Pierre Fournier, à la racine de l’écologisme

31 mai 2019,

Il vient de paraître un livre dont le titre « Fournier, face à l’avenir » n’est pas particulièrement accrocheur. Si j’en avais vu la couverture en librairie, je ne l’aurais peut-être même pas feuilleté. Je l’ai lu cependant (1) et j’en recommande vivement la lecture. 

Son autrice Diane Veyrat a fait un excellent travail d’historienne, elle n’était pas née à l’époque qu’elle décrit de manière précise, les quatre années (1969-1973) d’intrusion de Pierre Fournier dans l’univers médiatique post-soixante huitard. Son livre est fidèle aux souvenirs que j’en avais gardé et a enrichi ces souvenirs d’une vision pertinente. J’ai toujours l’espoir un peu vain que les lectrices et lecteurs de mes écrits, qui sont plus jeunes que moi, ont à apprendre un peu du passé pour comprendre le présent. Pendant quelques années avec bien d’autres j’attendais la parution d’Hara-Kiri Hebdo (Charlie Hebdo à partir de novembre 1970 –2) pour l’ouvrir directement à la chronique de Fournier. Le Sauvage, dont je m’honore d’utiliser le titre, est paru à partir de 1973 et son succès, l’éducation de son lectorat, doivent probablement beaucoup aux quatre années de l’étoile filante Fournier (mort cette année là à l’âge de 35 ans).

Quand en 1984 les principaux mouvements écologistes se sont réunis pour fonder les Verts, l’influence de Fournier était encore perceptible dans l’orientation « ni droite ni gauche » qui a été incarnée par Antoine Waechter à la tête des Verts pendant sept années. L’amour des vieilles pierres, le retour à la terre, la contestation de la technoscience, brandi.es par Fournier heurtaient aussi bien le développement des forces productives du Parti communiste que le progressisme du reste de la gauche. Pour citer Diane Veyrat « Pierre Fournier passe … pour être à la fois de droite et de gauche et ni de droite ni de gauche » (p. 23). En 1981 Brice Lalonde en campagne pour les élections présidentielles avait déjà pour slogan « ni à droite, ni à gauche, en avant » ou encore paraphrasant Henri de Rohan sur l’affiche qu’il avait dessinée « droite ne puis, gauche ne daigne, écologiste suis ». Cette question est toujours actuelle comme l’a montré la récente campagne de Yannick Jadot et nous y reviendrons sur le site du Sauvage.

Le livre de Diane Veyrat a aussi le mérite et la modestie de s’effacer derrière une anthologie de textes choisis de Pierre Fournier, une soixantaine de pages d’Annexes, passionnantes.

Fournier, face à l’avenir par Diane Veyrat, Les Cahiers Dessinés, 17 €

Ghislain Nicaise

(1) Je m’en étais fais un devoir parce qu’il est arrivé récemment en service de presse à Alain Hervé, à son domicile parisien, peu avant sa mort, en même temps qu’un livre anthologie de Fournier (Bon Dieu ! Ça fait plaisir de respirer un peu l’air du pays), dont je reparlerai peut-être mais il était trop gros et trop lourd pour mon bagage. À l’adresse des éditeurs : je ne vais pas l’acheter non plus car en train de déménager, je cherche à me débarrasser des livres, pas à en acheter.

(2) Hara-Kiri Hebdo avait été interdit après la parution de la couverture « Bal tragique à Colombey : Un mort ». Il s’agissait bien entendu de la mort de Charles de Gaulle et le « bal » faisait allusion à l’incendie du dancing de St Laurent du Pont qui avait fait 146 morts que les médias avaient exploités avec complaisance.