par Charles Ribaut
Premier mystère
Quand le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert a été reçu mercredi dernier par France-Inter, un auditeur est intervenu à peu près en ces termes : je suis médecin en zone rurale, j’ai des patients agriculteurs, assez jeunes, atteints de Parkinson, pourquoi discuter sur les propriétés cancérogènes probables du glyphosate alors que sa neurotoxicité elle, est avérée et devrait suffire pour son interdiction ?
Cette intervention m’a intrigué et j’ai fait quelques excursions sur internet pour me clarifier les idées. D’abord il semble que la maladie de Parkinson, une maladie neurodégénérative effrayante, soit maintenant reconnue comme maladie professionnelle pour les agriculteurs.
(Alphonse Allais suggérait de construire les villes à la campagne parce que l’air y est beaucoup plus sain, cette époque est vraiment révolue. La tendance est maintenant d’installer les cultures dans la ville, c’est un endroit où les abeilles peuvent survivre. Fin de la digression).
Je savais que les insecticides sont souvent composés à base de molécules actives sur le système nerveux, notre résistance étant principalement due au fait que nous sommes beaucoup plus gros que des insectes (ça dilue le poison). Comme les agriculteurs qui utilisent le glyphosate sont aussi exposés à ce type d’insecticides, pourquoi attribuer la responsabilité au glyphosate et pas aux autres molécules ? J’ai donc tapé glyphosate et neurotoxicity dans mon moteur de recherche, je n’ai pas été déçu. Donc le mystère s’épaissit : les journalistes n’enquêtent plus ? Je mets bien entendu à part Marie-Monique Robin dont nous avons évoqué le travail remarquable, mais les autres ? Et le ministre de l’agriculture ? Est-il seulement ignorant ou est-ce un criminel environnemental cynique ? Et la fondation pour la Nature et l’Homme, ne conseille-t-elle plus son fondateur maintenant ministre ?
J’ai parlé de la neurotoxicité mais ça n’épuise pas le sujet et les argentins ont largement prouvé à leurs dépens l’incidence sur les malformations congénitales chez l’humain.
Deuxième mystère
Nous assistons à une sorte de partie de ping-pong sur le nombre d’années qu’il faut laisser au glyphosate avant son interdiction définitive. Dix ans c’est trop, alors trois ans, non plutôt sept, bon alors quatre pour rester dans le quinquennat, non cinq (pour refiler le bébé à un autre gouvernement ?)…Et alors on entend cette phrase énigmatique : il faut laisser le temps à la recherche pour trouver une solution de remplacement. Ahurissant, car sauf à trouver une autre molécule aussi toxique, les solutions de remplacement existent. Je ne fais pas allusion au fait que l’agriculture nourrissait l’humanité avant que le glyphosate ne soit inventé, et je n’invoque pas ici non plus le maraîchage intensif en main d’œuvre ou autre permaculture pour néo-ruraux. Non, même l’agriculture industrielle mécanisée et productiviste a des solutions de remplacement, voir par exemple ici.
Alors, que se passe-t-il ?
Troisième mystère
Notre ministre de l’agriculture lors de cette même émission a déclaré :
” si on l’interdit demain [le glyphosate], on remet en cause tout ce qui a mis en place l’agroécologie. Aujourd’hui on travaille beaucoup sur ce qui on appelle la couverture des sols. J’étais la semaine dernière dans l’Aube voir des producteurs qui travaillent sur la couverture des sols. Aujourd’hui on arrive à utiliser 1L de glyphosate par hectare. Et c’est nécessaire aujourd’hui quand on fait la couverture des sols d’utiliser un peu de glyphosate pour finir de tuer les mauvaises herbes. Ca évite de retourner les sols. On fait travailler les vers de terre, ça c’est l’agroécologie qui a été mise en place dans le quinquennat précédent. Et nous devons encourager ces pratiques….”
L’agroécologie c’est le glyphosate ? Le glyphosate fait travailler les vers de terre ? Plus c’est gros plus ça passe ? Cette déclaration incroyable qui pulvérise le mur du çon du Canard enchaîné aurait du soulever un énorme éclat de rire des médias. Mais que fait Nicolas Hulot ?
Je vous laisse le soin d’allonger la liste des mystères du glyphosate, j’ai l’intuition qu’elle ne se limite pas à trois.
C.R.