Nabokov: voir sous: réel

24 mars 2018,

par Alain Hervé

... Camus est horrible et Sartre est pire, Dostoïevski est un journaliste verbeux, un comédien de boulevard. Ezra Pound  est un crétin, Pasternak un pauvre romancier  comme Thomas Mann ou Faulkner. Gorki, Romain Rolland et Tagore sont des médiocrités formidables. Balzac et Stendhal sont plats et Joseph Conrad scintille comme une boutique de souvenirs exotiques…” “Freud est un charlatan viennois avec un parapluie râpé”

Gilles Lapouge* s’amuse à répertorier les appréciations de Vladimir Nabokov sur les littérateurs ses semblables. Un carnage. L’auteur du génial Ada ou l’ardeur vole au dessus des conventions communes. Il vit à sa propre hauteur, qu’il estime vertigineuse. Heureux homme imbu de sa personne et de sa capacité à exprimer des analyses uniques des sentiments humains.

Ce qui ne l’empêche pas de se planter douloureusement. A nouveau appâté par son titre mirobolant, je relis en ce moment Regarde, Regarde les Arlequins! Un très ambitieux ratage, qui consiste,  selon moi, à diagnostiquer les symptômes précurseurs d’un Alzheimer chez un personnage semi autobiographique. Raté pour le récit mais constamment génial par les perspectives inattendues qu’il explore chez ses personnages. Entre autres l’écrivain au centre du récit qui s’épuise dans la composition d’un ouvrage intitulé Voir sous: réel. 

Et si cette tentative désespérée d’atteindre une autre réalité n’était pas le but caché de toute l’oeuvre de Nabokov.

Aristocrate déchu par la révolution russe, l’émigré Nabokov s’est vu retirer le sol de son enfance de sous ses pieds. Il ne s’en est jamais remis. L’himalaya  de ses écrits de toute une vie, en russe puis en anglais, ne sont-ils pas une tentative désespérée de le reconstituer? Allez voir.

*Gilles Lapouge: Maupassant, le sergent Bourgogne et Marguerite Duras

On ne naît pas écolo on le devient, Michel Sourrouille

22 mars 2018,

par Christophe Chelten

Sous forme abécédaire Michel Sourrouille raconte par petites touches sa prise de conscience écologique depuis son enfance. Chez son grand père, il a tenu la queue du cochon tandis qu’on l’égorgeait. Comme tous les Français de son âge, il a émergé d’une période d’insouciance innocente et sobre pour voir déferler le tsunami de la surconsommation, de la croissance, de la publicité… Pour prendre conscience de la responsabilité humaine il a lu tous les grands prophètes, de René Dumont à Arne Naess, de Sicco Mansholt  au Club de Rome, de Gorz à Illich…

Lui le professeur d’économie,  en a conçu une attitude d’une rigueur extrême. C’est ainsi que ni le roman, ni les musées, ni le téléphone portable, ni la voiture… ne trouvent grâce à ses yeux. Cette écologie radicale trouve sa justification dans l’urgence de notre situation actuelle. (Elle risque cependant d’en dégouter certains.)

Michel Sourrouille insiste en particulier sur le dérapage démographique. Il faut constater en effet à quel point nos intellectuels prêts à s’enflammer pour des causes plus politiquement correctes, sont incapables d’admettre que l’humanité se précipite vers son autodestruction. Sourrouille ne donne pas de noms mais on pourrait citer tous ces grands “penseurs contemporains” ou qui se prétendent tels, incapables de saisir la situation dramatique qui est la nôtre. Nous sommes guidés et gouvernés par de grands aveugles.

Ce petit livre qui suscitera sans doute des critiques ou des refus violents est à utiliser comme un lance flammes pour réveiller tous nos contemporains qui dorment.

Ne pas oublier que Michel Sourrouille est l’animateur du remarquable site Biosphère.

Editions Sang de la Terre. 16€

Yo-yo

22 mars 2018,

Il y a actuellement 467 Journées Mondiales répertoriées*, des plus légitimes aux plus saugrenues, soutenues par des associations, des lobbies du commerce, de la santé, des propagandes politiques ou religieuses…
La liste laisse perplexe: Journée des start-up, des câlins, du popcorn, de la JI sans pantalon à celle du Pi, ou du pis, de la JI sans viande ou du Tolkien Reading Day, des poissons migrateurs et des ratons laveurs…
La Journée Nationale du Yo-yo s’impose naturellement dans ce déroulement, ses symboliques christique et taoïste réconcilient Orient et Occident, sa pratique souple et subtile incite à la paix de l’âme: ascension/chute/ascension dans un mouvement de va-et-vient rotatoire continu, image  des variations de la Bourse, du kakarante, de la cote des hommes politiques, du matérialisme dialectique, de l’inflation/ déflation, de l’érotisme masculin, du flux et du reflux des océans, du mouvement des astres…
Pratiqué tant par les Grecs de l’Antiquité que par les anciens Chinois, remis périodiquement à la mode en Occident, breveté en 1930 par l’américain Donald Duncan, le Yoyo mérite sa J.I., reste à fixer la date: aux solstices solaires ou les jours de pleine lune?
Notons qu’il n’y a pas de JI de la Paresse, ni de l’Epicurisme, encore moins du Chou-fleur, ni de Journées sans dénomination, vides, ouvertes, libres, elles pourraient avoir lieu deux à trois jours par semaine, d’abord pendant trois mois,  puis quotidiennement…

Maja

  • Site:  journées mondiales.com

A la recherche d’Edward Lear à San Remo

20 mars 2018,

par Alain Hervé

Nous avons il y a quelques années découvert ce personnage insolite qui avait fini sa vie à San Remo sur la Riviera dei fiori. On peut choisir pire endroit pour mourir en 1888. Lear était amoureux des chats, inventeur de limericks, bricoleur de non-sens, ornithologue, portraitiste d’oiseaux, aquarelliste de paysages… Le Museo Civico de San Remo lui avait consacré un hommage très réussi. Depuis le Musée a déménagé et ne possède plus qu’un seul tableau de Lear, une bonne huile représentant le village d’Eze. Son artiste vedette est désormais Antonio Rubino célèbre illustrateur du Corriere dei Piccoli.

Certes nous n’avons pas retrouvé cette improbable rencontre d’un hurluberlu britannique et d’une ville de villégiature très latine mais le petit musée dans ses nouveaux locaux  historiques, a développé un charme certain. En particulier avec ses collections archéologiques de tessons et d’ossements très bien présentés.

Une halte paisible de vacances dans une ville dédiée en particulier au shopping de luxe autour de son célèbre casino municipal.

Carnets de voyage

18 mars 2018,

Georges fut un Voyageur curieux et méthodique. Il questionnait les indigènes des lieux qu’il visitait, les soumettant à de longs interrogatoires minutieux, sur leurs techniques, leurs origines, leurs moeurs et leurs amours…

En retour, il y avait bien souvent des bouches closes, des regards soupçonneux, une exaspération croissante, mais Georges savait se montrer généreux, souvent au dernier moment, et les tensions s’appaisaient.

Il notait les informations recueillies et celles qu’il inventait dans un carnet à couverture de cuir et coins dorés, un élastique le tenant fermé.
Le soir, au bivouac, il les mettait en forme dans un cahier noir in folio, il y joignait ses croquis, des fleurs et des plantes séchées, l’ordinaire des repas, les incidents de la journée et les réflexions philosophiques de son cru.
Dans une boite ad hoc, il rangeait des bouts d’écorces, graines, insectes aptèrygotes et ptèrygotes épinglés et étiquetés.
Il écrivit quelques livres aux titres exotiques ou il mêlait ethnologie et divagations ésotériques, science du jour et anecdotes avantageuses et pittoresques. Il eut une gloire éphémère dans quelques salons et se maria. Il n’eût pas d’enfants, donc pas d’auditeurs à édifier et ennuyer.
Ses récits se fossilisèrent, des pans entiers s’évanouirent, il sombra dans une béatitude séraphique. Sa femme épousa un armateur grec, banalement.

Maja

Un saut dans le printemps

16 mars 2018,

15°C côté place, un ciel bleu céruléen
des nuages amicaux,
un saut dans le printemps…

Sauver Internet

13 mars 2018,

Il y a un an nous avons publié un plaidoyer pour sauver les ordinateurs, aujourd’hui la suite, pour sauver Internet.

Wifi/Guifi/Freifunk : la nécessaire résilience

Par Jean-Noël Montagné

Internet et wifi. Lorsque le wifi est apparu au début des années 2000, permettant de connecter sans fil un ordinateur à internet, de nombreux hackers ont commencé à bricoler matériels et logiciels pour augmenter les portées d’émission-réception. Au départ, on voulait avoir Internet au fond du jardin ou dans la pièce la plus reculée, et puis c’est entre voisins qu’on a voulu partager une connexion. A une certaine époque, la connexion à Internet était un bien si précieux, si désirable en tout lieux, que la seule façon de la propager était de fournir ce service gratuitement et de le partager aussi loin que la portée du matériel le permettait.

En quelques mois, la culture d’un réseau wifi omniprésent, autogéré, gratuit, décentralisé, basé sur les logiciels libres, s’est diffusée dans le monde entier. Toutes les villes du monde ont eu,
Lire la suite de Sauver Internet »

À l’Est du nouveau…

9 mars 2018,

Bon, la grisaille est revenue avec la pluie, mais les gouttes sont printanières…
Cet été, on va se baigner dans le lac Daumesnil, à quelques arbres du Boulevard Tériphérique (Rezvani), dans l’eau filtrée, on évoquera le Temple d’Angkor reconstitué grandeur nature pour l’Exposition Coloniale de 1937, et la gloire de  l’Empire français colorié en rose sur les planisphères d’époque.
Sur leurs quelques m2 de verdure concédés, quelque part loin des promeneurs, dans le bois de Vincennes, les naturistes pourront faire leur plein de vitamine D,  ils observeront les perruches devenues indigènes, mêler leurs cris aux roulements d’amour des pigeons ramiers qui viendront comme chaque année devant nos fenêtres, se goberger des bourgeons sucrés des robiniers, le guano s’incrustera dans les fentes du macadam, tandis que l’incinérateur d’Ivry nous offrira le spectacle grandiose de ses panaches de fumée colorés de composition chimique incertaine…
Mais en attendant, il pleuvote et la brise est fraiche …

Les Français quittent les villes

8 mars 2018,

par Christophe Chelten

photo Corentine Howe

Les vice-présidents du parti les Républicains font état de ces chiffres dans le Figaro du 6 mars 2018.
Depuis 1975, deux millions et demi de personnes ont quitté les zones urbaines pour s’établir  sur de territoires ruraux. Depuis 1999 la croissance démographique est plus forte en zone rurale… 25% de Français vivent  à la campagne… 51% des Français vivent dans une commune de moins de 10000 habitants.

On peut en conclure ce que l’on veut, sinon que l’instinct peut guider des individus intoxiqués par un mode vie frénétique à aller retrouver le rapport fondamental de l’homme avec sa terre, son terroir…

Il est évident qu’en cas de chocs climatiques prévisibles ou de rupture dans les flux tendus de l’économie urbaine, les campagnes offrent des possibilités de résilience, inenvisageables dans les villes. On se souvient du soutien de la France rurale pendant l’occupation allemande.

S’agit il d’un choix plus radical? De changer de rythme de vie, d’offrir des conditions d’éducation et de santé meilleurs pour les enfants?

Une nouvelle civilisation peut elle naître de la non fatalité des villes?