Et si on reprenait tout, pas tout à fait au début,
mais au moment où ça a bifurqué et où on s’est égaré.
Là dessus, Georges a son idée.
Il est grand temps de devenir Géomètre…
Chers amis de “La Vie Brève”
Retour du marché, l’odeur des herbes fraiches qu’on presse entre les doigts, coriandre, menthe, thym, absinthe.
Au bout de la rue, le café aux vitres embuées, la touffeur moite quand tu y rentres, le type qui d’un geste large lance la pâte dans l’huile bouillante, les cloques et les bulles qui gonflent et deviennent un beignet croustillant et huileux, tu le manges par petits bouts que tu trempes dans le sucre. Les gorgées brulantes du thé à la menthe. Tu es loin, Georges!
C’est vers la soixantaine que G. se mit à l’écriture automatique.
L’exercice se déroulait dans le salon d’un pavillon fin de siècle (XIXe) de la banlieue-est, à heures fixes, tous les jours, sauf le week-end. C’était une symphonie Tingelyenne de grincements rauques, de couinements aigus et de grincements jubilatoires tandis que les poèmes sortaient à cadence industrielle.
Les visiteurs, admis en nombre limité, repartaient l’âme vivifiée par le Progrès en action.
Quand G. cessa son activité, faute de successeur, le pavillon fut vendu, la municipalité préempta et l’acheta en vue de créer un musée « d’Art Psychique » où hormis la Machine, seraient exposés un baquet magnétique de Mesmer, un divan avec kilim évoquant le médecin viennois, quelques guéridons tripodes, des photos retouchées de visiteurs de l’Astral en intimité avec Madame Blavasky et plein d’autres curiosités.
Où en est-on?
Le Guignol du bois est fermé. Monsieur Personne, le Marionnettiste s’en est allé avec ses pantins.
Son dernier spectateur, un vieil inspecteur des Renseignements Généraux passait là tous ses après-midi, il se nourrissait d’un sandwich au thon/mayo apporté de la maison.
C’était encore la belle saison, des oies cendrées passaient dans le ciel, des mouettes fientaient distraitement en vol, des perruches devenues indigènes pépiaient dans les platanes.
Des évènements survinrent et l’inspecteur fut muté.
Il fit un rapport édifiant de ses journées: » J’ai vu là, sous les titres anodins de « petit Poucet », de Barbe-Bleue ou de Blanche-neige s’exprimer les vices les plus vils et les passions les plus funestes, des criminels impitoyables, des ogres cannibales, des empoisonneuses, des enfants abandonnés, des vengeances iniques, j’ajoute que les auteurs de ces contes dépravés étaient deux frères allemands ».
Si bien que Monsieur Personne dût faire ses malles et décampa. Lyon, Sienne puis Venise et enfin Naples où il se fît engager au « Piccolo Teatro miracoloso e straordinario » sous le pseudo transparent de Dottore Tiepolo.
Il y écrivit là: » Vie, Passion et Transfiguration de Pulcinella », un drame lyrique en 365 actes et 52 tableaux sans entracte, qu’il interprétait seul avec ses 20 hétéronymes.