Archives d’un auteur

Minerai de viande

7 mars 2013,

Par Sophie Chauveau

Chaïm Soutine

Chaïm Soutine

Du cheval dans les lasagnes? La belle affaire, il y a surtout de la merde. Des haridelles mélangées à du cochon, du rat et le petit doigt d’un manutentionnaire distrait. Qui en doutait? Il y a sûrement pire mais notre imagination est trop archaïque pour se le représenter. On n’a pas encore idée de ce que le modernisme de l’agroalimentaire maffieux est capable d’inventer pour nous entuber. Pour s’enrichir.

Aussi est-ce dégueulasse. Absolument dégueulasse. Immangeable, mais alors vous dites-vous, je vous entends, pourquoi diantre, y a-t-il des gens pour en acheter, et pis pour s’en nourrir?

Mais parce que ça ne vaut rien! C’est assez bon marché apparemment pour être vendu partout à bas prix. Des gens sont mêmes capables de se mobiliser pour empêcher les grandes surfaces de détruire leurs stocks dénoncés comme (suite…)

Lucchini à bicyclette

3 février 2013,

par Alain Hervé

Alceste à bicyclette  divise les critiques. Certains parlent de chef-d’œuvre, (Marianne, Télé sept jours, Le Monde, le Figaro…), d’autres le trouvent insignifiant pour ne pas dire irritant. (Les Inrocks  et Télérama).

Fabrice Lucchini est le seul responsable de ces appréciations extrêmes et contradictoires. Car le film a un seul héros, les autres acteurs ne sont que des faire-valoir. Lucchini fascine manifestement le metteur en scène Philippe Le Guay. Il enregistre avec une loupe et un excellent éclairage la moindre des expressions de l’acteur. La bouderie, le mépris, la raillerie, la désillusion, la mesquinerie, la lâcheté, la sournoiserie, la fausse modestie et d’autres se succèdent sur ce masque ultra sensible. (suite…)

L’écrasement de Sisyphe

18 juin 2012,

par Christophe Chelten

L’euphorie résultant du succès électoral de la gauche dissimule pour quelques heures seulement l’ampleur de la tâche à accomplir. A ceci près que l’on va de nouveau tenter de soulever le roc de Sisyphe. Bon courage à Hollande.

Voyons ce qui se passe en France et dans le monde et même en province.

Prétendre résoudre la crise économique et financière en relançant la croissance relève de l’utopie aveugle. On s’attaque ainsi à la réanimation d’un cadavre. On reprend la tâche là où Sarkozy l’a laissée et en appliquant les mêmes recettes, même si on les maquille de quelques corrections sociales. L’échec sera flagrant à la rentrée.

Au plan international, l’échec de la rencontre de Rio pourrait être annoncé par avance , de la même manière que Ségolène Royal l’a fait dix minutes avant l’annonce de ses résultats.

A propos de cette lugubre affaire, on appréciera le soutien inconditionnel de la hiérarchie socialiste à un parachutage arbitraire, au mépris de l’opinion des Rochelais. Olivier Falorni a été élu par un Front Républicain tant invoqué en d’autres circonstances. Le bureaucratisme d’appareil a méprisé l’affectif collectif.

Les dix huit élus EELV vont devoir se faire entendre très fort, dans la mesure où ils seront les seuls à être les détenteurs d’une analyse cohérente de la crise. Tout au moins on l’espère de leur part. Ils peuvent espérer que d’autres voix de gauche et de droite se joignent à la leur au fil des jours et tandis que l’échec des solutions appliquées deviendra évident.

L’analyse écologique n’appartient pas en effet à la seule gauche dans la mesure où nous sommes tous écologistes de naissance, qu’on le veuille ou non, du seul fait d’être nés. Une majorité l’ignore encore à l’Assemblée Nationale. Une majorité l’a compris parmi les citoyens.

La question se pose en effet de savoir si nos élus sont intelligents. En observant leurs réactions devant ce qu’ils ont baptisé la crise, on peut en douter. Leur capacité d’analyse se trouve handicapée par les schémas qui leur ont été inculqués pour la plupart dans les grandes écoles où ils ont été formés. Ce sont de bonnes machines Xérox ou à photocopier. Ils ont été amputés de leurs capacités imaginatives ou affectives. C’est assez dramatique.

Leur appréciation du problème nucléaire est éloquente. Ils raisonnent à partir de projections chiffrées de

La photo officielle revue par Greenpeace

production et de consommation (voir Jancovici). Ils ignorent absolument les paramètres imprévisibles de l’erreur humaine, de l’agression terroriste, du risque sismique, d’une guerre éventuelle… Ils ne prévoient pas les conséquence d’un accident qui en résulterait. Ils ignorent les échelles de temps à prendre en compte pour la gestion d’une technologie nucléaire: des milliers, des dizaines de milliers d’années.

Le peuple, la foule, les citoyens, les gens, les hommes… (comme vous voulez) obéissent à des pulsions plus primaires et en définitive plus réalistes. Ils soupçonnent les impossibilités immédiates, ils présagent par avance les ruptures, les effondrements,…  comme les animaux sentent arriver les secousses telluriques. Ils prévoient des positions de survie.
Ils obéissent à une chaîne affective brutale. Nous observons en ce moment l’effusion, demain très vite, ce sera la désillusion, bientôt la rancoeur, puis le châtiment pour avoir été floués.

Le tout pouvoir qui vient d’être confié en France à quelques centaines d’hommes est effrayant au vu des problèmes qu’ils vont devoir gérer.

Christophe Chelten

L’Osteria, une table admirable

25 octobre 2011,

On ne lésine pas sur le compliment . On fréquente une fois par an l’Ostéria à Ospedaleti entre Bordighera et San Remo sur la Riviera italienne. C’est à chaque fois une découverte heureuse. Pas de vue sur mer. Un bistro au centre de la vieille ville près de l’église, tenu par les deux frères Carpine.
Aujourd’hui c’étaient des encornets avec courgettes au pesto (basilic). Le grand art en cuisine c’est de faire des merveilles avec des plats simples. Avec un demi de vin blanc frizzante (pétillant), fromage, gorgonzola, dessert maison. Un moment de bonheur sous ce premier soleil de juin. 32€ ttc pour deux. Tel: 0039184684570
Nous vous en avions parlé le 3 juin 2010. Nous y sommes retournés, même menu de scampi et melanzane, succulent. Et les patrons offrent une myrte pour digérer. Cette fois nous avons pris une photo pour vous montrer la vie du lieu.

A.H.

Fukushima tout le monde descend

3 avril 2011,

Il n’y a qu’un seul événement notable cette semaine. Oubliez la Libye, oubliez la Côte d’Ivoire. Ce ne sont  qu’événementcules. Nous avons découvert avec stupéfaction un texte signé par une de nos têtes d’œuf nationales qui dit ce que ne disent ni Marine le Pen, ni les Verts EE réunis en séance solennelle à Paris pendant le week-end. Ni le PS bien sûr. Ce que ne disent pas nos délégués à l’apaisement, à pas de panique, délégués par l’ «Inoxydable Nucléaire Français. INF». Un homme seul ose le dire. Et ça se trouve dans l’Express du 30 mars.

C’est Jacques Attali qui s’exprime à propos de Fukushima.

Précipitez vous pour le lire. Il ose enfin dire que le nucléaire qui mijote à Fukushima représente un danger pour l’humanité entière. Il le dit posément et urgemment. Il faut lire ce qu’un homme informé et indépendant peut dire lorsqu’il n’est à la solde de personne.

Attali certes n’est pas la Vierge Marie, il n’est pas né de la dernière pluie. Il a dit quelques sottises dans sa vie de tribun, de polygraphe et de penseur attitré de quelques pouvoirs. Mais cette fois il exprime une urgence et sa notoriété est utilisée avec à propos.

Et maintenant, aux écologistes responsables de poursuivre son “Branle-bas de combat” (titre de son article). Fukushima est un terminus tout le monde descend. Il n’y a pas de référendum à négocier. Il faut quitter le nucléaire d’urgence et partout dans le monde. La poursuite de la vie  sur cette curieuse planète en dépend. Ca va nous coûter cher, très cher, mais il n’y a plus d’autre choix. Ce fut une fatale erreur de s’engager dans cette voie il y a soixante ans. Un choix mortifère. Merci Attali de lever le lièvre enfin.

Alain HERVE

L’ivrogne corrigé de Gluck. Opéra comique

12 mars 2011,

Quel délice de fréquenter la musique de Gluck un soir en cette fin d’hiver à bord de la Péniche Opéra, sur les eaux obscures du Bassin de la Villette / 46 quai de Loire 75019  à Paris. (jusqu’au 27 mars et en juillet en Bretagne.)

Pas le grandiose Cristoph Willibald ( un prénom à remettre à la mode) Gluck, d’Iphigénie en Tauride ou d’Orphée et Eurydice mais Gluck l’amuseur de cour avec un des premiers opéras comiques pour ne pas dire vaudeville. Créé au Burgtheater de Vienne en 1760. (Dommage de ne pas aller le produire à Vire la patrie du vaudeville ?)

A partir d’une fable de La Fontaine : « l’Ivrogne et sa femme ». Vous vous souvenez : « Chacun a son défaut où toujours il revient… » Non, vous ne vous souvenez pas, qu’importe.

C’est parti entre tendresse et farce, entre mélancolie et  pitrerie. Ca chante et ça danse. Les costumes rembourrés et flamboyants de Gabrielle Tromelin soutiennent les voix débridées  des sopranos et des barytons, tous excellents. Un plus pour le baryton Paul-Alexandre Dubois dans le rôle de Lucas. (Un bon baryton c’est facilement jouissif.)

La mise en scène d’Alain Patiès est extrêmement habile et rigolarde dans cet espace en longueur de la péniche, avec des placards-décors qui s’ouvrent et se ferment. Elle faiblit un peu dans l’épisode infernal final.

Piaf, Nougaro, les téléphones portables et les marshmallows introduisent des ruptures contemporaines judicieuses dans la musique de Gluck.
Frédérique Chauvet à la flûte traversière dirige le piano forte et le basson du BarokOpera Amsterdam.

Précipitez vous à la Péniche Opéra, évitez de plonger. Réservation : 0153350777

Carnets d’Asie

11 mars 2011,

par Gabrielle Wittkop éditions Verticles 23€

Cette germano française est l’auteur d’un chef d’oeuvre intitulé “Sublime assasinat “, publié en 2001.

Si vous ne l’avez pas lu précipitez vous . C’est une des meilleures évocations de la Venise décadente. Oubliée ou négligée par Sollers dans son “Dictionnaire amoureux de Venise”. Mais il a aussi oublié Baffo. Bref.

Les “Carnets d’Asie” de Wittkop sont un journal de voyage dans les années 80 à travers Sumatra,  Java, Bornéo… On y retrouve son regard impitoyable devant les sociétés humaines et les individus. Il s’agit en l’occurrence de l’engloutissement des cultures traditionnelles dans la boue des pratiques contemporaines. Mais elle ajoute :” rien ne sépare le réel du merveilleux…”

On voyage sur les traces de Conrad et Maugham. On rencontre des varans, des crocodiles et des éléphants, des buffles, des chauve souris, des araignées, des réducteurs de tête à la retraite et le souvenir du Rajah blanc… Cette végétarienne impitoyable salue l’homme néolithique lui carnivore certain , sans rancoeur. La visite des cavernes de Niah à Bornéo est émouvante, éprouvante, épatante.Ce n’est qu’un moment de cette longue divagation.

Sans doute si Wittkop avait vécu elle aurait élagué ce texte, n’aurait pas conservé des développements inutiles. Mais ce qui importe c’est l’acuité d’un regard désespéré. A lire.

Alain HERVE

Candidat Hulot

10 mars 2011,

Appartenir à une famille qui a donné son nom à Monsieur Hulot, c’est déjà une référence .
Hulot pour rattraper de justesse le ruban de guimauve, Hulot pour déclencher par inadvertance un feu d’artifice, Hulot pour inventer un service inédit au tennis … Hulot pour être candidat à la Présidence de la République, pourquoi pas ?

On l’aime bien le vieux jeune homme casse cou, suspendu à ses cordes alpiniques, surfeur emporté par son cerf volant, plongeur es requins, sponsorisé par le capitalisme cosmétique et Edf, marchand de savonnettes, chantre hélitreuillé de la beauté de la nature.

Il est aimé du public qui fait la différence avec les idéologues en chambre, les compétiteurs d’appareil, les aspirants à des sièges d’élus rentiers.

C’est un écologiste de conviction. On devrait dire un amoureux. Il y croit. Il ne dit pas de bêtises quand il parle de biodiversité, de réchauffement climatique, de déforestation, de désertification, de chaîne alimentaire, d’extinction des espèces, de taxe carbone…

S’il s’agit de clamer, de hurler l’urgence écologique, qu’il s’agisse de révolution ou de métamorphose (selon Morin), il serait un héraut parfait. C’est un séducteur de foules.

Cette course en sac pour la présidence d’une République usée, abusée, désabusée nécessite un homme qui a du souffle et qui souffle un ouragan sur ces économistes falsificateurs de droite et de gauche, qui en chœur nous annoncent sans rire  « la fin de la crise, la reprise de la croissance », nous promettent une société en crème Chantilly où l’on se bâfrerait de promesses non tenues, d’illusions procrastinatives…

Il ne s’agit pas  de décrocher le pompon élyséen réservé aux professionnels du job, de droite ou de gauche. Il s’agit d’utiliser une tribune quinquennale unique pour clamer la réalité de ce qui se passe. La vie est en danger. Nous, les humains, sommes solidaires de cette vie. Nous pouvons, nous devons inventer une nouvelle société, une fraternité du vivant. Il y a urgence.

Alors Hulot pourquoi pas ? Face aux prestations vides d’Eva Joly c’est un progrès.

Souvenez vous qu’Yves Cochet est prêt à se désister en sa faveur.

Alain Hervé

Les abeilles

4 mars 2011,

par Jean-Louis Hue

reprint Le Sauvage 1977


Ce n’est pas la société communautaire et socialiste que l’on croyait mais une société de profit et de rendement

Leur langage reste indéchiffrable

L’herbe était jaune, les rhododendrons, bleus, et les pâquerettes, vertes. Assis au milieu d’un champ, le professeur américain Thomas Eisner, de l’université de Cornell, regardait les couleurs de l’univers avec les yeux d’une abeille. Grâce à une caméra TV qui enregistrait, à la manière de l’insecte, les rayons ultraviolets. Chaque fleur lançait des reflets éclatants et la nature se transformait en un étonnant light-show. Thomas Eisner s’extasia : il découvrait soudain deux fois plus d’espèces florales qu’il n’en avait repérées auparavant.

(suite…)