Ecotaxe : 3 réactions d’EELV

30 octobre 2013,

L’article de Rue 89 reproduit sur notre site avant-hier mentionnait Les écolos sont discrets alors qu’ils devraient pour une fois jouer leur rôle et défendre cette taxe. A l’heure où l’on apprend que le gouvernement est en train de reculer, des réactions nous sont parvenues qui contestent cette phrase. On nous dit que la discrétion viendrait surtout des médiums qui ne trouveraient pas attractif pour leur lectorat de publier les communiqués d’EELV. Pour ne pas tomber dans ce travers, nous reproduisons ci-dessous trois réactions publiques sur l’écotaxe : le communiqué d’EELV Bretagne, une réaction plutôt croissanciste de deux députés (F-M Lambert et R. Dantec) dans La Tribune et un article de Rue 89 du mois dernier donnant le point de vue de deux élus alsaciens (A. Jund et J. Fernique).

Mardi 29 octobre 2013 : Suspension de l’écotaxe. C’est la Bretagne qui perd.

 Après l’annonce ce midi de la suspension de la taxe poids lourds sur tout le territoire, EELV Bretagne tient à rappeler :

–         qu’avant d’en arriver là, les principaux acteurs patronaux de l’agro-alimentaire ont refusé le dialogue et la concertation, préférant instaurer, par la violence, un inacceptable rapport de force.

–         que la question de la taxe poids lourds n’est qu’un écran de fumée destiné à masquer leurs responsabilités dans la faillite du modèle agro-alimentaire breton.

–         que ce sont bien les salarié-e-s, les victimes des choix productivistes de leurs dirigeants.

EELV Bretagne

–         demande instamment, qu’indépendamment de la taxe poids lourds, la situation des salarié-e-s de l’agro-alimentaire soit examinée avec attention et que des mesures significatives soient prises immédiatement en leur faveur (plan d’urgence, allongement des durées d’indemnisation…) ;

–         s’insurge contre le fait, qu’une fois de plus, le gouvernement ait renoncé à une mesure allant dans le sens de la transition écologique ;

–         souligne avec force que la Bretagne va, avec cette suspension, perdre 135 millions pour les infrastructures ferroviaires et portuaires dont elle manque cruellement.

Ce n’est pas la suspension de la taxe poids lourds qui va permettre à l’économie bretonne de sortir de marasme. Bien au contraire !

Notre région va être, une fois de plus, victime de la volonté de certains de faire perdurer un modèle économique dépassé et qui a failli.

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Ecotaxe: halte à la démagogie des lobbies 

par François-Michel Lambert et Ronan Dantec (députés EELV)| 24/10/2013

Nous voulons dire avec force à ceux qui espèrent encore pouvoir suspendre la mise en place de l’écotaxe poids lourds que, sans rien changer à leurs difficultés, cela ne ferait que reporter à leur détriment la modernisation impérative de l’offre de transport et de logistique dans notre pays.

Revenons tout d’abord aux raisons de l’instauration de l’écotaxe qui résulte du Grenelle de l’environnement et qui fonctionne avec succès dans 5 pays européens. Il s’agit avant tout d’instaurer un cercle vertueux en faisant payer aux transporteurs routiers, français et étrangers, le coût réel de l’utilisation des routes (qui s’abîment 20 à 100 fois plus avec des poids lourds qu’avec des voitures).

En Allemagne, l’éco-taxe a rapporté 4,3 milliards d’euros

D’une part, l’écotaxe va responsabiliser les transporteurs et les inciter à optimiser leur logistique, en diminuant les distances de circulation des marchandises et en favorisant des circuits plus courts. En s’appliquant aussi aux camions circulant à vide, elle incite en outre également les transporteurs à rationaliser les tournées.

D’autre part, l’écotaxe va permettre également de financer la modernisation de nos infrastructures de transport qui en ont cruellement besoin. Mise en place dès 2005 en Allemagne, l’écotaxe a permis de mobiliser 4,3 milliards d’euros en 2012 pour moderniser les infrastructures, et la part du fret ferroviaire a fortement augmenté.

Un impact sur le consommateur limité

Ceux qui s’insurgent aujourd’hui contre cette taxe manipulent sciemment la réalité. Il est parfaitement faux de dire que le consommateur final supportera in fine le poids de cette écotaxe. Le coût du transport représente 10% du prix des marchandises, la taxe est de 4,1% et elle ne porte que sur le transport routier empruntant les seules routes surchargées (l’écotaxe ne s’applique qu’à 1% du réseau routier français).

Son impact sera donc mécaniquement très limité : dans le pire des cas, la moitié d’1 centime pour une salade de 1 euro. Pas même le coût du sachet plastique ! Bien loin du coût du gaspillage de la chaîne de distribution

Des flux financiers créateurs d’emplois

L’écotaxe ne détruira pas non plus l’économie locale. Bien au contraire, elle l’encourage ! Applicable à tous les transports, et payable au kilomètre, elle va pénaliser les transports longs et faire baisser ainsi l’avantage concurrentiel de marchandises provenant de pays aux normes sociales et environnementales faibles.

Espérons qu’il sera bientôt fini le temps où certains transporteurs routiers étrangers ne faisaient que traverser la France du sud au nord, en n’apportant comme valeur ajoutée à notre économie que pollution et destruction de nos routes, en étant, comble de l’absurde, indirectement financés par les usagers et les contribuables français. En réalité, les flux financiers créés par l’écotaxe sont créateurs d’emplois que ce soit par l’investissement en infrastructures (près de 1 milliard d’euros par an) et par la protection des emplois locaux contre certaines importations.

Une dynamique régionale nouvelle

Concernant la Bretagne, la majorité a su faire preuve d’écoute et de pragmatisme pour prendre en compte la particularité de ce territoire. Pour preuve, le périmètre routier taxable a été réduit, la Bretagne a été rendue bénéficiaire d’un abattement de 50% sur le taux kilométrique de la taxe et une exonération pour les véhicules à citerne utilisés pour la collecte de lait a été accordée. L’écotaxe encourage, en Bretagne comme ailleurs, des logiques de transformation sur place des productions.

Faut-il rappeler que 700 000 porcs bretons sont envoyés à l’abattage en Allemagne chaque année ! L’application de l’écotaxe encouragerait leur abattage sur place. Ainsi seule la viande sera exportée, pas le cochon vivant ! Faire de l’écotaxe un symbole des difficultés actuelles du secteur est donc un contre-sens total.

Des lobbys soucieux de leur rentes

Le gouvernement doit par conséquent rester ferme sur l’application de l’écotaxe au 1er janvier 2014. Dénonçons plutôt l’instrumentalisation de l’écotaxe par certains lobbies, de toute évidence plus soucieux de leurs profits immédiats que du bien-être de ceux qui souffrent réellement d’un système productiviste à bout de souffle ; plus soucieux finalement de conserver leur rente au détriment des enjeux environnementaux et de développement local.

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 Les écolos dénoncent le 4ème report de la taxe poids lourdRue 89, le 12 septembre 2013

Suite à l’annonce d’un nouveau report de la mise en service de la taxe sur les poids lourds pour janvier 2014, la tête de file des écologistes de Strasbourg, Alain Jund, et en Alsace, Jacques Fernique, réagissent dans une tribune. Ils y dénoncent le lobbying réussi des transporteurs routiers et la frilosité du gouvernement socialiste.

Le 5 septembre dernier, le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, annonçait un nouvel ajournement dans la mise en œuvre de la taxe « poids lourds » en France ! C’est dès la fin de l’année 2004 que nos voisins allemands ont institué, sur l’ensemble de leurs autoroutes, une éco-taxe pour les poids lourds [LKW Maut]. Cette éco-taxe fait payer aux transporteurs routiers l’usure des infrastructures utilisées, une petite partie des nuisances qu’ils engendrent en terme de bruit, de pollution et de congestion. Les sommes récoltées servent au financement des infrastructures de transports collectifs sur l’ensemble du territoire, notamment urbain.

Dès la mise en œuvre de ce dispositif en Allemagne, nous avons assisté à un report de flux de plusieurs milliers de camions vers l’Alsace. Dès 2006, le principe d’une taxe identique a été adopté au niveau français avec une expérimentation préalable en Alsace. Et depuis cette date, c’est-à-dire depuis maintenant 7 ans, nous assistons à une succession de reports, d’ajournements, de sursis et de moratoires. Le lobby des camionneurs (qui dans cette affaire sont aussi les pollueurs) n’est pas resté inerte ! Loin de là.

Une des mesures phare du Grenelle

L’expérimentation alsacienne, pourtant techniquement prête et unanimement saluée, a été annulée sous prétexte de faire coïncider sa mise en œuvre avec la généralisation au plan national. Et patatras ! Cet engagement, qui était une des mesures phare du Grenelle de l’environnement, fut ensuite reportée au printemps 2013, puis à l’automne 2013 et, il y a quelques jours, au 1er janvier 2014.

Ce nouveau report (comme les autres) est inacceptable au regard du grand couloir à camions qu’est devenue l’Alsace (et notamment son passage à Strasbourg sur l’A35). Et cela se passe au moment même où les instances européennes condamnent une nouvelle fois la France pour le dépassement réitéré de sa pollution atmosphérique. C’est à ne plus rien y comprendre sauf à interpréter cela comme la persistance réussie du lobbying du transport routier sur les pouvoirs publics.

L’Alsace « gratuite », couloir à camions

Cela est d’autant plus incompréhensible qu’il s’agissait tout simplement d’une mise à niveau fiscale entre la France et l’Allemagne et d’éviter que les milliers de camions venant du nord ou de l’est de l’Europe et allant vers le sud passent en Alsace car « gratuite ». Qui plus est, en s’appliquant à tous les transporteurs utilisant le réseau national, elle réduit la concurrence déloyale dont souffrent les transporteurs français.

1,2 milliards perdus en un an

Enfin, cette taxe (juste) rapporte 100 millions par mois, c’est-à-dire que plus de 1,2 milliards d’euros se sont évaporés en un an pour le budget de notre pays et donc ont été perdus pour le développement des transports publics en France. Car effectivement, cette taxe doit créer de l’emploi et de l’activité économique en finançant la modernisation et la création de nouvelles infrastructures de transport en dégageant, de fait, de nouvelles capacités d’investissement. Quel gâchis ! Ce nouvel ajournement nous prépare-t-il à un enterrement de cette mesure qui relève pourtant du bon sens et qui est soutenue par la quasi-totalité des élus locaux et attendue par tant d’habitants ?

Il en va de la santé de millions de nos concitoyens… Il en va du changement de la politique des transports de marchandise. Il en va du développement des déplacements alternatifs à la voiture individuelle dans les villes et les régions. Cette éco-taxe a montré dans les pays où elle a été mise en place (y compris la Suisse depuis 2001), une amélioration de la chaîne logistique au bénéfice des entreprises de production.

« Pollueur-payeur »

Voilà des années qu’on nous parle de fiscalité écologique pour relever les défis du péril climatique, de l’avancée du principe du « pollueur-payeur ». Il est temps de passer du discours répétitif à la mise en œuvre pratique. Le changement, dans ce domaine également, cela devrait être maintenant !

Alain Jund, adjoint au maire de Strasbourg
Jacques Fernique, conseiller régional Europe Ecologie – Les Verts