétraplégique à la suite d’un accident de voiture. Tous trois nous arrivons ensemble à sainte Ferme. Il y a une belle abbaye dont l’église est ouverte. Nous arrivons à 15H30 et nous sommes accueillis dans un gite jacquaire par deux hospitaliers très sympas, Anne et Jérôme.

Parcouru : 25km (507km), j’ai dépassé les 500 premiers kilomètres.

Anne et Jérôme nous font un super repas : Soupe de légumes du jardin, crudités, poisson en papillote aux petits légumes avec du riz, fromage et pour finir une sublime mousse au chocolat. Ils sont adorables et aux petit soins tous deux. Le gite est bien conçu, même si les lits superposés sont, comme partout peu pratiques dans un dortoir très étroit. Ils disposent d’une essoreuse spéciale qui permet de sécher les vêtements  trois fois plus vite.  Je suis heureux de marcher enfin avec d’autres pèlerins et d’en avoir fini avec l’isolement qui a été le mien depuis que j’ai bifurqué vers le chemin secondaire de Tours à Saint Jacques.

C’est le donativo, je laisse 40€

Le 21.05.2013 Départ de Sainte Ferme pour la Réole

Après un petit déjeuner très copieux, nous partons à quatre. Daniel qui, demain très tôt, rentre chez lui en Bretagne et que je ne reverrai pas. Hugues qui va marcher avec nous pendant environ 9 jours. Luth avec son chariot et Layla une jeune flamande de 23 ans qui nous rattrape, elle va faire 33 km sans son sac, que Jérôme et Anne vont lui porter à son étape. Kevin et Jérôme qui ont marché avec Leila pendant plusieurs jours, avaient très tard fini par rejoindre en stop le gite, par manque de place dans le gite précédent. Jérôme veut repartir en arrière pour faire l’intégralité du chemin à pied. De fait, à La Réole, où nous arrivons tous les quatre à 13H30, nous ne verrons arriver que Kevin. Nous déjeunons ensemble dans une pizzéria avant de nous séparer. Albert L. vient me chercher devant le restaurant. Et nous essayons en vain de résoudre ce que je crois être un problème de batterie sur mon  Smartphone. J’utilise ma batterie de secours en espérant qu’elle tienne, sinon je devrai acheter un autre téléphone. Patricia et Albert me font un excellent repas. Ils ont une belle et agréable maison, leur chambre d’amis est au top. Tout va bien pour moi, c’est superbe d’avoir ainsi l’opportunité  d’être accueilli chez des amis.

Parcouru : 20km (527km)

Le 22.05.2013 Départ à 8H45 de La Réole pour Bazas.

Albert me raccompagne jusqu’au pont suspendu de La Réole, il pleut. La pluie va continuer la moitié de la journée. Je marche seul jusqu’à Auroc (17km) où j’arrive à  13H. Sur la foi du guide, je pensais pouvoir m’approvisionner à Savignac. Mais le petit commerce annoncé est fermé justement le mercredi. Je passe à Puyperran où l’église assez ordinaire et ouverte contrairement à d’autres plus belles et plus anciennes. Par contre en sortant de l’église il y a un magnifique pont barrage. A Auroc je retrouve Luth qui déjeune sur un banc. Elle vient de se faire couper les cheveux, gratuitement, parce qu’elle est pèlerine. Je mange une pomme et elle me donne quelques dattes. Nous repartons ensemble par la route jusqu’à Bazas où nous arrivons à la cathédrale vers 16H. La cathédrale est très grande et possède de très beaux vitraux, dont un Saint Jacques. Je prends une photo de la cathédrale pour Jacqueline, qui m’a dit lors d’une de nos marches garder un merveilleux souvenir de Bazas avec sa cathédrale et ses arcades. Nous nous attablons à la terrasse d’un salon de thé (très cher) avec Luth et quelques instants plus tard Hugues nous rejoint. Il est épuisé car le chemin très boueux dans sa deuxième partie contourne, plus longuement que prévu, un lac.

A 17h Etienne vient me chercher devant la cathédrale et me conduit chez lui. Ses deux sœurs sont là car c’est l’anniversaire de sa femme Françoise. Cette dernière me propose immédiatement un thé. Ce sont d’anciens parisiens du Kremlin-Bicêtre. Ils accueillent des pèlerins depuis 10 ans, je dois être le 275ème. Elle m’inscrit dans le 3ème de couverture de son livre d’or. Elle colle sur ma crédenciale une sorte de timbre qui porte leur tampon. Ils habitent dans un moulin qu’ils ont très bien rénové. Par contre, une fois encore, le réseau ne passe pas. Je suis embêté car me batterie s’est vidée à toute vitesse. Je décide d’éteindre le téléphone, mais ce n’est pas pratique car du coup je n’ai plus l’heure. En fait, il doit y avoir un mauvais contact quelque part car il ne s’éteint plus. Et dans la nuit, alors que je l’avais totalement rechargée, la batterie s’est vidée d’un tiers, sans que j’utilise le téléphone.

Mon couple d’hôtes est bien intéressant. Etienne avec sa pipe qui tombe sur son menton, il a travaillé à la police judiciaire financière. Françoise, s’est occupée d’enseignement auprès de ce qu’elle appelle des handicapés sociaux (enfants battus, violés, en retard scolaire…) Elle m’explique que c’était dur mais que c’était un travail d’équipe. Ils ont un garçon et une fille. Lui travaille avec sa femme chez GDF-Suez. Ils vivent mal la fusion. Leur fille est sage-femme à Angers ville d’origine de Françoise. Dans la soirée le téléphone sonnera à plusieurs reprises, ce sont leurs enfants et cinq petits-enfants, qui souhaitent un bon anniversaire à Françoise. Mes hôtes me demandent de prier pour eux à Compostelle. Ils viennent d’un pèlerinage à Aire sur Adour effectué avec leur groupe régional d’accueillants.

Parcouru : 20km (547km)

Ils me demandent seulement 40€ pour la chambre, le dîner et le petit déjeuner.

Le 23.05.2013 Départ de Bazas pour Captieux.

Je retrouve Luth et Hugues à la cathédrale où Etienne me conduit. Nous voulons partir ensemble lorsque la pluie commence à tomber. Luth renonce à nous accompagner sur notre chemin rectiligne sur une ancienne voie ferrée et part sur la route. Elle a raison, de nombreux ponts, ont étés détruits nous obligeants à prendre des sentiers raides et boueux qu’elle aurait eu beaucoup de mal avec son chariot à franchir. La pluie tombe de plus en plus fort, Hugues me devance rapidement. A mi-chemin, lorsque la pluie cesse, j’essaie de rappeler monsieur V., mon hôte pour ce soir qui n’a pu me joindre hier du fait de l’absence de réseau et m’a laissé un message que je n’ai pas bien capté. Et là, mauvaise surprise, mon Smartphone ne fonctionne plus. Ce n’est pas, comme je le croyais, un problème de batterie. Mais un disfonctionnement plus grave.  Avec la pluie et la transpiration, de l’eau a pénétré dans l’appareil. Elle s’est accumulée dans la coque sensée le protéger.

Le paysage a changé, les trois jours précédents, nous traversions des vignes de la région de Bergerac. Aujourd’hui nous sommes dans une forêt de pins des Landes. En arrivant à Captieux je vois un premier fronton de pelote basque, que malheureusement je n’ai pu photographier du fait de la défaillance de mon Smartphone. Pire, j’ai peur de ne pouvoir récupérer les photos que j’ai prises depuis mon départ. J’en suis très contrarié.

Je retrouve Hugues déjà attablé devant une bière et une portion de frites. Je prends une bavette. La serveuse m’apprend qu’ici il n’y a pas de point phone, mais qu’il y en avait un à Bazas. Ce qu’a oublié de me dire l’hôtesse de l’office de tourisme lorsque je lui ai demandé s’il y avait une boutique de mon opérateur Orange. Les offices de tourisme sont décidément archis nuls. Heureusement à la mairie de Captieux je reçois toute l’aide souhaitable. L’hôtesse d’accueil se débrouille pour joindre monsieur V., qui pensait que finalement je ne viendrais pas. Mieux, j’ai accès à internet et je peux consulter mes mails. Encore mieux je peux téléphoner à Hélène qui me dit que demain nous irons dans une ville pour que je puisse acheter un nouveau Smartphone. En attendant je décide d’acheter une montre bas de gamme. Je me suis rendu compte que cela me gêne de ne pas avoir l’heure en marchant. Je pourrais dormir dans le gite que la mairie vient de finir d’aménager, mais ce sont des lits superposés et surtout il n’y a pas de couvertures.

Puis monsieur V. vient me chercher. Il y a un malaise entre nous, il semble croire à moitié à mon histoire de Smartphone qui ne fonctionne plus, je ne saurai jamais quel message il m’avait laissé. Mon contact avec cet ingénieur chimiste et sa femme, restera assez pauvre même si je dine avec eux. Je saurai simplement qu’ils ont vécu de nombreuses années dans la vallée de la chimie près de Lyon et qu’il est originaire de Rennes.

Parcouru 20km (567km)

Le 24.05.2013 Départ à 8H15 de Captieux pour Bourriot Bergonce

Je rejoins à pied le gite municipal. Luth est déjà partie à 6H30, Hugues Kevin et Layla sont en train de déjeuner. Je pars seul, pensant qu’ils me rattraperont, ce ne fut pas le cas. Marche tranquille et quasi sans pluie malgré un ciel chargé. Le chemin continue en partie sur l’ancienne voie de chemin de fer où Je croise un propriétaire de palombière en voiture qui s’arrête pour me demander d’où je viens et me dit aimer ainsi faire connaissance avec ceux qu’il croise. Puis le chemin longe une autoroute, que l’on entend depuis plusieurs kilomètres, pour rejoindre une passerelle et repart en sens inverse en forêt, jusqu’à un important chantier de construction de plusieurs gazoducs. Plus loin c’est la personne qui, au Conseil Général des Landes s’occupe des chemins, me demande mes impressions. Je lui réponds que je viens juste d’entrer dans les Landes. Et de fait, à part un court passage légèrement défoncé près du chantier de construction des gazoducs, dans la forêt à proximité de la ligne TGV, pour l’instant tout va bien. J’arrive à Bourriot Bergonce et comme par hasard le café, d’où je dois appeler Hélène pour qu’elle vienne me chercher,  est fermé. Heureusement le responsable du Conseil Général est de retour et il me permet d’appeler Hélène sur son mobile. En échange je lui promets de lui envoyer mes impressions sur l’état du « chemin » dans les Landes (ce que je ferai après avoir quitté la région).

Hélène me conduit au Domaine de Pigeon où Patrick m’accueille à son tour. Dans l’après-midi Patrick m’emmène à Mont de Marsan.  Là, une bien sympathique Béatrice me vend un nouveau Smartphone,  mais me laisse peu d’espoir de récupérer mes photos contenues dans celui qui a pris l’eau. Patrick me fait une visite personnalisée de la ville dont il est originaire en me montrant plusieurs lieux où il a vécu. Puis nous allons à la belle petite chapelle de Lugaud, il a contribué à sa restauration et créé un site internet. Plus tard je récupère mon planning et mes adresses sur mon Smartphone, mais je n’arrive pas encore à réinstaller le Cloud pour recevoir mes mails. Alors que je prends un thé nous avons la visite d’une chevrette (femelle du chevreuil) et de son petit. Le soir Nicole, la sœur de Patrick nous rejoint pour dîner. Elle aura tendance à monopoliser la parole, en m’expliquant, entre autres, qu’elle héberge des écureuils, une fouine, une chevrette… Hélène nous a préparé un excellent dîner qui sera bien agréable même si Nicole fume des cigarettes et Patrick le cigare. Puis Hélène me propose de l’accompagner car elle va nourrir sa belle jument. Elle en profite pour me montrer les locaux qu’elle a aménagés pour l’entretien de sa jument et de son matériel de concours.  Puis nous faisons un rapide tour de leur domaine.

Parcouru 20km (587km)

Le 25.05.2013 Départ à 9H00 de Bourriot Bergonce pour Gaillères

Hélène et Patrick me déposent à Retjons devant la borne : 1000km qui a été sculptée par une pèlerine qui blessée avait dû rester…

Jean-Luc Fessard,                                 à suivre