Archive pour la catégorie ‘Nous avons vu’

Another Year

24 janvier 2011,

Au rythme des quatre saisons, au jardin, le nez dans le compost. Au fil des visages de jeunes, de vieux, de l’humanité. De l’humanité heureuse, béate, obèse, hypocrite, exaltée, désespérée, larguée, incinérée…

C’est un joli effort, réussi, pour surprendre les humeurs et les sentiments d’hommes et de femmes d’un suburb britannique. Mais qui révèle en même temps les limites de l’investigation.

On boit beaucoup de la bière et du vin sauf un couple Tom et Gerri équilibrés, altruistes, dévoués, roulant en Volvo, presque insupportables dans leur écologiquement correct. Mais il faut bien supporter même les gens bien.

Le cinéaste est sensible, habile, élégant. C’est un très bon film malgré tout.

A.H.

Incendies

24 janvier 2011,

Un autocar trace sa route au flanc d’une colline du Moyen-Orient, il avance seul dans le paysage rocailleux que l’on surplombe. Avec confiance il emmène vers la mort une vingtaine de braves gens sûrs de leur bonne foi. Parmi eux une jeune femme n’aura la vie sauve qu’en brandissant sa croix. Le car avance bravement. Tout comme le film « Incendies » du canadien Denis Villeneuve qui nous entraîne avec un talent immense, car il sait rester débonnaire et pudique, dans le dévoilement d’un destin extrême.

Un film d’une grande force tout d’abord par une histoire personnelle qui se confond avec une contrée qui pourrait être n’importe quel pays du Moyen-Orient, mais surtout par l’intérêt, la justesse du scénario, le talent des acteurs et le dépouillement évocateur des images ; un film magistral reprenant une pièce de Wajdi Mouawad, libanais parti en exil dans son enfance, et qui parvient à ne jamais tomber ni dans la diatribe politique ni dans le scabreux du destin subi.

On ressort de ces deux heures sidéré, pétrifié comme la femme mûre qui prend soudainement la pleine mesure de ce destin. Courrez-y, c’est un chef d’œuvre.

Nicole Aussedat

Le Salon de musique

11 janvier 2011,

Nous avons revu « le Salon de musique », le film noir et blanc de Satyajit Ray datant de 1958, au cinéclub Claude-Jean Philippe le dimanche matin 9 janvier 2011, au cinéma l’Arlequin rue de Rennes à Paris. (On fêtait le vingtième anniversaire de cette très noble institution)

Un chef d’œuvre qui nous transporte en onirie pure avec l’aide de l’hypnotique musique indienne. Merci au réalisateur, aux acteurs, aux musiciens, à la danseuse…

Merci à la poussière, à l’éléphant, au bruit du lointain générateur électrique, aux miroirs, aux coffres forts, aux colonnes rongées et aux lustres…

Les lustres sont les vedettes de ce film. Ils sont là dès le générique, répandant une faible lumière à travers leurs pampilles et leurs verrines, oscillant dans les courants d’air, mourants de leurs chandelles consumées…

On manque de s’endormir saisi par la langueur du rythme, bercé par une Inde d’outre-mousson. On jubile ailleurs.

Vous pouvez le voir grâce au DVD.

A.H.

Cher prince Charles de Windsor

11 janvier 2011,

J’ai beaucoup apprécié votre entretien avec l’hélicoécologiste Yann Arthus-Bertrand sur FR3 dans l’émission « Vu du ciel »le 5 janvier dernier*. La rapide visite de votre domaine de sept cents hectares de Highgrove est convaincante. Vous êtes un véritable écologiste en profondeur. On souhaiterait entendre dans la bouche de quelques uns de nos responsables politiques, y compris écologistes, vos propos sur la forêt primaire, la biodiversité, l’agriculture biologique, l’extinction des espèces, le changement climatique, la responsabilité de l’humanité ou la récupération des eaux usées des salles de bain pour arroser les platebandes de fleurs au pied du manoir.
Votre position éminente dans la hiérarchie sociale de l’espèce humaine vous offre une tribune exceptionnelle pour faire connaître ce qu’est vraiment l’écologie au grand public.
Elle vous dessert également car on peut critiquer cette situation anachronique, et les revenus colossaux dont vous bénéficiez. Même si l’on sait que vous avez demandé à payer des impôts, ou que vous entretenez des fondations diverses.
Votre déambulation dans le parc de votre propriété nous fait découvrir à la fois vos topiaires tarabiscotées et votre souci d’élever et de soigner votre bétail avec le moins de chimie possible. Bravo, mais pourquoi tous ces mammifères brouteurs dont vous devez connaître le désastreux bilan écologique? Pourquoi ne pas promouvoir auprès des consommateurs humains des diètes davantage végétariennes ?
Vous vous souciez de la disparition des forêts primaires. Bien. Mais vous savez que sur toute la planète on finit de les faire disparaître pour créer de la prairie et élever du bétail pour fabrique du steack.
Nous avons suivi avec intérêt votre critique violente de l’aménagement urbain contemporain et de l’architecture dite moderne. Vous êtes un sympathique provocateur, un réagisseur tonique. Lorsqu’on voit Oscar Niemeyer s’entêter à cent trois ans à continuer de construire ses monstres de béton démodés, on est tenté d’examiner votre position de plus près.
On se souvient que vous avez longuement fréquenté Laurens Van der Post, l’écrivain philosophe sud-africain qui a inspiré votre attitude devant la vie et pour assumer le rôle très difficile que vous devez jouer. Nous ne saurions trop recommander aux lecteurs du Sauvage de faire sa connaissance.
Nous vous assurons de notre sympathie
Alain HERVE

Hockney Du bout des doigts.

18 novembre 2010,

Voilà une exposition rafraîchissante et étonnante: Le David Hockney des piscines, des motels, des portraits ingresques, des paysages-décors californiens, des photomontages panoramiques qui, du bout des doigts, (des pouces, dit-il) dessine, peint, esquisse, grave (le vocabulaire est inusité!) des bouquets de fleurs fraîches, des couchers de soleil, la lumière filtrant des jalousies… mais tous ces dessins sont tracés sur des écrans d’Ipod et d’Ipad et c’est lumineux!
Une vingtaine ou plus de ces ipad-ipod sont alignés. Sur leurs écrans, des bouquets au graphisme totalement libre bien que savant, certains s’animent et rejouent la partie: effacement, recouvrement, superpositions, hachures, zébrures, ça cavale, ça se bouscule tout en étant harmonieux. C’est joyeux, jamais vu et spontané.
Ces images, on les retrouve dans l’autre salle sur grand écran en triptyque et le bonheur continue, c’est Matisse, Picasso, Dufy, Vlaminck, ça éclate, on jubile, oubliant même la maîtrise du trait et la virtuosité, on est à la fête, on se dit que quelque chose s’expérimente et s’invente là… et c’est le fait d’un artiste de 74 ans à la carrière bien remplie qui s’amuse comme un gamin.
Il envoie ses fleurs, ses ciels, ses couchers de soleil à ses amis, de son lit sans se tacher les doigts ni les couvertures, il continue d’en envoyer à l’expo. C’est la même jubilation que Dubuffet ou Picasso découvrant les feutres, ou Henry Miller l’aquarelle…
Allez-y, vous ne regarderez plus ces instruments (si vous en avez) du même oeil…
En prime, dans la brochure (gratuite) un texte bilingue du « maître » qui précise ses intentions, raconte la manière dont il s’approprie ces écrans, s’interroge sur ces images au statut bizarre, sans matière, sans épaisseur, sans format et sa surprise de revoir le dessin se faire. On songe au “Mystère Picasso” le film qu’avait réalisé H.G. Clouzot avec ses artifices et son dispositif compliqué, là, c’est tout simple: on effleure des doigts…
Daniel Maja

Exposition du 20 octobre 2010 au 30 janvier 2011
à la fondation Bergé-Yves Saint-Laurent 5 avenue Marceau Paris16

Jean-Léon Gérôme au musée d’Orsay à Paris

23 octobre 2010,

En ce temps là on s’appelait Léon. On portait de mâles moustaches. On peignait avec science, précision, rêve.

Oui le rêve pour sublimer l’Histoire.

Curieux homme que ce metteur en scène de la Grèce antique et d’un Orient exotique.

Cette exposition est un régal provocateur qui défie le terrorisme de l’histoire de l’art qui prétend imposer une seule vision progressiste de l’expression.

Arrêtez vous devant le tableau intitulé « Phryné devant l’Aéropage »

Phryné est une femme très belle qui vend ses charmes très cher. Mise en accusation par les sages elle va être condamnée lorsque son avocat en dernier recours lui  arrache sa tunique et révèle son admirable nudité. Les sages béent devant le spectacle et l’acquittent.
On remarquera les multiples expressions des hommes vieux dont la libido se réveille soudain devant la perfection d’un corps féminin dépourvu de sexe malgré sa nudité. En effet Gérôme amoureux des femmes a peint et sculpté des tanagras et des esclaves « à poil » mais sans poils, ni fente.

Courbet n’était pas encore passé par là. Ni le « Dialogue du vagin ».

Gérôme eut la maladresse ou la courte vue de dénoncer les impressionnistes: « le déshonneur de l’art français ». Certes on le désignait comme « académique ». Oui il l’était, mais bravo pour son académisme et bravo pour leur impressionnisme. Ils ont les uns et les autres enrichi l’art.

Merci aux organisateurs de cette exposition de réhabiliter un grand peintre français. Les Etats Unis plus clairvoyants que nous l’ont apprécié et acheté en son temps. Nous leur devons de pouvoir aujourd’hui nous régaler des visions orientales et néo-grecques de Gérôme. Voir aussi sa statuaire colorée.

On regrettera que les légendes des tableaux soient presque illisibles. Mais c’est une erreur persistante de la muséographie moderne.

Christophe Chelten

Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

19 octobre 2010,

Mon cher Woody

Nous nous sommes régalés pendant une heure trente huit de ton « Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu »

On se laisse enchanter par ton choix des musiques de Boccherini et de Mozart, par tes décors bourgeois sans complexe, par tes réparties vaudevillesques, par tes acteurs réglés au millimètre pour exprimer tes intentions, par ton désabusement discret, par ta capacité de nous inviter à jouir des instants de la vie, bref par ton savoir-faire, ton savoir-vivre, ton savoir-jouir.(Tu me permettras de te tutoyer depuis quarante quatre ans que je fréquente.)

Les gâte-sauces de la critique font la fine bouche. Ce qui laisse supposer qu’ils ne se sont pas abandonnés à ton ton, à ta désinvolture.

Oui bien sur tu n’évoques pas la faim dans le monde, les mines de charbon en Chine, la corruption à Moscou et la pollution de l’air des appartements par la colle de la moquette.(réf.WA)

Tu n’es pas un grand inquisiteur du politiquement correct. Nous en sommes ravis. On suit ta démarche shakespearienne en mode mineur (rappelée dans le film). Comme l’écrit très justement Laurent Samuel sur son site (voir nos liens) et pour reprendre une subtile locution suisse romande : « tu nous déçois en bien ».

Depuis le temps que nous sommes contemporains on ne se lasse passe de ta compagnie. On suit avec bonheur ta psychanalyse publique. On se félicite que tu aies trouvé avec la mise en scène de cinéma un remède à ta difficulté d’être. Nous en tirons de grands bonheurs chaque année.

Ta mort signifiera la nôtre en tout cas pour ce qui me concerne. Ne te presse pas.

Alain HERVE

Exposition Monet au Grand Palais à Paris

24 septembre 2010,

Le Grand Palais scintille, le Grand Palais jubile : depuis hier sont accrochées à ses cimaises des dizaines de toiles de Claude Monet. Une rétrospective éblouissante.
Faire l’éloge de Monet paraît superflu, tant l’artiste fut reconnu et recherché de son vivant autant que de nos jours.
Cependant l’évidence de son génie ne dispense pas de s’extasier ouvertement devant la splendeur de cette exposition.

A travers un parcours thématique, passant des paysages normands aux vues de Londres ou de Venise, sans oublier les natures mortes et les portraits, pour finir sur une débauche de nymphéas, on emplit ses yeux de couleurs chatoyantes, d’ombres et de lumières, de flous crépuscules et d’aveuglantes matinées. Les blanches ombrelles et les vertes prairies s’entrechoquent, les rouges coquelicots se heurtent aux neiges immaculées, les mers déchaînées répondent aux calmes étangs.

Les toiles proviennent des plus grands musées internationaux. Seul bémol, mais d’importance : l’absence du tableau « Impression soleil levant », qui donna son nom à l’Impressionnisme en 1874. Il appartient au musée Marmottan ( situé à deux kilomètres du Grand Palais), qui désirait le garder pour sa propre exposition Monet début octobre…

Merci à la Réunion des Musées Nationaux pour ce moment de rêve.

Michèle Valmont

“La forêt danse”

3 juin 2010,

Film documentaire de Brice Lainé, sur une Afrique méconnue: celle d’un petit village du Togo qui cherche sa propre voie de développement, dans l’ harmonie entre tradition et modernité. Les femmes sont le fer de lance de ce projet, initié par un groupe de togolais qui y a engagé sa vie. Leur souci: parvenir à un développement raisonné et fidèle à leur culture, affranchi des diktats des pays dits “développés”.

  • Une expérience, riche d’enseignements, sur la nécessaire et urgente préservation des relations entre l’homme et son milieu naturel.
  • Une leçon de courage et d’humilité.
  • Un cri d’espoir pour une Afrique trop souvent condamnée. (Visible sur Internet)