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Ce que dit la bouche d’ombre

2 mars 2013,

le-sauvage-n-46-l-excrement-humain-revue-872751598_ML Octobre 1977 , c’était la grande époque du Sauvage, nous publions un numéro spécial N° 45 sur “l’Excrément Humain” . Sujet éminemment écologique. Une peinture de Bacon figurait en couverture son amant, qui mourut d’une crise cardiaque sur le siège des cabinets. (Ne jamais pousser!)

Ce numéro du Sauvage fut rapidement épuisé. Et aujourd’hui en ces temps de toilettes sèches, les amateurs éclairés le recherchent encore. Il y a deux jours, nous republions sur le même sujet un texte de Junichiro Tanizaki.

 Noëlle Chatelet venait de publier un livre succulent : Le Corps à corps culinaire[1]. Gourmande et cultivée, elle mettait le stylo dans le plat et c’est un régal. Jean-Paul Gibiat l’avait confessée.

Au cours de son corps à corps, l’auteur n’hésite pas à s’attaquer au « dernier de nos tabous » : elle nous rappelle notamment que “la bouche est à l’anus ce que le palais est au trône »…

JPG— La merde, si j’ose dire, a fait couler beaucoup d’encre…

NC— C’est au point qu’en 1849 et avec l’aide de deux collaborateurs, un certain Pierre Janet a cru bon de réunir dans un ouvrage intitulé Biblioteca scatologica une bibliographie exhaustive de tous les textes parus jusqu’à cette date sur, je le cite, le « caput mortem de la chimie intestinale »… Et la matière, sans jeu de mots, est si abondante qu’il ne lui faut pas moins de trois (suite…)

Le code des corps

30 mars 2011,

reprint Le Sauvage n° 25, janvier 1976


Mon regard et ton regard, mes gestes et tes gestes, la distance qui me sépare de toi obéissent à des règles de savoir-vivre invisibles que les anthropologues nous révèlent.

par Monique Sobieski

Un sourire en coin, une gueule de travers, une voix blanche, un front rouge de colère, des ongles rongés, des mains moites, des cheveux dressés sur la tête et la chair de poule… Non, ce n’est pas un inventaire à la Prévert, seulement quelques signes bien connus grâce auxquels notre corps s’exprime, et parfois nous trahit.

Dans ce langage silencieux, le regard joue l’un des principaux rôles. Le fait de le dérober aux autres est lourdement significatif. Si un conducteur désire passer avant un piéton, il essaiera de ne pas croiser son regard, le maintenant ainsi dans l’hésitation. Lorsque les circonstances — un métro bondé ou un ascenseur par exemple — rapprochent des inconnus, chacun fuit le regard de l’autre, ce qui permet en quelque sorte de l’éloigner. Et de rompre toute possibilité de communication. Le sociologue Erving Goffman décrit dans son livre la Mise en scène de la vie quotidienne une situation analogue. « Dans les urinoirs publics, les hommes se trouvent très près les uns des autres dans des cas où il leur faut s’exhiber pendant un certain temps, écrit-il. Mais les regards y sont d’une prudence extrême afin de ne pas violer l’intimité d’autrui plus qu’il n’est nécessaire. » En fait, le regard est détourné chaque fois qu’il pourrait être interprété comme une manifestation d’intérêt illégitime : « Lorsqu’un homme croise dans la campagne une ou plusieurs inconnues non accompagnées, il doit les saluer mais sans fixer les yeux sur elles », affirmait la baronne Staff en 1927 dans ses Règles du savoir-vivre dans la société moderne. Et elle ajoutait : « Une personne qui quête ne doit jamais regarder dans la bourse qu’elle tend au moment où les gens y déposent leur offrande. Ses yeux se porteront un peu plus haut. Agir différemment serait tout à fait contraire à la politesse. On aurait l’air de contrôler le don, et cela pourrait gêner les gens. »

(suite…)