Trop beau pour être un meurtrier?

17 mai 2013,

par Saura Loir9782221114087

 « Trop beau pour être un meurtrier ». C’est ce qu’on peut lire, formulé de diverses manières, dans la pléthore de messages qui est en train de se déverser sur les réseaux sociaux aux USA, en soutien du jeune (supposé) poseur de bombes de Boston. Plus particulièrement dans les messages de jeunes filles, mais pas seulement. Beau ? Nous sommes en présence d’un acte de terrorisme qui a coûté des vies humaines, qu’est-ce que la beauté vient faire là-dedans ? Celui qui est beau (belle) ne peut-il donc être que bon (ou bonne), comme si la beauté, loin d’être juste humaine, ne pouvait être que de nature angélique, voir divine ? On peut s’en étonner mais en même temps ce n’est pas si surprenant, la même chose s’étant produite déjà, rien que dans l’histoire récente, avec Ben Laden, dont le visage émacié de prophète biblique, reproduit jusqu’à saturation dans tous les médias, avait suscité chez beaucoup une fascination étrange.

La beauté fascine.Difficile de le nier, même si elle agit à des degrés différents pour chacun. Ses canons changent selon les cultures et les époques, cela ne l’empêche pas d’exercer sur l’être humain un pouvoir qui peut s’avérer tyrannique. Un des ses charmes c’est le halo de mystère qui l’entoure : elle est immatérielle et pourtant  nous l’éprouvons dans notre être physique – notamment quand elle se manifeste à travers la musique et que notre peau s’en trouve parcourue de frissons. Qui peut affirmer n’avoir jamais connu la sensation de ravissement que procure sa contemplation, quelle que soit la forme qu’elle prend? Qui peut nier d’avoir éprouvé une expansion de tout son être devant la beauté et la majesté d’un paysage, jusqu’à se sentir envahi par un immense sentiment de gratitude, souvent sans savoir pour qui, ni pourquoi ? Qui ne s’est  pas laissé guider par elle dans certains de ses choix, parfois même en dépit du bon sens ? La plupart du temps on se contente de la savourer, de s’en imprégner et d’en jouir sans se poser de questions mais il y en a à qui il arrive de s’interroger :  Pourquoi cela ? Qu’est-ce qui fait que je ressens ce que je ressens ? Pourquoi en ai-je tant besoin ? Quel est son pouvoir ?

 Pour constater que ce questionnement est vieux comme le monde il suffit de se tourner vers les philosophes, qui de tous temps s’y sont collés et y ont apporté chacun ses réponses. Le dernier en date est un philosophe français, Charles Pépin, qui à son tour se lance dans l’aventure avec son livre « Quand la Beauté nous sauve ». Quand la Beauté nous sauve : très fort comme affirmation, n’est-ce pas ? La Beauté aurait-elle donc, entre autres pouvoirs, celui de nous sauver ? Nous sauver de quoi ? Des misères de l’existence ? Des autres ? De nous mêmes ? Si c’était vrai, on s’en serait aperçu ! Voilà un livre dont le titre déjà éveille d’autres questions et si vous êtes de ceux qui cherchent des réponses, le mieux c’est d’y aller voir. Voici un philosophe qui parle le langage de tout le monde et qui n’hésite pas à puiser dans le vécu et à partager sa propre expérience, tout en revisitant la pensée des grands philosophes, de Plotin à Platon, de Kant à Heidegger ou Freud.

 Pour anticiper un tout petit peu, sachez que vous ne trouverez pas ici de réponse définitive  mais que beaucoup de pistes de réflexion nous sont offertes. La Beauté ne se laisse pas enfermer, elle parle à chacun le langage qui est propre à sa sensibilité, c’est à chacun de dessiner son parcours en ayant comme seul compas celui de son ressenti.

Beauté divine ou Beauté du diable, oui, la Beauté fascine, il en a été toujours ainsi et il en sera toujours ainsi. Elle a l’art d’ouvrir en nous, la plupart du temps par surprise car cela ne se commande pas, des espaces inhabituels où notre âme s’envole, libérée – ne serait-ce que pour quelques brèves instants – des limitations du monde matériel. Elle nous laisse alors entrevoir, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, l’existence d’un Ailleurs.

Saura Loir

 « Quand la Beauté nous sauve », par Charles Pépin, aux éditions Laffont