Reprint Le Sauvage, juillet 1976
Jean-Louis Hue a rencontré Henri Laborit
Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l’arrière avec un minimum de toile. La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l’horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime. Vous connaissez sans doute un voilier nommé « Désir ».
Avant-propos de l’Éloge de la fuite (Robert Laffont)
La fuite est le premier réflexe pour s’échapper d’un environnement hostile et conserver son équilibre biologique. Cette notion d’« équilibre biologique » est fondamentale. Appelez-la « constance des conditions de vie dans notre milieu intérieur » comme l’a définie Claude Bernard ; appelez-la « homéostasie » comme l’a ensuite qualifiée Cannon ; appelez-la « principe de plaisir » comme l’a appelée Freud. Tout ça, c’est la même chose. Il n’y a pas de plaisir si l’on est en état de mal-être biologique. Bon. Quand on a compris ça, on se rend compte qu’un système nerveux va rencontrer, dans l’espace où il est situé, des êtres ou des choses favorables au maintien de son équilibre et d’autres qui lui sont défavorables. Dans cette seconde situation, l’individu a une réaction première : il fuit. (suite…)