Noël, les religions et les décharges

16 décembre 2012,

Nous reproduisons ci-dessous, sous un titre du Sauvage, une réflexion de Michel Sourrouille à propos des fêtes de fin d’année dans son site Biosphère

Une vie plus simple, ici en Allemagne, été 2011

Les religions et l’écologie ne font pas bon ménage. C’est anormal. Le respect de la Création devrait être un devoir pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, tous issus d’une même tradition. Pourtant rares sont les croyants qui prônent, à l’occasion de Noël, le retour à la simplicité biblique. Cette fête de Noël, censée représenter la naissance du fondateur d’une religion à l’origine ascétique, a dégénéré en un rite purement commercial et mène à son paroxysme la fièvre consumériste. Rien n’est plus emblématique de l’esprit de notre temps que cette perte du sens de la modération.

C’est pourquoi, dans ce Biosphere-Info, nous valorisons le mouvement « vivre Noël autrement », la vie d’un curé décroissant et le 11ème commandement tel qu’il devrait être.

Vivre Noël autrement

Fin 2005, dix mouvements catholiques avaient lancé un appel « vivre Noël autrement ». L’association Pax Christi avait été rejointe par le Secours catholique et le Comité catholique contre la faim. Ils avaient diffusé une affichette avec le slogan : « Noël, bonne nouvelle pour la Terre » puisque « Jésus nous offre un monde nouveau, sans caddies pleins de cadeaux qui comblent les armoires et les décharges. » Les tracts invitaient à consommer moins et à se rapprocher de ses voisins avec lesquels la fête sera plus belle encore sans faire des kilomètres inutiles avec sa voiture, en offrant un peu de temps, un sourire, une oreille attentive, en inventant des gestes qui contribuent à sauver l’air, la terre, la mer, les forêts. Les associations mentionnent un texte de Jean Paul II publié en 1990 et consacré à la protection de l’environnement : « La société actuelle ne trouvera pas de solution au problème écologique si elle ne révise pas sérieusement son style de vie. » Quelques rares familles ont donc essayé de montrer l’exemple.

En 2010, c’est la sixième campagne du collectif chrétien Vivre Autrement : « Terre eau, air, paix, santé, éducation, justice, autant de biens communs indispensables à tous et pourtant menacés : pollution, gaspillage, réformes des services publics, brevetage du vivant, conflits… En ce temps de Noël, le collectif propose de réfléchir aux conditions de la préservation de ces biens communs et de leur partage entre tous. Car préserver ces biens communs passe par des gestes relevant de la responsabilité individuelle, mais aussi par une régulation qui est du ressort de tous, responsables politiques et citoyens. » L’idée de fond est parfaite : « Arrêtons l’hyper-Noël, faisons la paix avec la terre. » Mais ce mouvement reste marginal, sans le soutien officiel de son Eglise qui préfère lutter contre les préservatifs.

Alors que le budget consacré en 2011 par les Français à l’achat des cadeaux de Noël est de 270 euros, en augmentation de 22 % sur l’an dernier, il semble nécessaire de penser autrement ! Sur LE MONDE*, on nous parle d’un « Noël alternatif » et on nous dirige vers le site http://www.mescoursespourlaplanete.com/ : « Il est bon de ne pas perdre de vue que dans la plupart des pays du monde, en tout cas tant qu’il n’a pas été complètement conditionné par les publicités, un enfant sait s’amuser avec presque n’importe quoi… Une brindille, un caillou, ou une simple boîte en carton – et son imagination prend le pouvoir… »

* LE MONDE du 17 décembre 2011, rubrique « C’est tout net ! »

Noël autrement en 2012

Le Collectif chrétien « Vivre autrement » propose pour Noël 2012 sa 15ème campagne de sensibilisation et d’action en faveur de la préservation de l’environnement et de la Création. Il propose cette année de dépasser le contexte actuel de la crise et de réfléchir à une solidarité commune pour envisager l’avenir avec espérance.

Les menaces sur l’humanité sont multiples : pollution, endettement, surexploitation des ressources, famine, chômage, réchauffement climatique… et semblent n’avoir aucune issue. Pourtant, partout, des hommes et des femmes réagissent et prennent des initiatives pour inventer et bâtir un monde nouveau. Un monde où le respect pour les humains est inséparable du respect pour toutes les formes de vie sur notre planète. Ces hommes et ces femmes investissent leur énergie dans différents chantiers :

• la préservation de la biodiversité,

• la construction d’une économie sociale et solidaire,

• la mise en place d’énergies renouvelables qui épargnent notre climat,

• la solidarité et le partage des richesses,

• un développement durable qui garantit l’avenir des générations futures.

Ces initiatives paraissent bien modestes. Mais elles vont dans la même direction que des initiatives laïques comme les mouvement pour la simplicité volontaire et l’objection de croissance.

Une référence, la parole papale

Comme le rappelait le pape Benoît XVI dans son message du 1er janvier 2010, si tu veux construire la paix, protège la création. Quelques extraits :

1. Le respect de la création revêt une grande importance, car « la création est le début et le fondement de toutes les oeuvres de Dieu » et, aujourd’hui, sa sauvegarde devient essentielle pour la coexistence pacifique de l’humanité. Si, en effet, à cause de la cruauté de l’homme envers l’homme, nombreuses sont les menaces qui mettent en péril la paix et le développement intégral authentique de l’homme – guerres, conflits internationaux et régionaux, actes terroristes et violations des droits de l’homme – les menaces engendrées par le manque d’attention – voire même par les abus – vis-à-vis de la terre et des biens naturels, qui sont un don de Dieu, ne sont pas moins préoccupantes.

C’est pour cette raison qu’il est indispensable que l’humanité renouvelle et renforce « l’alliance entre l’être humain et l’environnement, qui doit être le miroir de l’amour créateur de Dieu, de qui nous venons et vers qui nous allons ».

4. […] Comment demeurer indifférents face aux problématiques qui découlent de phénomènes tels que les changements climatiques, la désertification, la dégradation et la perte de productivité de vastes surfaces agricoles, la pollution des fleuves et des nappes phréatiques, l’appauvrissement de la biodiversité, l’augmentation des phénomènes naturels extrêmes, le déboisement des zones équatoriales et tropicales ? Comment négliger le phénomène grandissant de ce qu’on appelle les « réfugiés de l’environnement » : ces personnes qui, à cause de la dégradation de l’environnement où elles vivent, doivent l’abandonner – souvent en même temps que leurs biens – pour affronter les dangers et les inconnues d’un déplacement forcé ?

Comment ne pas réagir face aux conflits réels et potentiels liés à l’accès aux ressources naturelles ? Toutes ces questions ont un profond impact sur l’exercice des droits humains, comme par exemple le droit à la vie, à l’alimentation, à la santé, au développement.

12. L’Église a une responsabilité vis-à-vis de la création et elle pense qu’elle doit l’exercer également dans le domaine public, pour défendre la terre, l’eau et l’air, dons du Dieu Créateur à tous, et, avant tout, pour protéger l’homme du danger de sa propre destruction. La dégradation de la nature est, en effet, étroitement liée à la culture qui façonne la communauté humaine, c’est pourquoi « quand l’“écologie humaine” est respectée dans la société, l’écologie proprement dite en tire aussi avantage ». […]

14. Si tu veux construire la paix, protège la création. La recherche de la paix de la part de  tous les hommes de bonne volonté sera sans nul doute facilitée par la reconnaissance commune du rapport indissoluble qui existe entre Dieu, les êtres humains et la création

tout entière. […]

Toute personne a donc le devoir de protéger l’environnement naturel pour construire un monde pacifique. C’est là un défi urgent à relever par un engagement commun renouvelé.

Plus d’infos et des initiatives sur www.noel-autrement.org

Courriel : paxchristi.environnement@orange.fr

Pour une religion de la décroissance, un curé nous parle

Fondateur de l’association « Chrétiens et pic de pétrole » Michel Durand veut être, dans sa paroisse de Saint-Polycarpe à Lyon, un prêtre en lutte contre l’illusion de la croissance infinie. Cette position est inaudible dans une Eglise qui chante les louanges du développement économique. Il déclare à la journaliste Catherine Thumann* :

« En 2002, j’ai rencontré des paroissiens qui m’ont parlé de décroissance. J’ai vu, à travers la “simplicité volontaire”, des gens qui vivaient concrètement ce que j’essaye moi-même de vivre. Je me suis dit qu’il y avait là une vérité fondamentale. C’est assez étonnant de voir que la plupart de ceux qui écrivent dans le mensuel La Décroissance se disent athées alors qu’ils sont très proches du message originel de l’Evangile. Pour moi, un objecteur de croissance, tout athée qu’il soit, véhicule l’esprit saint en me parlant de la radicalité de l’Evangile. L’importance des limites est un principe universel et il faudrait que tout le monde en reconnaisse la réalité. Mais l’Eglise, comme la société civile, a tendance à enfermer les chrétiens dans la sacristie. Au sein de l’Eglise nous, les objecteurs de croissance, nous ne sommes pas seulement minoritaires, nous sommes inexistants. Mais le disciple du Christ est quelqu’un qui espère. Il veut croire qu’un jour, l’homme saura trouver le raisonnable.

J’ai un blog, « En manque d’Eglise ». Pour moi est sage celui qui ne s’ennuie pas quand il n’a absolument plus rien à faire. Combler le vide en permanence, c’est passer à côté de la vocation humaine, de la rencontre, de la plénitude dans l’immobilité. Cela ne signifie pas ne pas sortir de chez soi, mais préférer la contemplation à l’agitation des trajets en voiture ou en avion. Aujourd’hui les enfants ont des emplois du temps très chargé, à faire de l’escrime, du judo, de la musique. Ils ont perdu la possibilité de ne rien faire. Le message que j’adresse aux catholiques, c’est qu’en tant que baptisés, nous sommes tous appelés à être sobres. Nous n’avons pas vocation à l’accroissement mais à la simplicité. C’est ce que m’a rappelé le mouvement de la décroissance en me rapprochant du cadre de l’Evangile. Les Chrétiens devraient tous être conscients d’être appelés à vivre une lutte contre l’illusion de la croissance infinie. »

* résumé d’un article du mensuel La Décroissance, novembre 2012

(page 7, dédiée à la simplicité volontaire : « Aspirant à l’ermitage »)

Le onzième commandement

Où est ce Onzième commandement ? Par exemple La Terre tu respecteras ! Les ressources, les plantes et les bêtes tu honoreras ! Tu aimeras ta planète comme toi-même ! Jamais, dans le confessionnal, je n’ai entendu : Alors, mon fils, as-tu piétiné une plante, écrasé une chenille, t’es-tu réjoui du spectacle du cirque ou du zoo, t’es-tu détourné des beautés de la création ? Seulement : Alors, mon fils, as-tu eu de mauvaises pensées ? As-tu mal agis envers Notre Seigneur ? Confesse-toi, mon fils… ! Quand on a une dizaine d’années et que l’on s’agenouille, on peut toujours avouer qu’on a volé trois sous dans le porte-monnaie de maman, histoire d’en être absout, comme il se doit.

Les péchés branchés étaient ceux en relation avec le génital, la propriété, la vie de l’homme, mais rien qui puisse avoir un quelconque rapport avec le végétal, l’animal ou le paysage. Pour le théocrate, la Nature est une création froide, ne méritant pas l’adoration. La Nature a créé l’humanité, Nature et humanité sont indissociables. Non ? Pourtant , au sein de l’incommensurable fatras mystificateur de l’Église, ce ne sont qu’échafaudages pour opposer humanité et Nature. Avant de pénétrer dans l’arène, le torero se signe de la croix, on tue le cochon le jour du saint patron, la messe de la Saint-Hubert consacre la chasse à courre, etc.

Selon les traditions bibliques, les Dix Commandements sont tous exclusivement axés sur une morale anthropocentriste. L’absence d’une onzième parole d’essence environnementale, l’inexistence de toute faute à l’endroit du Vivant et de la biosphère, font que depuis 6 000 ans le judaïsme et le christianisme incitent à une inconduite totale vis-à-vis de la Nature. Cet oubli essentiel du décalogue est posé avec insistance depuis les années 1970.

Michel Tarrier