par Ghislain Nicaise
14- Noisettes et noix (d’après La Gazette des Jardins n° 95, janvier-février 2011)
Il faut manger du gras
Nous avons besoin de lipides, les matières grasses “fournissent de l’énergie, contribuent à la régulation de la température corporelle, de même qu’à la synthèse des hormones et à la fertilité, apportent des acides gras essentiels, permettent l’absorption des vitamines A, D, E et K, procurent un sentiment de satiété, rehaussent la saveur et la texture des aliments, donnent de l’éclat au teint et à la chevelure, etc.”
La vogue des régimes amaigrissants peut faire oublier que notre organisme est incapable de synthétiser certains acides gras indispensables (dits essentiels) qui commencent à être connus par leurs noms de famille : oméga 6, oméga 3. Notre organisme en a besoin et n’est pas capable de les synthétiser. Je trouve sur le même site que notre alimentation occidentale comporte largement assez d’oméga 6 et qu’il faut rétablir l’équilibre en ingérant plus d’oméga 3. Il me semblait bien que la réclame pour de nouvelles matières grasses insistait sur le 3, très peu sur le 6. Nous avons planté précédemment une source de lipides avec les oliviers mais l’huile d’olive, très riche en acides gras mono-insaturés (oméga 9), qui sont parait-il bons pour le système circulatoire, ne contient pas ou très peu d’acides gras essentiels (3 et 6, qui eux sont poly-insaturés). Pour les oméga 3, la noix de Grenoble s’impose (Table 1), par contre elle est pauvre en oméga 9. La consultation de Wikipedia m’apprend que ces derniers devraient selon l’association des cardiologues étatsuniens composer la moitié de l’apport en lipides. L’huile d’olive pourrait suffire à compléter les noix de Grenoble mais les autres noix peuvent aussi y contribuer.
Table 1. Tableau simplifié du contenu de 100 g de diverses noix adapté du site lesnoix.com
Les noisetiers
L’introduction de cet épisode pourrait laisser penser que mes plantations d’oléagineux ont été décidées en fonction d’impératifs diététiques. En réalité j’ai suivi le conseil que l’on donne toujours aux jardiniers prenant possession d’un nouveau terrain, je me suis inspiré de ce que je voyais pousser tout autour, et s’il se trouve que c’est bon pour la santé, c’est un heureux hasard. En commençant par planter des noisetiers je n’ai pas cherché une source de lipides mono-insaturés : le sous-bois environnant abonde de noisetiers. Le terrain, le climat, sont donc favorables. Notre voisin quasi-autarcique nous a généreusement donné de quoi remplir un saladier à partir de la variété locale de noisettes. Elles sont petites, bien remplies et savoureuses, mais il les avait récoltées dans son jardin, entouré d’un grillage, éloigné de la forêt. Dans le bois, il semble vain de vouloir les disputer aux écureuils ou autres petits mammifères. Au moment de la chute des noisettes, on ne voit que des coques vidées par terre. Elles sont découpées nettement par les incisives. Si par hasard une coque apparait intacte, elle sera vide. Les écureuils devinent les coques vides, peut-être parce qu’elles sont plus légères. Bien que cette chronique soit la quatorzième, les noisetiers ont fait partie de mes premières plantations, en même temps que les châtaigniers. J’ai décidé d’en planter dans l’enclos près de la maison, pour les soustraire le plus possible aux rongeurs, et de les disposer en une rangée, pour faire une zone d’ombre (Fig. 1). Sur ce terrain bien exposé, le soleil d’été est redoutable. Je voudrais de l’ombre surtout pour les groseillers et un peu pour le compost.
Au moins la proximité des noisetiers sauvages sera probablement bénéfique pour la pollinisation de variétés plus domestiques. En effet j’apprends par le Pontoppidan (1), qui est un de mes livres de chevet, que les noisetiers ne sont pas autofertiles. Pour un plant donné les floraisons mâle et femelle sont décalées dans le temps, on peut donc optimiser la fécondation en associant des variétés appropriées. Je me demande souvent comment font les noisetiers sauvages. Pontoppidan décrit neuf variétés, ce qui est plus que ce que j’ai l’intention de planter. Désireux de bien faire, j’achète le livre du CTIFL sur le noisetier, en principe l’outil du professionnel (2). Cet ouvrage en recommande huit et distingue subtilement la fertilisation en début, milieu et fin de floraison avec chaque fois des variétés différentes. Trois variétés sont recommandées à la fois par le Pontoppidan et par le CTIFL : Fertile de Coutard, Merveille de Bollwiller et Segorbe. Je vais donc acquérir les trois. Fertile de Coutard a l’inconvénient d’être précoce mais est réputée de mise à fruit rapide et de productivité élevée (2), pollinisée en début de saison par Segorbe, ensuite par Pauetet, enfin par Merveille de Bollwiller et Corabel. Merveille de Bollwiller est tardive et réputée comme l’une des variétés les plus résistantes aux grands froids hivernaux (2), elle pollinise bien Corabel, Segorbe et la fin de floraison de Fertile de Coutard et Pauetet ; elle est bien pollinisée par Corabel. Segorbe a une floraison mâle assez précoce et une floraison femelle assez tardive, c’est une très bonne pollinisatrice de Fertile de Coutard et du début de floraison de Pauetet. Elle est bien pollinisée en début de floraison par Pauetet, en pleine floraison par Merveille de Bollwiller et Corabel (2, 3). Cette énumération fastidieuse est là pour expliquer pourquoi j’ai ajouté Pauetet et Corabel aux trois premières variétés.
En 2009, seul le plant le plus développé, Ségorbe, avait donné des noisettes, environ une trentaine. En 2010 il en a produit deux. Fertile de Coutard n’en porte que quatre petites, découvertes après leur chute à terre. Merveille de Bollwiller en porte quatre aussi, Pauetet et Corabel deux chacun. Ce n’est pas encore l’abondance. En 2010 le feuillage, d’apparence normale, n’a guère épaissi. Je me demande si ce n’est pas dû à la faim d’azote de la couche de bois raméal fragmenté répandue en 2009. On ne peut pas dire que mes cinq plants plutôt serrés donnent vraiment de l’ombre. Je mettrai du compost au printemps 2011, en attendant, un peu de corne broyée, fertilisant bio horriblement cher, devrait se décomposer pendant l’hiver pour enrichir le sol. En 2011 je récolte une bonne cinquantaine de noisettes au total. En 2012, ça y est les noisetiers ont pris de l’ampleur, je commence à faire la comparaison entre les différents cultivars mais la majorité des fruits gardent leur coque attachée à l’involucre, ce que j’attribue à la sécheresse. Quand c’est le cas, ce n’est même pas la peine de passer au casse-noix, elles sont toujours vides. Sur Fertile de Coutard, c’est le cas pour 20 sur 26, Ségorbe s’en sort mieux. L’année en cours (2013) est prometteuse, peut-être grâce à un début d’été très humide (Fig. 2).
Noyers et pacaniers
Il est indiqué de planter des noyers, il y en a partout dans les environs, de beaux arbres dans les jardins de mes deux voisins les plus proches, le long des pâtures et un peu partout de petits noyers débutants. Le voisin qui m’avait donné les noisettes me dit que ce sont les corbeaux qui disséminent ainsi ses noix dans les environs. En coupant l’herbe du bas de terrain pour couvrir le sol appauvri du remblai plat entourant la maison j’ai trouvé un de ces tout petits noyers en train de pousser et j’ai décidé de le laisser sur place, en l’encourageant. Il a eu droit à sa couronne d’herbe coupée tout autour du pied, et une grosse pierre pour le protéger des faucheurs l’été et du froid l’hiver mais il est mort l’année suivante (trop de soins ?).
Deux noyers Franquette plantés en racines nues fin 2009 ont eu du mal à récupérer. Je les ai cru morts parce qu’ils ne montraient pas de bourgeons au moment où les noyers des environs étaient déjà en feuilles. J’ai racheté deux noyers greffés Franquette en pots. Au moment où je me suis approché pour arracher les deux plants que je pensais morts, j’ai vu de petites feuilles pointer, en bas de la tige principale mais au dessus du point de greffe. J’ai quand même remplacé l’un des deux survivants et je l’ai transplanté là où j’avais un trou presque prêt : la tranchée destinée à planter une haie vive. C’est là aussi, un peu plus loin, que j’ai mis le nouveau noyer en surplus. Le racines-nues est mort depuis mais le racines-en-pot le plus ensoleillé va bien, il se distingue avec quelques noix au printemps 2013 (Fig 3, ci-contre).
Les passants prenaient un air poliment sceptique quand je leur montrais notre pacanier mais il s’est mieux comporté que les noyers Franquette au cours de l’hiver 2009-2010 et s’est couvert d’une touffe de feuilles en bouquet au printemps, depuis il est indiscutablement plus vigoureux, pousse plus vite que les noyers de chez nous. Carya illinoensis, c’est son nom latin, ne vit pas que dans l’Illinois, on le trouve bien plus au Sud mais aussi plus au Nord au Canada et on peut tabler sur la résistance au froid de certains cultivars. Je voulais aussi savoir s’il passerait bien l’été car j’ai lu que le pacanier aime l’humidité et il m’est difficile d’arroser cette partie éloignée du terrain. A l’automne 2010 il n’a pas grandi mais a bonne allure et toutes ses feuilles. Comme cette espèce n’est pas réputée autofertile, j’achète un deuxième pacanier, de variété connue (Carlson 3), fin 2010, une des plus rustiques. Malheureusement je l’ai fauché avec l’herbe haute du printemps suivant et il peine à repousser. Certains sites internet recensent plus d’une centaine de cultivars. Je ne connais malheureusement pas la variété du premier pacanier que j’ai planté, mais j’ai l’espoir que Carlson 3, quand il aura récupéré, s’adaptera aussi bien que l’ancien, surtout que je viens d’apprendre que dans cette partie basse du terrain bordée par la route, il y avait un puits, maintenant recouvert par l’asphalte.
Mes lectures depuis m’ont appris que le problème reste la compatibilité : pour les cultivars de pacaniers protandres, les fleurs mâles éclosent avant les femelles, pour les protogynes, ce sont les fleurs femelles qui sont les plus précoces. Les premiers sont qualifiés de groupe I ou groupe A selon les sources et les protogynes de groupe II ou encore groupe B. Plusieurs sites de pépinières étatsuniennes ignorent cette distinction, il est donc possible que ce décalage dans le temps ne soit pas crucial pour tous les cultivars. En tous cas je n’ai pu trouver le groupe de Carlson 3 et je ne sais pas non plus dans quel groupe ranger mon premier plant si vigoureux : la pépinière Adeline, qui me l’a fourni, m’a écrit qu’il était produit à partir de semis, sans indication de la variété d’origine.
J’ai planté une troisième catégorie de noix avec l’amandier, qui sera traité dans un prochain épisode.
(à suivre)
(1) A. Pontoppidan. 2008. Fruitiers au jardin bio, arbres et arbustes. Terre Vivante.
(2) E. Germain et J.P. Sarraquigne, 2004. Le noisetier. Centre Technique Interprofessionnel des fruits et légumes.
(3) http://www.au-potager.com/vergerpollinisation.htm