par Alain Hervé
Sans retenir la prétention puérile du titre de la revue de Jean-Paul Sartre, on reste interrogatif devant ce nom de baptême dont s’est affublée notre époque. Comme si en son temps le Moyen-âge n’avait pas été moderne lui aussi. Mais il s’agit à l’évidence d’une auto célébration d’un moment très privilégié de l’histoire humaine. Nous aurions enfin accédé à un état sommital de notre évolution. Cocorico !
Auto glorification de nos conquêtes technologiques en particulier. Certains n’en sont pas encore revenus d’avoir réussi à aller sur la Lune et d’utiliser un téléphone portable. Belles performances certes mais le tableau des accomplissements de notre espèce au XXème siècle ne peut se résumer à ces seuls exploits. En fait nous n’avons pas encore bien réalisé notre situation de mammifère de taille moyenne soumis aux conditions physiques de son environnement. Gestion de l’eau, de l’air et des cycles dont nous sommes étroitement dépendants. Nous cultivons l’illusion de nous en être affranchis. Les temps modernes sont ceux de l’ivresse de la liberté d’entreprendre n’importe quoi. Accédons à l’immortalité, défions les mécanismes des climats, ignorons notre diarrhée démographique… Et en avant.
Voilà le pouvoir des mots. « Les temps modernes » sont advenus. Les manifestations de l’art ont bien exprimé cette transgression des anciennes contraintes. Picasso est le sismographe de son temps. Adieu Dürer et Vinci. Les demoiselles d’Avignon expriment bien l’abracadabra de notre époque. Pour aller où ? Je crains que nous n’allions pas très loin. Je ne partage pas le sourire un peu niais et l’optimisme de monsieur Elon Musk pour la colonisation de nouvelles planètes. (Bonne nouvelle, Trump s’est inscrit pour partir sur Mars.) Musk pense que nous avons tellement salopé notre planète que les dégâts sont irréparables. Et qu’il faut abandonner le navire.
Restons sur Terre. Notre ami Yves Cochet nous propose un calendrier de la dissection des « Temps modernes ». Je veux dire par là que ces Temps… sont déjà entrés à la morgue. Je partage avec Yves l’analyse du désastre imminent mais je ne crois pas comme lui à une renaissance ultime.
J’observe plutôt qu’il y aura dix milliards d’hommes pour assister au naufrage de l’espèce anthropos.