Archive pour la catégorie ‘Nous avons vu’

Amour et chapatis : The Lunchbox

28 février 2014,

Film indien de Ritesh Batra21054428_20131031170113166.jpg-r_160_240-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

Par Saura Loir

Bombay, la mégapole. Ses foules affairées, ses trains bondés, ses dabbawallah, les distributeurs de repas. Dans cette société en pleine mutation mais en grande partie encore patriarcale, beaucoup de femmes  cuisinent quotidiennement pour leur mari et confient leur « boîte à déjeuner » à l’une des centaines de fourmis humaines à vélo chargées de les faire parvenir à destination. Ce système réputé sans failles est une véritable institution que l’on vient étudier de partout – « même de Harvard ! » proclame l’un d’eux avec fierté. Mais qu’une erreur imprévue fasse atterrir l’une de ces boîtes sur le mauvais bureau et deux vies se rencontrent – et basculent.

Petit-mot après petit-mot glissé sous les chapatis et deux êtres que rien ne rapproche partent en aveugle à (suite…)

Deshabillez mots N°2

24 février 2014,

par Michèle Valmont

vz-68CC2BEB-44B9-4428-8C76-D274BCBFF533Il y a deux ans nous vous avions fait rencontrer Léonore Chaix et Flor Lurienne sur la scène du théâtre des Champs Elysées. Ces deux agitées de la langue ont découvert une mine d’mots. Elles exploitent un nouveau filon, avec bonheur, à l’Européen place Clichy.

Elles déshabillent  « sympathique, sérendipité, oxymore, blonde, point virgule, tréma, slash… » et quelques autres pour en finir avec « rien ». Un bonheur d’érudition, d’humour et de virtuosité. L’une interprète le mot, l’autre l’interpelle, le décortique. Vous serez ainsi témoin des affres du tréma, le mal-aimé du clavier, des savoureuses hésitations de l’inconstance, ou encore de l’ego délirant de la majuscule, sans oublier l’hilarante douleur (tiens, un oxymore) du bâtard point-virgule.

On voudrait leur proposer nos propres mots, qui nous horripilent, nous tracassent, nous narguent, nous enchantent. Mais c’est à chacun de nous d’utiliser leur méthode de « strip mots ». Le rythme du spectacle est rapide, brillant, parfois coquin, jamais vulgaire. Courez vous divertir à mots déployés.

Michèle Valmont

L’Européen : 01 43 87 97 13

Fusillés pour l’exemple

19 février 2014,

104743-exposition-fusille-pour-l-exemple-a-l-hotel-de-villepar Alain Hervé

Cette exposition à l’Hôtel de ville de Paris illustre la fameuse phrase de Valery : “Les guerres, ce sont des hommes qui  s’entre-tuent sans se connaître parce que d’autres gens qui se connaissent très bien ne parviennent pas à se mettre d’accord “.

Entre six cents et mille hommes ont été fusillés entre 1914 et 1918 pour avoir de manière diverse refusé de participer à la boucherie organisée par les Etats. Il leur est rendu un hommage tardif dans cette exposition dont chaque photo, chaque témoignage est un sanglot.

La folie d’un certain nombre d’hommes inventait et légitimait le massacre avec une littérature débile de revanche et de haine. On inaugurait alors la mort en nombre dans la nouvelle ère du nombre. Napoléon n’avait été qu’un bricoleur. La Shoah et Hiroshima prenaient forme (suite…)

Jeanne et Marguerite

17 février 2014,

affichePar Michèle Valmont

Seule en scène, Jeanne raconte. Sa vie d’abord, la vie d’une femme du XXIème siècle, éprise d’un homme rencontré sur internet, et parallèlement celle de Marguerite, son arrière grand mère, qui ressentit ses premiers émois amoureux au début du XXème siècle sur une plage de Nice.

L’innocente romance de Marguerite et de son bel Eugène s’est tissée au fil d’une correspondance intense, de la rencontre aux longues fiançailles, du mariage à la guerre et à la mort. L’histoire de Jeanne, incomplète, rythmée par les mails et les coups de téléphone, connaît des soubresauts plus rapides mais tout aussi traumatisants.

Le texte de Valérie Péronnet reflète bien les contrastes de la vie des deux femmes que cent ans séparent et met en même temps subtilement en exergue leurs fortes similitudes. Toutes deux aiment, souffrent et surtout (suite…)

Henri Cartier-Bresson à Beaubourg

15 février 2014,

Par Alain Hervéhenri_cartier_bresson-437x300

J’ai eu l’occasion de faire un reportage en 1963 avec Henri Cartier Bresson. Notre sujet : « Vingt quatre heures dans un commissariat de police » fut publié dans le mensuel « Réalités ».

C’était un compagnon d’ouvrage extrêmement agréable. Discret, il n’empiétait jamais sur le travail d’enquête. Le sujet était délicat, nous tentions de raconter  la vie d’une population misérable dans le quartier de Plaisance à Paris avant sa rénovation.

Nous fûmes d’ailleurs agressés par une mère et son fils venus faire une déposition dans une salle du commissariat. Malgré son étonnante capacité à se fondre dans le mur, le photographe invisible Henri Cartier-Bresson reçut une bordée d’injures.

Après ce difficile reportage, quelques années plus tard,  nous nous retrouvâmes auprès de (suite…)

Hubris urbaine ou désamorçage de la bombe P ?

5 février 2014,

Une vidéo passe en revue les 12 plus grandes villes du monde. A la chaleur du noyau tribal nécessaire à l’humain, animal Sao Paulo.redcollectif, a succédé l’entassement  proliférant des mégalopoles. Ces amas urbains inorganiques sont une des manifestations les plus flagrantes du désordre qui atteint le mammifère humain.  Les notions simples d’habitat, de biotope, d’environnement, de milieu vivant… n’ont plus de sens à cette échelle. Il n’y a d’ailleurs plus d’échelle dans cette démesure. On assiste seulement à une cancérisation du tissu urbain résultant de violentes fractures sociales et économiques. Ces termitières accumulées qui continuent de s’accroître n’ont plus aucun sens analysable.               Christophe Chelten

Bon, il se passe quelque chose de majeur démographiquement parlant. Et il se pourrait qu’en dépassant le stade de 50% d’urbanisation on arrive à un point de retournement économique… Que se passe-t-il donc ? Et bien, les villages du monde se vident… Les villes ont désamorcé la bombe démographique. Stewart Brand

Une femme face à son désir : « Lulu, femme nue »

3 février 2014,

Un film de Solveig Anspach, d’après une bande dessinée d’Etienne Davodeau20140122-111726-962382045

Par Saura Loir

C’est toujours réjouissant d’assister à l’éclosion d’un être libre et le personnage de Lulu  nous offre largement cette opportunité. Mère de trois enfants dont une fille adolescente et épouse d’un tyranneau domestique mal dégrossi qui ne cesse de l’humilier, convaincue de surcroît de ne pas mériter mieux, Lulu est une femme qui ne s’appartient pas, qui a depuis longtemps appris à plier l’échine et s’est  résignée à vivre une vie routinière et sans perspectives. Hésitante, godiche et mal fagotée, elle essaye maladroitement de convaincre un employeur potentiel de l’engager et se montre si peu sûre d’elle qu’on peine à imaginer la force et la détermination tranquilles avec lesquelles le lendemain, encouragée par des circonstances imprévues, elle décide soudain de retarder son retour à la maison et de s’accorder quelques jours de vadrouille solitaire face à la mer. Son mari  aura beau tempêter et bloquer sa carte de banque, sa sœur l’appeler sans arrêt pour la traiter d’irresponsable, ses enfants la réclamer, pour une fois elle mettra sa capacité d’endurance au service de son propre désir. Elle respire, hume la mer, son regarde absorbe tout ce qui l’entoure avec l’émerveillement d’une enfant : le monde se révèle comme neuf quand on quitte ce qui nous maintient enfermé et qu’on est seul avec soi. (suite…)

Parce que c’était lui Montaigne et La Boétie Petit Montparnasse

1 février 2014,

Par Michèle Valmont31729

Montaigne-La Boétie…Symbole d’amitié intense dans l’esprit de la plupart d’entre nous. Cette amitié recouvrait aussi une complicité intellectuelle et une polémique politique. C’est cet aspect qu’a choisi de nous présenter Jean-Claude Idée dans sa pièce « Parce que c’était lui » au Petit Montparnasse.

Nous sommes en 1588, Montaigne, vieillissant, est à Paris pour publier le troisième livre de ses « Essais ». Il y est rejoint par Marie de Gournay, jeune femme éperdue d’amour et d’admiration pour lui et son œuvre. Elle lui reproche d’avoir trahi lamémoire d’Etienne de La Boétie, mport depuis des années, en ne publiant pas son »Discours de la servitude volontaire », œuvre d’esprit révolutionnaire, développant des positions politiques dangeuses pour Montaigne, tenu en haute estime par la cour d’Henri III. (suite…)

Montaigne c’est nous-mêmes

1 février 2014,

par Alain Hervé

A quoi ressemblait Montaigne ? Aux portraits qui nous sont parvenus ou à l’image qu’il a 330px-Montaigne-Dumonstiervoulu donner de lui-même dans ses écrits?

Calme, intelligent, matois, avisé, pragmatique, accablé de maux, infatigable, flemmard, prudent, audacieux, conformiste, révolté, autrement dit complexe, souvent contradictoire et rarement catégorique.

Cette ambiguïté a fait sa renommée et l’intérêt passionné que nous continuons d’accorder à ses Essais.

Mais ce qui fait aussi la difficulté de le représenter sur scène avec un seul acteur.

On l’imagine un peu corpulent sur la fin de sa vie, prix à payer pour son carpe diem.

On imagine ce finaud flatté de l’intérêt que lui porte Marie de Gournay, cette jeune… (suite…)