par Pascal Bourgois
La raison majeure qui empêche notre société d’agir contre le changement climatique, c’est que cela implique pour la plupart d’entre nous, les 80 % les plus riches du pays, de réduire de façon drastique notre consommation liée aux énergies carbonées (alimentation carnée, déplacements, chauffage, objets…), de réduire fortement le confort extraordinaire que nous connaissons depuis quelques décennies, grâce à nos 416 esclaves énergétiques par personne.
Idéalement il ne faudrait pas dépasser 1,5° d’augmentation moyenne, mais c’est devenu impossible. 2° est selon les scientifiques le seuil à ne dépasser à aucun prix. Or nous sommes sur une trajectoire de 3 à 6° à la fin du siècle. Il y a de fortes probabilités pour qu’au 21ème siècle, entre la moitié et les trois quarts de la population mondiale disparaisse via les guerres, les épidémies et les famines.
Les + 1,1 ° d’augmentation de température que nous avons atteint, correspondent au CO² produit depuis l’ère pré-industrielle. Le CO² a une durée de vie de 100 à 200 ans. Si nous arrêtions aujourd’hui toute production, du fait de l’inertie du système, la température continuera d’augmenter. Si l’on considère que pour limiter le réchauffement climatique à 2°, chacun d’entre nous devrait limiter sa production de CO² à 1,7 tonnes/an soit le chauffage au gaz d’un appartement bien isolé de 80 m², 10 000 km en voiture ou 2/3 d’un Paris New York en avion, qui parmi nous est prêt à diviser par 5 la facture de chauffage et la température de sa maison, le nombre de kilomètres parcourus avec sa voiture…, pour un bénéfice hypothétique à une date indéterminée ?
Quoi que nous fassions notre planète va être transformée par le changement climatique. Dans une approche systémique le climat n’est pas le seul phénomène à prendre en compte. La biodiversité se meurt. Du fait des pollutions les maladies chroniques progressent. Les ressources naturelles se raréfient. Les inégalités explosent. La démocratie régresse. Comme espèce, nous sommes clairement sur une trajectoire de suicide collectif où nous détruisons toutes les autres formes de vie avant de nous autodétruire. Le désordre, la violence, les tensions, les émigrations massives, la baisse de la production agricole, les catastrophes climatiques… vont ravager le monde. L’humanité pourrait à terme être réduite à un milliard d’individus, peut-être moins…
Notre enjeu est double. Décarboner radicalement, dès maintenant, notre modèle économiquepour laisser une chance aux habitants du 22ème siècle, nos petits et arrière petits enfants. Penser ici et maintenant le post effondrement,afin de nous donner une chance. Le médecin vient de nous annoncer que nous avions une maladie potentiellement mortelle. Il ne s’agit pas d’être optimisme ou pessimisme face à cette information. L’optimiste pense que cela va s’arranger. Le pessimiste que tout est foutu. Il s’agit de d’accepter le diagnostic et de prendre conscience que ce dont nous avons besoin c’est de volonté et de courage.
L’espèce humaine va vivre dans un nouveau monde, comme si nous débarquions sur une nouvelle planète, mais nous avons un atout maître, notre capacité d’adaptation. Nous avons colonisé la quasi totalité de la planète, nous sommes capables de nous adapter à des conditions extrêmes. Nous savons ce qui nous attend. Nous disposons encore de ressources multiples.
Si l’on se retrouve dans ce diagnostic, que faire ?
- Le digérer, l’analyser, lire, en parler, écouter, le faire évoluer, écrire…
- Travailler sur sa transition intérieure. Où en suis-je en terme de consommation ? D’équilibre intérieur ? Comment vivre avec cette épée de Damoclès au dessus de ma tête ?
- Repérer sur son territoire les personnes qui partagent cette vision du monde. Se relier, agir ensemble. Utiliser les failles du système pour construire un nouveau modèle démocratique et économique (épicerie participative bio, café associatif, low-tech, SEL, jardins partagés…)
- Réfléchir aux modalités d’actions politiques : intégrer des réseaux écolos, participer aux actions radicales non violente, faire de l’entrisme dans des partis politiques, monter des listes citoyennes écolos pour les municipales…
10 mots clés pour l’action : sobriété, autonomie, coopération, convivialité, relation avec la nature, permaculture, résilience, relocalisation, démocratie horizontale, non violence
Pascal Bourgois
« Or l’une des principales leçon à tirer de la Grande Accélération et de l’Anthropocène est qu’il n’y aura jamais de « sortie de crise » en matière de « crise écologique ». Le passage à une nouvelle époque géologique marque le basculement du système Terre dans un état radicalement nouveau, radicalement autre, qui n’aura que peu à voir avec l’Holocène nous avons connu et qui a vu s’épanouir les civilisations humaines. Il marque un basculement global et irréversible vers une nouvelle réalité qui n’a rien de temporaire, caractérisé par un climat réchauffé pour au moins plusieurs siècles, par une biodiversité appauvrie, par la fin des ressources fossiles, par l’existence d’armes et de déchets nucléaires... » Luc Semal, Face à l’effondrement – Militer à l’ombre des catastrophes, puf, Février 2019