Je suis différent, comme tout le monde…
Il y a un grand malentendu avec Gary, mais avec lui tout est toujours trop grand, démesuré comme un gamin rattrapé par une puberté vengeresse qui s’offre une crise de gigantisme. Si si, ça existe.
Ce type était trop, comme disent les mômes de la communale. Trop tout. Trop en avance sur son temps. Si on a dit de lui qu’il était le père, voire le grand-père de l’écologie, avant l’invention du mot et pis du concept, c’est qu’il souffrait du brin d’herbe piétinée en toute insouciance comme du hérisson écrasé sur la route par des gens qui chantent à tue-tête en roulant de bonheur vers la nature.Des inconscients, des inattentionnés. Or la terre a besoin de beaucoup d’attentions, d’être constamment surveillée, même, insiste-t-il Inconscient, ce n’était pas dans ses moyens.
« … Un homme qui est bien dans sa peau est ou un inconscient ou un salaud. Personne n’est dans sa peau sans être aussi dans la peau des autres »
Beaucoup trop sensible. Sensibilité d’artiste, sensiblerie de jeune fille dont sans se vanter il ne rougissait pas. Capable de se coucher contre un arbre, et de sentir, et de savoir ce que pense et ressent cet arbre. À en devenir l’arbre, à écrire en langage d’arbre. Il dit de lui qu’il est un souffreteux, c’est vrai : tout ce qui arrive aux autres lui arrive aussi.
« … j’ai vu un arbre de trois mille ans, un redwood, et de cent cinquante mètres de haut. Trois mille ans après, il est toujours là pour prouver que c’est possible, qu’on n’est pas obligé de tout détruire… »
« … assis dos à l’écorce j’essayais de lui prendre quelque chose mine de rien, par contact subreptice, lui soutirer deux sous de dureté, d’impassibilité, d’indifférence, de je vous emmerde tous, ça ne marchait jamais, on restait de part et d’autre, quand même, en fin de journée, je me sentais moins souffreteux… »