Douze ans que Christiane est morte et je ne m’en console pas.
Toutes ces années d’absence, d’éclipse, c’est trop long.
Son dernier livre, CONVERSATION SANS PAROLE commence par ces mots terribles : Je vais te faire un aveu, ma mère me manque. Eh bien, on en est tous là, même si on n’en a que moindrement conscience. Par les temps qui courent, Christiane nous manque !
Alors je lis, relis, ressasse. Me souviens et m’en rie en essuyant une absence de larme, une larme d’absence. Retrouve quelques perles, à porter au mémorial de son escamotage :
“Je peux me mettre dans la peau du cerf, dans sa crainte, dans la peau de la taupe qui fouit sans voir, dans le dernier loup, condamné qui se terre quand il voudrait sauter et mordre, dans l’éphémère mortel dont les ailes battent leur dernier vol, dans la mouche prise à la toile, dans l’araignée qui attend en vain. Dans le lion qui n’a pas trouvé de proie, dans le chacal errant, dans le serpent dont la moitié du corps est écrasé, dans la grenouille sous le scalpel, dans l’aigle qui a fait son nid trop haut, dans le migrateur que le vent a perdu et dérouté, dans tout ce qui a peur et s’affole et résiste et se bat et meurt, mais je ne peux me mettre dans le peau de l’homme, dans la mienne”.