Archive pour avril 2010

L’histoire du Sauvage

25 avril 2010,

Le Sauvage magazine écologique mensuel a été publié par le Nouvel Observateur de 1973 à 1981. Le premier numéro paraît le 1er avril 1973 sous le titre : 1973 L’Utopie ou la mort . Il fait suite à un numéro spécial du Nouvel Obs. en 1972 : La dernière chance de la Terre. C’est un grand succès, 200.000 exemplaires vendus, qui décide Claude Perdriel, directeur du Nouvel Obs, à entreprendre le Sauvage. Alain Hervé créateur des Amis de Terre en 1970, qu’il vient de laisser entre les mains de Brice Lalonde, en est l’artisan. Il est appuyé par Philippe Viannay le créateur des Glénans, du CFJ, et pour partie du Nouvel Observateur, l’ethnologue Philippe Arreteau et Edouard Golsmith le créateur en Angleterre du premier magazine écologique au monde, The Ecologist .

Le Sauvage associe la culture à l’écologie et vise un large public au delà du militantisme et de la mouvance 1968. Le numéro 2 titre :La grande crise de l’énergie, le numéro 3 :Travailleurs de tous les pays reposez vous, le numéro 5 : Faut il fermer Renault . Les grands thèmes des écologistes des années 2000 – 2010 sont déjà tous présents. En 1974 Le Sauvage soutient la candidature de René Dumont à la Présidence de la République. Brice Lalonde qui est membre de la rédaction est le chef de campagne et Alain Hervé responsable du bureau de presse. (suite…)

Elizabeth Badinter et la maternité

25 avril 2010,

La sortie en février 2010 du livre d’Elisabeth Badinter “Le conflit, la femme et la mère” a suscité de nombreuses réactions, en particulier de femmes de la mouvance écologiste, hostiles à la vision de l’auteure.
Cet essai suggère que le modèle actuel de la maternité, influencé en particulier par une “offensive du naturalisme” serait un obstacle à l’égalité homme-femme. La réaction des “naturalistes” a été rapide et à mon avis très pertinente, une recherche rapide sur internet avec les mots clefs “vertes de rage” permet d’en juger.
Il apparait qu’E. Badinter ne s’est pas posé la question de savoir pourquoi les mouvements écologistes semblaient permettre une meilleure émergence de cadres femmes et elle dénonce sans plus d’hésitation ces femmes comme des obstacles à la cause du féminisme.
Qu’il soit permis à un homme, féministe par son éducation et par choix assumé, d’apporter son grain de sel dans cette controverse. (suite…)

Réveillez vous, le varan saute

17 avril 2010,

En 2000, vous avez lu « le Portail » de François Bizot, dans lequel il raconte sa captivité chez les Khmers rouges et comment il échappe à la mort. Et comment nos lâches intellectuels français ont soutenu le génocide. En juin 2006, il publie « Le saut du varan » qui suscite moins de commentaires mais qui est en quelque sorte la conclusion du « Portail » avec au bout d’une intrigue policière, qui n’est que prétexte, cette constatation : « … l’humanité c’est une erreur ».

Mais d’abord une longue marche à travers la forêt tropicale au nord d’Angkor, à la recherche d’une femme éventrée et d’un fœtus disparu. A travers une botanique utérine où la sève domine le sang. (merci pour la connaissance exacte des plantes), deux hommes remontent les pieds dans la boue, la tête dans les rêves, jusqu’à leur enfance et admettent que « l’on ne sait rien ».

Bizot est ethnologue, membre de l’Ecole française d’Extrême Orient. Il connaît la terre asiatique, les hommes qui l’habitent et les mythes qu’ils respirent. Il nous entraîne dans une plongée en apnée dans la matière des choses et les illusions que nous entretenons à son sujet.

Il nous fait participer à la « mangeaison » d’un durian (Durio zibethinus). Il nous apprend comment chier et se torcher en forêt, dans les feuillées comme on le disait autrefois, comment ne pas se moucher, comment tomber en religion devant le sexe de la femme, comment décomprendre le monde, comment se méfier de la raison, comment réviser dramatiquement nos rapports avec les mots, avec le langage humain. Il nous explique la disparition de l’homme de Néanderthal par une hypothèse étonnante : il ne parlait pas. Sapiens, avec son trop gros cerveau, et son bavardage belliqueux l’a tué.

Bizot décoiffe nos vieilles incertitudes. Sous couvert d’un roman d’aventure, il secoue la litière inconfortable dans laquelle nous prétendons continuer de dormir. Oui Bizot est un éveilleur. C’est pour cette raison que nous revenons sur un livre publié il y a quatre ans. Et que nous venons de relire. Lisez le. On en trouve d’occasion à partir de moins de cinq euros, chez qui vous savez. Je vous laisse découvrir comment saute le varan.

Teddy Goldsmith

16 avril 2010,

C’était un féroce amoureux de la vie. C’était un grand croyant. En la vie. Il s’appelait Edward Goldsmith. On ne l’appelait que Teddy. Il n’aurait pas pu s’appeler autrement.

Il se saisissait la barbe à pleine main pour raconter des épisodes de sa vie d’enfant gâté, qu’il tournait en dérision.
Une campagne électorale dans le Suffolk, en 1969, avec des chameaux, ou bien pour annoncer le réchauffement climatique. Au cours d’une réunion d’Ecoropa, j’ai vu Denis de Rougemont tomber de rire de sa chaise en l’écoutant. Denis était un sérieux à cœur.

Teddy, selon l’humeur, était franco-anglais, franco par sa mère originaire du Bourbonnais ou anglo par son père, membre du parlement anglais. Il a d’abord publié en anglais, puis, avec l’aide de Jean-Marie Chevalier, en français chez Fayard. Un seul de ses titres résume tous les autres : « Changer ou disparaître » Il a lancé en 1969 le premier magazine écologique au monde : The Ecologist. Il a participé au numéro exceptionnel du Nouvel Observateur « La Dernière chance de la Terre » en 1972. Il m’a aidé à lancer le Sauvage un an plus tard. Il y a régulièrement collaboré. En 2000, il a lancé, avec Thierry Jaccaud, l’Ecologiste en français. (suite…)

Pierre Samuel

16 avril 2010,

Tout nous séparait.
Il était mathématicien et je conserve encore un souvenir épouvanté de mes relations avec les profs de math.
J’étais journaliste, navigateur et pas du tout scientifique.
Il fumait et ça m’agaçait car je venais de réussir à m’arrêter.
Il prenait des notes sur ses vieux paquets de gitanes et je considérais qu’il s’agissait d’une démonstration de recyclage un peu puérile.

A part ça nous nous complétions sans doute parfaitement. A ma fantaisie désordonnée, à mes improvisations brutales, il opposait le calme, l’organisation, la continuité. A vrai dire nous avons cohabité peu de temps. J’avais quitté la direction des Amis en 1972, lorsque j’avais passé la main à Brice Lalonde. Je m’occupais surtout alors du Sauvage qui en était à ses premiers numéros. Mais à partir de 1973, nous nous rencontrions fréquemment à l’occasion des réunions des Amis quai Voltaire.

Tout nous rapprochait.

Nous étions tous les deux féministes. Je me souviens de fameux délires avec Christiane Rochefort. Je l’appréciais pour être l’auteur d’Amazones guerrières et gaillardes, une recherche suprêmement originale et documentée, qui déniaisait le simplisme bien pensant et sectaire de certaines féministes de salon. Pierre était un gaillard discret mais informé.

Je l’appréciais pour assurer avec discrétion et fermeté le pilotage des Amis au jour le jour : surveiller les comptes, désamorcer les dérapages gauchistes, développer le réseau national, assurer le lien avec ses amis scientifiques de Survivre et vivre ; soutenir Brice tout en tenant les Amis en dehors d’un engagement politique trop politicien.

Complémentarité au fil des années, qui nous valut d’être promus ensemble au titre de Présidents d’honneur des Amis de la Terre, avec une Légion d’Honneur en prime. Grâce auxquelles Brice, devenu ministre, voulait à travers nous promouvoir l’écologie en général au rang de grande préoccupation nationale.

Nous n’étions pas d’accord à propos du titre du Courrier de la Baleine, que m’avait soufflé une géniale américaine, Joan Mac Intyre ( son Mind in the waters est un des meilleurs livres écrits sur les cétacés). Il préférait par souci de concision La Baleine tout court. Qu’importe.

Pierre avait une force d’être exceptionnelle. Je me souviens qu’en 1973 au cours de la première crise de l’énergie, à l’invitation de Teddy Goldsmith, de l’Ecologist, nous participions à un congrès à Bournemouth en Angleterre. Les Anglais, se croyant revenus au temps du blitz, avaient décidé d’éclairer l’hôtel aux bougies et de supprimer le breakfast. Pierre descendit dans le lobby et se coucha par terre sur la moquette au milieu du passage et refusa de se relever tant qu’on ne lui aurait pas servi son petit déjeuner. Il l’eut.

Cet été 2009, Pierre et Teddy se sont donné le mot pour nous quitter presque le même jour. Mais ils restent avec nous parce que nous les admirons et les aimons. Ils nous ont ouvert la route.

Michel Bosquet/ André Gorz

16 avril 2010,

Comme nous tous Gérard, Michel Bosquet, (un pseudo prémonitoire ?) André Gorz, arrivait du Rift africain via Lucie. Mais, malgré un détour par les Balkans, lui se souvenait du long voyage de l’Espèce humaine et des souffrances endurées.

Gérard était un petit corps, une grosse tête et un gros cœur.

Je me souviens d’un repas organisé par Claude Perdriel, avec des Polytechniciens de la direction d’EDF, boulevard Saint-Germain dans un restaurant aujourd’hui disparu, au coin de la rue du Dragon,. Gérard écoutait le chœur des anges technocrates nous prêcher l’innocuité du Nucléaire. Il écoutait modestement, puis on entendait sa voix basse qui claquait comme une serrure bien huilée : il ne les croyait pas.

Lui-même avait été ingénieur.

Gérard n’était pas un intellectuel arrêté. Il avançait en silence.Je me souviens d’une conférence de presse dans une chambre de l’hôtel Bersolys rue de Lille, en 1970. Gérard était assis par terre et écoutait un des prophètes de l’écologie américaine David Brower, qui venait de quitter la direction du Sierra Club et de fonder Friends of the Earth à San Francisco. Il débarquait à Paris pour saluer la création des Amis de la Terre. Il égrainait ces constats qui sont devenus des banalités et que Paul et Anne Erhlich venaient d’énoncer : l’épuisement des ressources, la prolifération humaine, l’empoisonnement des milieux de vie, l’emballement des technologies. Il reprenait la formule de Buckminster Fuller du Vaisseau Spatial Terre…

Gérard se taisait. Il appartenait à un cercle de pensée marxiste, parisien où aucun de ces concepts n’était considéré, ni même soupçonné. Mai 68 avait laissé d’autres échos.

Lui il réfléchissait.

Dans les années qui suivirent, dans le Nouvel Observateur et dans le Sauvage, il développa des idées scandaleuses, extrémistes, « écologiques »pour les tenants de l’orthodoxie de la croissance, qu’ils soient de gauche ou de droite.
Il les théorisa ensuite dans des livres fondateurs dont « Ecologie et politique ».

Jamais il ne se laissa intimider par les aparatchiks de l’extrême gauche qui considéraient l’écologie comme réactionnaire, avant de se peindre à leur tour en vert pour entreprendre la reconquête d’un électorat qui leur échappait.

Pas plus qu’il ne se soucia des accusations d’être un ennemi du progrès par les tenants de l’establishment économique et financier.

Je me souviens de Gérard et de sa femme Dorine dans le bureau des éditions Galilée rue Linné, où elle travaillait, me lisant les dernières et ébouriffantes envolées d’Illich sur l’école, la santé, l’urbanisme…

La dernière injure faite à Gérard fut la construction d’une centrale nucléaire dans la région de Vosnon, où il avait décidé de se retirer avec Dorine.

Là s’est terminée avec grandeur, leur migration depuis le Rift.

Alain HERVE

Complément communiqué par Daniel PAUL :

L’ «  errance identitaire » de Gorz est vraiment étonnante. Il en a été « victime » dès son enfance : né Gerhard Hirsch, il devient Gérard Horst en 1930 quand son père  se convertit au catholicisme. Au Nouvel Obs, on lui conseille de changer ce nom à consonance germanique et il prend le nom de Michel Bosquet. C’est je crois à la publication d’Ecologie et politique qu’il bascule volontairement sur le pseudonyme d’André Gorz en posant son regard sur les jumelles de son père…qui portaient ce nom de fabrique. Notons en passant qu’il avait « quitté » sa langue maternelle pour le français, une façon, disait-il de « divorcer » d’avec cette mère dominatrice et antisémite. (voir l’interview de Noudelmann sur France-Culture). Daniel PAUL

Cohn-Bendit : mais pourquoi tant de haine ?

15 avril 2010,

Mais pourquoi tant de haine ? C’est la question que l’on pose en lisant Cohn-Bendit, l’Imposture (éditions Max Milo). Ce pamphlet enlevé est l’oeuvre de Paul Ariès, théoricien reconnu de la décroissance et directeur du journal Le Sarkophage, et Florence Leray, philosophe et journaliste spécialisée en environnement. Les auteurs partent en guerre contre Daniel Cohn-Bendit, coupable à leurs yeux de complaisance envers le capitalisme, l’Europe (dans sa conception habituelle) et le « développement durable ». Et, pire sans doute encore, de fréquenter la Coupole, que nos deux pamphlétaires prennent à tort pour un établissement de luxe. !

Par ailleurs, ce livre passe sous silence l’ancienneté de l’engagement écologiste de Daniel Cohn-Bendit, qui avait été interviewé par Charlotte Vinsonneau dans le Sauvage en 1978 (si ma mémoire est bonne), sous le titre (souvent repris par la suite) Dany le Vert. Mais l’erreur des auteurs est surtout de considérer « DCB » comme un penseur, alors qu’il est avant tout un empêcheur de tourner (et de penser) en rond, et un passeur d’idées. D’où ses contradictions et ses vérités successives, que Paul Ariès et Florence Leray, persuadés d’incarner la « ligne juste », prennent un malin plaisir à décortiquer. Au-delà du « cas » Cohn-Bendit, ce livre est symptomatique d’une certaine dérive de la pensée écologiste qui dénonce tout écart par rapport à la doctrine comme une trahison et un ralliement à l’« ennemi ». Bref, une conception intolérante de l’écologie, dont je me sens personnellement très éloigné.

Suppression de la taxe carbone

12 avril 2010,

Jean-Marc Jancovici a publié sur le site du journal Les Echos un article à ne pas manquer

L’article est concis, clair, pédagogique comme pratiquement tout ce que publie l’auteur. Inutile de le résumer, il faut tout lire, c’est vite lu, ça frappe. Comme souvent lorsque je lis un article de ce consultant froid et brillant, je voudrais l’avoir écrit. Vous ne perdrez jamais votre temps en consultant son site.

JMJ n’a qu’un défaut il est pro-nucléaire. Ce peut être aussi un avantage car cela lui donne une audience auprès d’élites techniciennes qui ne voient les écologistes que comme des doux rêveurs ou des rouges à peine camouflés sous leur écorce verte. Il suffit de voir à ce sujet les commentaires de l’article cité ci-dessus.

Ghislain Nicaise

Cine-club Claude-Jean Philippe

11 avril 2010,

Si vous êtes Parisien ou passez par Paris ne manquez pas le dimanche matin au cinéma l’Arlequin à 11h les séances du ciné-club de Claude-Jean Philippe. Vous y verrez des merveilles du cinéma récent ou ancien des Marx à Resnais, suivis d’un débat en général passionnant. Justement on vient de revoir un chef d’oeuvre de Resnais : “On connaît la chanson” avec Azema, Arditi, Dussolier, Lambert Wilson, Jaoui et Bacri qui sont aussi les auteurs du scénario et des dialogues. Un régal pour les yeux et les oreilles. La meilleure des chansons étant comme d’habitude celle de Dutronc: “J’aime les filles”. Longtemps après avoir vu le film on se souviendra qu’Agnès Jaoui travaille sur une thèse intitulée: “Les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru”.

A bientôt au ciné-club du dimanche matin à 11h.