Archives d’un auteur

15 députés de gauche, 562 députés de droite

2 février 2011,

Premièrement.

Miracle, le parti socialiste possède un pôle écologique.

Deuzio

Il nous invite à assister à une réunion sur le thème du pic pétrolier dans une salle au second sous-sol de l’Assemblée Nationale, rue de l’Université à Paris, le 25 janvier  dernier. Nous siégeons sous des effigies de Jaurès, Mendes-France, Mitterrand.

Il y a sept députés dans ce pôle, qui sont présents, dont Philippe Tourtelier député d’Ile-et-Vilaine et des invités dont Yves Cochet, Jean-Marc Jancovici, un ingénieur du pétrole Benoît Thévard et un géologue Bernard Durand.

Nous n’apprenons rien de nouveau sur l’imminence probable du désastre. C’est-à-dire un renchérissement et une pénurie de pétrole qui va entraîner des ruptures radicales dans le fonctionnement de notre société hyper-technologiquement dépendante.

Ce qu’il est intéressant de noter, c’est l’incrédulité des socialistes en général. Non pas des deux cent trente militants environ qui sont là, mais du plus grand nombre.

Les socialistes éminents : Royal, Aubry, Fabius, Valls, Strauss-Kahn, Hollande… n’ont aucune idée de ce qu’est l’écologie. Montebourg et Moscovici une vague teinture.

(Pas plus que leurs ancêtres : Rocard, Mitterrand, Jospin…).

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Another Year

24 janvier 2011,

Au rythme des quatre saisons, au jardin, le nez dans le compost. Au fil des visages de jeunes, de vieux, de l’humanité. De l’humanité heureuse, béate, obèse, hypocrite, exaltée, désespérée, larguée, incinérée…

C’est un joli effort, réussi, pour surprendre les humeurs et les sentiments d’hommes et de femmes d’un suburb britannique. Mais qui révèle en même temps les limites de l’investigation.

On boit beaucoup de la bière et du vin sauf un couple Tom et Gerri équilibrés, altruistes, dévoués, roulant en Volvo, presque insupportables dans leur écologiquement correct. Mais il faut bien supporter même les gens bien.

Le cinéaste est sensible, habile, élégant. C’est un très bon film malgré tout.

A.H.

Un seul candidat: le meilleur

22 janvier 2011,

(C’était il y a trente ans)

(reprint le Sauvage n°71, spécial Jardin, été 1980)

Les écologistes présenteront un candidat aux élections présidentielles du printemps 1981. Il peut réunir sur son nom de 5% à 15% des voix et même davantage, si les écologistes se mettent d’accord, si le candidat est le meilleur, si l’absence d’une soi-disant union de la gauche permet d’exprimer de vrais choix de société. Alors les écologistes pourront enfin peser sur la vie politique institutionnelle, ce qui ne les dispensera pas de continuer de mener sur le terrain leurs actions locales.

Les écologistes représentent la seule force de novation en politique mais ce sont les électeurs écologistes qui l’expriment, tandis que les militants restent souvent paralysés par de vieilles pratiques gauchistes : sectarisme, conflits de personnes, fatras idéologique, pratiques minoritaires.

Or ce mouvement a une vocation majoritaire et doit exercer sa part de pouvoir démocratique. C’est le seul moyen d’arrêter le programme nucléaire, de changer de priorités économiques pour réduire le chômage et arrêter le pillage de la biosphère et du tiers monde en particulier.

L’écologie doit se présenter cette fois pour prendre un morceau du pouvoir, le plus important possible. Seule position réaliste, si l’on ne se résigne pas à attendre le premier accident nucléaire pour changer la politique. L’écologie aux prochaines présidentielles doit dépasser une des quatre grandes formations, devenir un élément indispensable des négociations de gouvernement ou d’opposition. Elle doit oublier les fantasmes d’alliances électorales. Elle doit oublier l’espoir de voir le Parti socialiste dans l’une de ses variantes reprendre une partie des revendications écologiques autrement que sous la contrainte et dans un rapport de force. Elle doit présenter le meilleur candidat.

L’écologie doit désormais être adulte, indépendante de tout autre parti, efficace et elle doit gagner.

Alain Hervé (1980)

Instantanés

17 janvier 2011,

C’est de la poésie. Et en 2010 ! Nous voilà inquiets. C’est un agréable volume à saisir, à parcourir.
Bien, c’est de la poésie. Ca ne fait pas de mal. Ca se lit. Ca se repose comme un vin débouché. C’est écrit par un ami Gabriel.
On y reviendra.
On y revient, c’est illustré de photos de Jean-Michel Fauquet. Des riens, des tout. Des fonds de songes éveillés. Non ce n’est pas illustré : d’un côté les poèmes, de l’autre les photos.
Ca se répond. Ca communique une fois le livre refermé. Ca devient une musique unique.
Ce bouquin prend du poids avec le temps.
On le rouvre lorsqu’on s’en sent capable.
C’est du nanan de vision trouble, extra-lucide.
Voilà une poésie intitulée Chemin .
Par hasard c’est la première.

Entre la mer et les clôtures
Il sépare le temps des villas
De celui des naufrages

Ce n’est rien, c’est beaucoup. Il faut dire que la poésie, ça mérite qu’on s’y arrête.
Qu’on y revienne. Ca fabrique du silence tout autour. Beaucoup de silence. Du silence de première nécessité.
Instantanés de Gabriel Peynichou et Jean-Michel Fauquet. 20€
Editions : pourquoi viens-tu si tard ? œuvre de Frank Berthoux. De la belle ouvrage.
Domenico Cioffarelli l’a rigoureusement traduit en Italien.
On pourra l’emporter outre-mont.

A.H.

“Indignez vous!” dit-il

15 janvier 2011,

Nous n’avons pas attendu ce charmant et très estimable monsieur pour nous indigner. Mais nous espérons n’en être pas restés là. Oui nous sommes encore indignés par l’état dans lequel notre espèce a mis la planète et ceux qui l’habitent. Nous sommes indignés par ce qui arrive aux Palestiniens, mais aussi au Nord Coréens, à la main d’oeuvre chinoise et à toutes les espèces vivantes qui disparaissent.

Mais nous nous souvenons d’une autre formule que nous avions promue dans le Sauvage (1er avril 1991): ” Memento audere semper” penser à toujours oser. Certes son auteur Gabriele d’ Annunzio est loin d’être irréprochable. Ce fut même un bel imbécile parfois mais on ne peut que sentir le vent de son exhortation. Oser, c’est à dire entreprendre, ne pas en rester à l’indignation.

On craint à lire Stephane Hessel qu’il ne donne qu’ un crouton à ronger aux désespérés, aux exploités. C’est mieux certes que de céder au découragement mais ce n’est pas assez.

Entreprenons un potager, ou de changer la vie, ou d’aimer, ou de déménager, ou de formuler un programme politique écologique qui parle de vie. Entreprenons, osons.

La brièveté de cette critique correspond à la brièveté de l’ouvrage qui en est l’objet.
Et nous saluons l’éditrice Sylvie Crossman qui écrivit jadis dans le Sauvage et peut y revenir.

A.H.

Françoise Biro

15 janvier 2011,

Elle a écrit dans le Sauvage dès les débuts. Nous nous sommes connus à Rome en 1968,  lorsqu’elle vivait avec Andras Biro. Puis elle a travaillé à Paris à Jeune Afrique. Mais pourquoi parler se sa carrière?

Françoise était une héroïne, une Jeanne d’Arc laïque. La vie l’avait accablée de tous les maux physiques. Elle avait un corps en ruine qu’elle menait comme un étalon à la bataille. Elle piaffait en trainant la jambe. Elle écrivait avec ses larmes et son sang pour produire une prose heureuse, joyeuse. Vous lirez ci dessous un de ses articles. Elle était généreuse sans un sou. Elle était heureuse de vivre, elle est morte lorsqu’on ne s’y attendait plus. Discrètement.

C’est un des êtres humains que l’on a eu la chance de rencontrer au cours de sa vie.

Monsieur Georges

par Françoise Biro

Les « Parisiens » l’appellent Monsieur Georges. Pour les gens du pays, c’est Georges tout court.

Le pays, à une douzaine de kilomètres de Barcelonnette, c’est un massif de montagnes de Haute-Provence. L’une d’elles s’appelle les Maures ; et sur son flanc s’étagent quelques fermes éparses. Une fois franchie l’Ubaye, on contourne le village de Méolans, puis on arrive au lieu-dit Gaudessart et, par une route en lacets, puis par de simples chemins de plus en plus étroits, on parvient au sommet, fait de pâturages. 1 600 m d’altitude.

Le clos de l’Aigle marque la dernière halte avant le sommet. Stupeur : un canal sur ce versant aride ! De l’eau potable même qui coule dans un canal bien tracé. Ensuite, elle va se perdre dans les sous-bois, le long d’un joli chemin.

Le clos a été entièrement débroussaillé. On y cueille des fleurs. On ramasse le genêt. Les grandes prairies ont été fauchées et un potager a même été aménagé en contrebas, asperges, persil, salade.

Qui est le paysagiste ? Qui a amené l’eau ?

Monsieur Georges, bénévolement, et pour le plaisir de tous. Cette montagne, il l’aime farouchement et comme il ne recule devant rien…

Monsieur Georges est un homme tout petit, sec et vif, comme savent l’être les montagnards. Enfant trouvé, il a suivi l’itinéraire habituel de l’Assistance Publique : placé dans une famille, il est allé à l’école jusqu’au Certificat, puis a fait de menus travaux. Il est ensuite devenu ouvrier agricole dans le Vercors.

Attiré par les Maures, il y est devenu facteur. C’est de cette époque et de ce métier qu’il a gardé pour habitude de dévaler la montagne à la verticale, écartant branches et taillis et aboutissant là où il le souhaitait. Ignorant les chemins en lacets, il la remonte pareillement. Sinon, qui d’autre que lui aurait pu, hiver comme été, par la neige, pluie et grand soleil, aller porter des lettres sur le versant d’en face ?

Peu bavard, il pose un regard clair sur les choses et les gens. On est surpris de le voir soudain surgir d’un fourré. Il pend sa veste à une branche de pommier, accepte un verre d’eau, aime rire et écouter, se fait prier pour rester manger la soupe, et puis se met au travail. On fait appel  lui pour couper le bois, tailler les arbres, faucher, faire du jardinage.

Je l’ai observé un jour qu’il avait à arracher un cytise qui s’était mis en travers d’un sapin et d’un mélèze. Avec quel soin il a commencé à coups rapides d’émondoir à couper les branches du haut, puis celles du bas, les rangeant à part avant de s’attaquer au tronc avec une tronçonneuse.

De haut en bas, c’est ainsi qu’il raisonne quand il réfléchit à un travail qu’il n’a jamais fait. Le démonter mentalement, et la solution est là.

Monsieur Georges est un sacré bonhomme.

L’été, il habite le Clos de l’Aigle (il dit de l’Aigre, comme les habitants de la montagne, allez donc savoir pourquoi ?). Une cabane au toit pentu en tôle ondulée, on y accède par une échelle. Première pièce servant d’atelier, avec une paroi entièrement réservée à ses outils et tous ses clous, astucieusement disposés de façon à voir vite et à prendre vite. Ensuite la chambre, un poële, un lit surmonté de quelques vêtements pendus à des clous, un buffet, une belle table et, accrochée, une branche de tilleul qu’il renouvelle chaque année.

Des photos au mur et, je le sais, rangés quelque part, des poèmes que Monsieur Georges écrit lorsqu’il ressent quelque vague à l’âme. Sous le plancher de la pièce se trouve la réserve de bois. Le tout très propre, soigné, aimé.

La première fois que je me suis trouvée à mi-flanc du versant — c’était en plein été vers onze heures du matin —, on m’a dit « Regarde ! ». J’ai eu le souffle coupé. Scintillant au soleil, j’ai vu ces montagnes qui forment comme un cirque autour de la vallée : le grand et le petit Sénar, Séolane, l’Ailette, l’Aupillon. Je ne trouvais pas mes mots.

Monsieur Georges fait corps. Il veille sur chaque brin d’herbe. Il est attentif.

Françoise Biro

(Le Sauvage — De la simplicité —n° 9-10, août-septembre 1991)

vérification

15 janvier 2011,

Je me suis réveillé à cinq heures ce matin et me suis levé pour griffonner dans le noir ma stupéfaction : « nous sommes détenteurs de la prodigieuse qualité d’être vivants… » Oui c’est bien ça : « nous sommes vivants » Et j’ai replongé dans le sommeil, écoutant ce flux qui m’emportait. AH.

Conversation avec un botaniste

14 janvier 2011,

Sans les plantes, il n’y aurait ni hommes, ni animaux, mais par sa force et son immensité, le règne végétal nous fait peur.

Un entretien avec Pierre Lieutaghi (Le Sauvage, avril 1975)

Pierre Lieutaghi, faisons connaissance, qui êtes-vous ?

J’ai trente-cinq ans, je vis ici en haute Provence depuis neuf ans. A Paris, où j’habitais auparavant, j’avais fait des ateliers d’art. J’étais peintre. Je suis né en Bretagne, j’y ai vécu quinze ans. Je suis breton par ma mère, chinois par mon père. J’ai pris goût à la nature là-bas, grâce sans doute à une tendance native et à des rencontres, des instituteurs qui mettaient déjà l’accent sur les problèmes de la protection-pollution de la nature. J’ai eu un prof à Quimper qui s’appelait Michel-Hervé Julien. Il a lancé l’idée des parcs nationaux en France. Il était à l’époque professeur de musique et se passionnait pour la protection de la nature. Alors que le professeur de sciences naturelles ne s’intéressait pas tellement à la ces questions, lui, le prof de musique, nous emmenait faire des promenades au bord de la mer, le dimanche, et nous apprenait à baguer les oiseaux. Il était ornithologue amateur. Plus tard, il est entré au Muséum de Paris. Il est mort beaucoup trop tôt, malheureusement.

Comment naît votre intérêt pour les plantes ?

Je m’y suis intéressé après les oiseaux. Vers 1960, j’ai eu un coup de foudre, sans doute à cause d’un problème de santé. Je croyais que je ne pourrais plus courir la campagne et j’ai pensé que les plantes seraient plus accessibles. C’est venu assez brutalement. J’ai acheté une flore de Bonnier, j’avais vingt et un ans. J’ai passé tout mon été en Bretagne à étudier les plantes, puis j’ai monté un petit herbier. Ça a commencé comme ça. Je me suis mis à faire de la botanique en amateur et, à côté de cela, je faisais de la peinture. A l’époque, je faisais autant de botanique que de peinture. Dès que j’étais à la campagne, je ramassais des plantes. En même temps, je lisais des bouquins sur l’écologie. En fait, l’écologie a récupéré tous ceux qui s’occupaient de sciences naturelles. Les gens qui étaient botanistes ont fait de l’écologie végétale, les zoologistes se sont mis à faire de l’écologie animale. Ils s’appelaient naturalistes, maintenant ils se donnent le nom d’écologistes ; c’est un terme plus vaste qui englobe davantage d’éléments et qui pose mieux son spécialiste. Et puis je me suis intéressé aussi aux plantes médicinales.

(suite…)

Le Salon de musique

11 janvier 2011,

Nous avons revu « le Salon de musique », le film noir et blanc de Satyajit Ray datant de 1958, au cinéclub Claude-Jean Philippe le dimanche matin 9 janvier 2011, au cinéma l’Arlequin rue de Rennes à Paris. (On fêtait le vingtième anniversaire de cette très noble institution)

Un chef d’œuvre qui nous transporte en onirie pure avec l’aide de l’hypnotique musique indienne. Merci au réalisateur, aux acteurs, aux musiciens, à la danseuse…

Merci à la poussière, à l’éléphant, au bruit du lointain générateur électrique, aux miroirs, aux coffres forts, aux colonnes rongées et aux lustres…

Les lustres sont les vedettes de ce film. Ils sont là dès le générique, répandant une faible lumière à travers leurs pampilles et leurs verrines, oscillant dans les courants d’air, mourants de leurs chandelles consumées…

On manque de s’endormir saisi par la langueur du rythme, bercé par une Inde d’outre-mousson. On jubile ailleurs.

Vous pouvez le voir grâce au DVD.

A.H.