Le REV des citadins

9 février 2018,

Par Ghislain Nicaise

Je vous invite à lire le manifeste du REV : un nouveau parti écologiste, au service du vivant. La version longue datée du 8 février 2018 est accessible sur ce site : http://rev-parti.fr/le-rev-un-nouveau-parti-ecologiste-au-service-du-vivant/.
Une version plus courte est parue dans le Monde du 9 février.

La formule « au service du vivant » m’a plu, un peu d’écologisme profond me paraissant salutaire face à l’inconscience de nos dirigeants. Le texte ne surprendra pas les partisans sincères d’une gouvernance écologiste, on pourrait en retrouver des passages sans peine dans l’abondante littérature qui a été produite depuis la campagne présidentielle de René Dumont en 1974, pour ne pas remonter plus avant. Il comporte cependant un passage auquel je ne peux adhérer.

Le principal défaut de ce manifeste est qu’il ignore l’écologie des écologues. Ses auteur-e-s se mettent au service des animaux plutôt qu’au service du vivant. Surfant sur la mode du véganisme, le texte réclame “une transition agricole vers un modèle entièrement végétal.” Or les végétaux sont ce qu’ils sont du fait d’une co-évolution avec les animaux. Ils n’avaient pas besoin de fleurs et de fruits pour se reproduire et se disséminer alors que les spores suffisaient amplement. Ce sont les herbivores qui ont permis l’apparition de l’herbe : les graminées sont apparues à la fin de l’ère Secondaire, avec des méristèmes tout au long de la tige au lieu d’un seul méristème apical, alors que les herbivores étaient là depuis longtemps mais dans des écosystèmes probablement moins stables. Etc…
Le spécisme pro-animaux (formule boiteuse j’en conviens puisqu’il y a beaucoup d’espèces d’animaux) n’est pas tellement meilleur que le spécisme pro-humain. Il résulte à mon humble avis de la vie en ville de ses partisan-e-s et d’une méconnaissance des mécanismes de la souffrance dans l’ensemble du vivant, de la cellule à l’être humain. Ami-e-s végan-e-s ne vous moquez pas du cri de la carotte. Les végétaux communiquent à un rythme différent, avec une échelle de temps différente de la nôtre et effectivement ne crient pas, ça ne les empêche pas de souffrir, de montrer de l’entraide et de la solidarité. Depuis fort longtemps, tout être vivant dépend de la mort d’autres êtres vivants mais aussi de la coopération d’autres êtres vivants. Ce sont les écosystèmes qu’il faut chérir, et même pourquoi pas vénérer, parce qu’ils sont le berceau de toute vie, pas les animaux. La disparition en cours des insectes va fournir hélas la démonstration effrayante des dégâts que peut faire une agriculture menée par des humains uniquement préoccupés de faire pousser des végétaux.
La vision idyllique de petites clairières de cultures « entièrement végétales » disséminées au sein d’écosystèmes intacts est certes viable (à conditions d’avoir de solides clôtures !) mais pas avec la population du XXIe siècle, il s’en faut de beaucoup.
En attendant, il nous faut défendre la polyculture et (au moins nous serons d’accord sur ce point) il faut une transition rapide vers l’abandon de l’élevage industriel.
Alors, ensemble au service du vivant, de tout le vivant ?
G.N.