Collapsologie

24 novembre 2017,

par Ghislain Nicaise

Sur l’excellent site The Conversation, on peut lire une mise au point de Jacques Igalens, professeur à l’Institut d’Administration des Entreprises de Toulouse, intitulé La collapsologie est-elle une science ?
Cet article est intéressant, bien que fidèle à la ligne éditoriale de The Conversation, qui essaye de ne pas prendre parti, sans jamais y parvenir complètement (peut-être parce que c’est tout simplement impossible). J’ai cependant relevé une bourde, à moins que ce ne soit une maladresse d’écriture, je cite :
il s’agit, avec le Club de Rome, de véritables prédictions sur la base de modèles dont les fondements se présentent comme scientifiques… Force est de constater que ces prédictions n’ont – heureusement – pas été vérifiées – encore que l’effondrement soit prévu pour 2030 –, donnant ainsi raison à tous ceux qui avaient, dès la parution du rapport, critiqué à la fois les hypothèses et la méthode de J.W. Forrester, la dynamique des systèmes.
Or les prédictions du rapport Meadows (commandé par le Club de Rome au début des années 1970) ont été réévaluées pour la période de 30 ans qui a suivi, avec de meilleurs ordinateurs et probablement de meilleures bases de données par l’australien Graham Turner. Contrairement à ce qu’écrit Jacques Igalens et que j’ai relevé sous la plume d’autres auteurs les prédictions ont jusqu’à présent été largement vérifiées (voir ici). Si le modèle qui était fonctionnel (rétroactivement) de 1900 à 1970, puis de manière prédictive pour le reste du XXe siècle continue à tenir la route, on doit donc effectivement s’attendre à l’effondrement de notre civilisation industrielle autour de 2030, avec la réserve d’une marge d’erreur (d’au moins cinq ans selon Dmitry Orlov) et surtout l’hypothèse que l’humanité continue à ne pas prendre les mesures qui s’imposent (en particulier renoncer à la croissance du PIB comme moteur de l’économie)1.

G.N.

(1) Le rapport Meadows prévoyait d’ailleurs plusieurs possibilités et plusieurs échéances selon les choix technologiques et politiques.

Note ajoutée le 3 décembre : Raphaël Stevens (le co-auteur du livre mis en illustration ci-dessus) m’a fait la faveur de réagir à cet article. Il m’a appris que G. Turner avait publié, seul, un travail assez simple d’actualisation des résultats du modèle World3 (celui du rapport Meadows) et qu’un modèle plus sophistiqué World6 aboutissait à la même conclusion : l’effondrement de la civilisation industrielle est un scenario très crédible. Il m’a permis aussi de nommer l’auteure du graphique de comparaison entre les prédictions de 1970 et leur vérification en 2000, il s’agit de Linda Eckstein, pour le compte du magazine en ligne du Smithsonian Institute.