Aventures en permaculture – 35, Le compost

22 novembre 2021,

Cette semaine j’ai téléchargé un guide gratuit sur le sujet du compost, offert par Permaculture Design (1) et par la suite j’ai assisté à distance à une conférence de la SCAH (2) sur le sujet, qui s’inspirait de ce guide. La présentation qui dans les deux cas se veut assez complète ne mentionne pas ma méthode favorite de compostage, ce qui me donne l’occasion d’un 35e épisode de mes aventures. Quand je fais visiter mon jardin, il y a toujours une pause didactique à côté du tas de compost. C’est en particulier pour moi l’occasion de répéter un conseil : mettez de la terre, il n’y en a jamais trop sur le compost.
Ce conseil mérite explication et précisions.

Fig. 1. En juin, les pépins des courges mangées l’année précédente ont germé. Le tas de compost est maintenu par des palettes.

Les débuts
Quand j’ai commencé à jardiner, il y a environ 50 ans, j’ai trouvé dans une publication (dont j’ai perdu la référence) la recette de compostage suivante.
1 – Creusez une tranchée peu profonde en mettant la terre sur le côté
2 – Remplissez la tranchée avec vos épluchures et déchets végétaux divers
3 – Remettez la terre par dessus, la nature se chargera du reste.
J’ai suivi à la lettre ces instructions lors de mes premiers essais. Maintenant je préfère un tas délimité par 3 palettes (voir Fig. 1) ou plutôt deux tas côte à côte, un pour l’année en cours et un de l’année précédente. Cela prend moins de place que la tranchée de mes débuts, et facilite le ramassage du produit final, une terre riche et fertile. Sur le tas photographié au mois de juin (Fig. 1), on voit pousser les plants issus des pépins des courges que nous avons mangé l’année précédente. Sur la Figure 2 prise en juillet de l’autre côté de la clôture, on voit que les courges étaient des potimarrons.
La principale précaution est de veiller à ce que le compost ne se dessèche pas, à installer dans le coin du jardin le plus à l’ombre qu’il est possible. Cette méthode est parfois qualifiée de compostage « à froid » mais on peut trouver par places des paquets de vers thermophiles (Eisenia) reconnaissables à leur pigmentation en anneaux d’un rouge plus soutenu. Les deux principaux avantages qui me font préférer ce compostage sont qu’il n’y a pas besoin de remuer pour aérer le tas et d’autre part que le produit final est bien plus stable et durable (de nombreux mois) que le compost obtenu avec les seules matières organiques (qui lui ne dure parfois que quelques semaines avant de perdre une grande partie de son pouvoir fertilisant).

Le complexe argilo-humique
J’ai eu la révélation de l’existence du complexe argile-humique, le graal du sol vivant, avec la lecture du livre de Claude et Lydia Bourguignon « Le sol, la terre et les champs ». Si vous n’achetez qu’un livre pour comprendre votre jardin, ce devrait être celui là. Pour faire simple, les acides humiques (qui résultent principalement de la décomposition des feuilles mortes) ont des charges moins (- ou électronégatives), de même que les feuillets d’argile. Pour les associer, il faut par exemple du calcium, qui a 2 charges plus (+ ou électropositives). Avec ses deux petits bras le calcium va relier l’argile et l’humus, qui autrement se repoussent.
L’argile pure et le sable (les particules sont bien plus fines pour l’argile que pour le sable) n’ont pas de valeur nutritive ou très peu pour les plantes. C’est selon les Bourguignon ce qui reste quand les végétaux se sont nourris des éléments utiles, présents au départ par exemple dans les laves volcaniques. Le sable (siliceux) a l’inconvénient qu’il ne s’associe pas à l’humus. Les terrains sableux sont de ce fait plutôt pauvres (3). Le complexe argilo-humique permet de retenir l’eau et les éléments minéraux. Dans la région parisienne, les maraîchers du XIXe siècle apportaient du crottin de cheval sur leurs terrains sableux mais pour que cela enrichisse vraiment le sol, il fallait ajouter de la marne, composant argilo-calcaire. C’est lourd, fatigant, et ce serait à l’origine du verbe « marner » pour désigner l’exécution d’un travail pénible.

Le calcium et le fer
Jusqu’en 2008, j’ai toujours jardiné sur des argiles calcaires, en particulier pendant plus de 20 ans à Nice. Puis j’ai entrepris d’appliquer mes acquis de l’expérience dans la moyenne montagne, au hameau Pinaud (06260 La Penne). J’ai fait un compost en empilant pendant un an des couches de déchets, de jardin ou de cuisine, alternées avec de l’argile. J’avais de l’argile en abondance du fait du foisonnement lorsque je creusais des trous de plantation d’arbres, c’est une denrée plus rare maintenant que je ne fais plus de trous. Au bout d’une bonne année, le tas de compost s’étant tassé, j’y ai plongé une pelle et constaté que des couches d’argile intactes alternaient avec de minces couches d’une poudre noire, le carbone qui restait de mes déchets. C’est à cette époque que j’ai compris grâce aux Bourguignon que j’avais manqué de calcaire et que j’ai commencé à ajouter la marne, récoltée assez facilement dans les éboulis le long de la route à 2 km de mon terrain. Les résultats par la suite ont confirmé l’effet bénéfique de la marne.
En mars 2013 j’ai suivi un enseignement de permaculture dispensé par Pascal Depienne à Luri, à la base du cap Corse. J’y étais en tant qu’élève et un peu aussi en tant qu’enseignant, ayant proposé une conférence sur l’hypothèse Gaïa et une sur le sol. À ce titre on m’a confié les résultats d’une analyse du sol : ce sol de Luri qui était gras et fertile, riche en matière organique, ne contenait pas de calcium. De quoi ébranler mes convictions récentes. En lisant bien la composition, il apparaissait cependant une bonne quantité de fer, qui avec ses 2 ou 3 charges positives était susceptible de jouer le même rôle que le calcium pour la formation d’un complexe argilo-humique. Rentrant à La Penne, j’ai entrepris de faire, sans calcaire, un compost dont j’avais l’usage pour stimuler la croissance de mes plantes calcifuges, myrtilles, azalées et châtaigniers. Plutôt qu’une infusion de clous rouillés, j’ai acheté en jardinerie du sulfate de fer. Ce n’est pas très écolo mais c’est facile et ce n’est pas cher si on l’achète à l’état de poudre. Si vous l’achetez en solution, vous payez l’eau au prix fort. C’est vendu pour éliminer la mousse des gazons mais rien n’interdit que vous l’utilisiez pour faire un complexe argilo-humique acide, bénéficiant en plus de l’apport de soufre, qui est un nutriment pour les plantes et le vivant en général. En tous cas j’ai eu la satisfaction de constater que la pratique avait vérifié la théorie, même si je ne fais pas un tas de compost acide tous les ans. En fait je profite des années où j’ai eu à broyer un tas de branches de pin, substrat surtout utile pour les plantes acidophiles.

Les composteurs urbains en plastique
Les figures 1 et 2 montrent le couvercle en plastique gris d’un composteur à peu près cylindrique offert par la Maison de l’environnement de la municipalité niçoise. C’est particulièrement adapté à vos besoins si vous n’avez pas de terre à mettre sur le compost et que vous cherchez seulement à vous débarrasser des déchets de cuisine sans encombrer les poubelles urbaines. Il faut pouvoir le placer sur du sol, donc il faut au moins un petit espace de jardin. Avec cet usage, le composteur mettra plusieurs années à se remplir, il sera une source de vers thermophiles si vous voulez en distribuer pour les amis qui compostent en appartement. Le fond est aménagé de façon à laisser passer l’humidité et les vers de terre mais pas les rats. Une trappe en bas devrait permettre de récupérer le produit mûr mais dans mon expérience il est tellement compact que pour vraiment vider le composteur, il faut le faire par le haut, ce qui implique une période d’arrêt, le temps que les déchets les plus récents se soient compostés. Sauf au moment de vider, c’est zéro travail. Il n’y a pas à remuer, il n’y a pas d’odeur grâce au couvercle. J’ai détourné ce composteur de son usage urbain pour l’installer à La Penne mais il a (à juste titre) été l’objet de critiques, une visiteuse de mon jardin était même horrifiée. Cette quantité de plastique (polypropylène ?) résistant à tout n’est pas faite pour un environnement soutenable.
Par la suite la Maison de l’environnement a distribué un composteur en plastique quadrangulaire, mieux adapté pour un vidage par le bas au fur et à mesure des besoins mais dans mes essais (et ceux de mon voisin) les quatre parois se disjoignent sous l’effet du poids du compost. Peut-être des modèles plus récents ont-ils des jointures plus solides ? N’étant pas convaincu, j’ai arrêté là mes tests et légué ce composteur aux acheteurs de notre maison en leur recommandant de bricoler un système plus résistant pour assembler les parois.

Que composter ?

On me pose parfois la question. La réponse est simple : tout ce qui a été fabriqué par le vivant. Cela vaut pour les os, une source de phosphate, ils deviennent plus légers avec le temps dans le tas de compost. Pour les pelures d’agrumes mais aussi pour la plupart des fruits et légumes il vaut mieux être certain qu’ils n’ont pas subi de traitement, en particulier de traitement fongicide. Les champignons sont un des acteurs importants du sol vivant. Manger du bio est bon pour votre compost.

Ghislain Nicaise

(1) Entreprise animée par Benjamin Broustey. Le site internet et les fichiers proposés par cette entreprise ont toujours une présentation impeccable et un contenu substantiel. J’ai essayé de les contacter pour échange une ou deux fois à leur début, sans réponse. Pour approfondir, je leur ai acheté les fiches techniques pour la plantation d’une dizaine de guildes (pommier, prunier, poirier, vigne etc…). Je dois dire que si la présentation est parfaite, le contenu m’a déçu. Sauf erreur de ma part, les associations de végétaux proposées relèvent plus de leurs lectures, du projet et de la théorie que du retour d’une pratique effective. Si vous voulez des sources alternatives, je vous conseillerais plutôt Les 4 saisons, de Terre Vivante, ou La forêt nourricière de Franck Nathié.

(2) SCAH : Société Centrale d’Agriculture et d’Horticulture de Nice et des Alpes Maritimes, lieu d’excellentes animations sur son objet, le jardinage. Animations auxquelles je regrette parfois de ne pas participer davantage mais entre faire mon jardin et assister à des évènements sur le jardinage, j’ai tendance à privilégier la première activité.

(3) Les terrains sableux ont la particularité d’être bien drainés, c’est bon pour le développement et la respiration des racines mais cela les rend aussi sensibles à la sécheresse. Les terrains argileux retiennent l’eau et peuvent gêner la respiration des racines, particulièrement lors de fortes pluies. Il y a un compromis : les limons sont constitués de particules de taille intermédiaire entre celles du sable et celles de l’argile. Les terrains limoneux sont souvent réputés pour leur fertilité.