Archive pour la catégorie ‘Nous avons lu’

Thémis 1 – Déméter 0

3 février 2022,

La déesse de la Justice Thémis et la déesse des Moissons, Déméter

Nous avons lu sur le site de France-Info : (1)

Cellule de gendarmerie Déméter : la justice demande au ministère de l’Intérieur de mettre un terme à la prévention des “actions de nature idéologique”
Plusieurs associations, dont L214, avaient déposé un recours administratif contre cette cellule créée en 2019, qu’ils accusaient d’enfreindre la liberté d’expression. La place Beauvau a 60 jours pour mettre fin à ces activités.
Le tribunal administratif de Paris donne deux mois au ministère de l’Intérieur pour mettre fin à la prévention des “actions de nature idéologique” de la cellule de gendarmerie Déméter, mardi 1er février, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par jour. Destinée à lutter contre la délinquance dans le monde agricole, cette cellule est née dans le cadre d’une convention signée en 2019 avec le syndicat agricole majoritaire FNSEA et sa branche des Jeunes agriculteurs (JA).
Depuis, elle a pour objet de lutter contre les actes crapuleux ou criminels (du vol de gasoil, de tracteurs, dégradations) mais aussi de prévenir “des actions de nature idéologique”, allant des “simples actions symboliques de dénigrement” à “des actions dures”, selon le document de présentation du ministère de l’Intérieur. Mais la justice a estimé que ces dernières activités ne reposaient sur “aucune base légale”. la suite ici.

(1) Que Déméter, déesse des moissons, du haut de son panthéon nous pardonne mais son nom a été détourné par des dirigeants qui voulaient assurer l’hégémonie de l’agro-industrie. Les fidèles lectrices et lecteurs du Sauvage ont souvenir des alertes sur ce sujet ici et .

Les Agro protestent

23 décembre 2021,

Le 20 décembre 2021

Monsieur le Président de la République,

Nous, étudiant·e·s en agronomie, agro-économie, sciences politiques provenant de six écoles (AgroCampus Ouest, AgroParisTech, AgroSup Dijon, Montpellier SupAgro, Sciences Po Lille et Sciences Po Paris), futur·e·s professionnel·le·s et citoyen·ne·s concerné·e·s par les questions d’agriculture et d’alimentation, ne pouvons souscrire silencieusement aux propositions retenues dans le Plan Stratégique National (PSN) français pour la programmation de la Politique Agricole Commune (PAC) 2023-2027 et ce pour plusieurs raisons. Tandis que la France a encore perdu 20 % de ses exploitations entre 2010 et 2020, le secteur agricole doit répondre à un certain nombre d’enjeux, notamment environnementaux, climatiques et sociaux. Par conséquent, le PSN aurait pu être un levier important, si ce n’est essentiel, de la transformation de notre système agricole et alimentaire.

La stratégie européenne “De la Ferme à la Fourchette” a pour ambition de faire du système agricole et alimentaire européen un modèle de durabilité au niveau international en fixant des objectifs chiffrés en termes de neutralité carbone, de réduction des engrais minéraux, des pesticides et des antibiotiques, ou encore de soutien à une agriculture biologique et respectueuse de notre environnement. Or, force est de constater qu’il y a incohérence entre ces objectifs et les mesures retenues dans le PSN. Nous pensons que, au moment d’accéder à la présidence du Conseil de l’Union Européenne, la France, premier État membre bénéficiaire de la PAC mais aussi pays des Accords de Paris et des Etats Généraux de l’Alimentation, aurait dû se positionner en tant que leader de la transition agroécologique européenne.

La suite ici.

Le productivisme agricole inefficace

19 décembre 2021,

La très officielle Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité vient de publier une synthèse sur la nocivité du productivisme agricole. Le titre un peu austère :

Le paradoxe de la productivité : la productivité agricole favorise l’inefficacité du système alimentaire

ne doit pas vous décourager, c’est facile à lire, tout en comportant les références bibliographiques d’usage pour une publication scientifique. C’est un document précieux pour contrer les arguments du genre “on ne peut pas nourrir la population de la planète avec l’agriculture bio”.

Voici l’essentiel de la conclusion :

On a beaucoup écrit sur la nécessité de réduire l’empreinte environnementale de l’agriculture et de lutter contre la pandémie d’obésité, mais ces problèmes ne doivent pas être pris en compte de façon isolée : ces deux problèmes sont les résultats d’un système alimentaire dysfonctionnel qui encourage la surconsommation de calories, le gaspillage excessif et l’externalisation des coûts sur l’environnement et la santé. Une focalisation myope continue sur la productivité agricole risque de perpétuer ces problèmes : le paradoxe de la productivité signifie que l’augmentation de l’efficacité agricole entraîne l’inefficacité du système du fait de l’augmentation des déchets, des coûts environnementaux, ou encore des dépenses de santé. Un défi pour le développement mondial est de s’efforcer de « nourrir un monde de 7 à 10 milliards » d’humains sans créer plus de problèmes que cela n’en résoudra. En plus d’être insoutenable, c’est injuste parce que les plus pauvres (foyers ou pays) en payeront proportionnellement des coûts plus élevés en termes de santé et d’environnement. Il est temps de changer le récit pour permettre aux gens de comprendre et d’investir dans leur nutrition pour une vie saine, en consommant des aliments produits par un système alimentaire durable. Dans un monde aux ressources finies et au capital naturel déjà très dégradé, il est urgent de ne plus se concentrer sur la productivité agricole en tant qu’indicateur de résultats des besoins de la société mais de considérer la productivité systémique en analysant le nombre de personnes nourries sainement et durablement par unité d’intrant.

La fée électricité

23 novembre 2021,

Nous avons lu sur le site de notre consœur The Conversation un article du sociologue Alain Gras dénonçant la sacralisation de l’électricité dans les perspectives de transition énergétique. Un extrait de cet article (intitulé L’électricité, ce mensonge phénoménal) vous donne le message :

Le mythe de la pureté électrique
La fée électricité se présente revêtue de probité candide, dirait le poète, puisqu’elle ne provoque aucune nuisance lorsqu’elle délivre sa magie par simple clic sur le bouton interrupteur. Les usagers savent, plus ou moins, que cette force « courante » n’est pas une énergie, qu’elle ne fait que transférer la puissance d’une autre, bien réelle, matière fossile ou éléments naturels ; mais ils l’oublient devant le prodige.

Délocaliser les effets nocifs
La mise en avant de la pureté électrique repose en effet sur l’effacement du second principe de la thermodynamique : « toute transformation du système entraîne une augmentation de l’entropie globale ». Les déchets sont ici relégués au second plan ; la production, les nuisances, rendues invisibles.
Le génial inventeur et entrepreneur avisé, Thomas Edison, fut le premier à avoir trouvé là un argument publicitaire imparable dans les années 1881. Il équipa dans la rue la plus chic de New York, Pearl Street, un millier d’intérieurs avec ses nouvelles ampoules à incandescence sous vide. Le succès fut immédiat : à la place de la lumière du gaz, qui salissait les intérieurs bourgeois, cette innovation gardait frais tableaux et tapisseries. Mais, à quelques kilomètres de là, deux centrales à charbons rejetaient 5 tonnes de scories par jour dans l’Hudson River.
Ce modèle de délocalisation des effets nocifs, inscrit si profondément dans notre mode de vie, nous empêche de voir que bien des vertus électriques relèvent à la catégorie « fake news ».
Fin de citation. (suite…)

Pendant la Covid-19 (6 : le bilan du CNRS)

16 octobre 2021,

Communication scientifique en situation de crise sanitaire : profusion, richesse et dérives
21 sept 2021
Alors qu’en France métropolitaine on ne relève pas d’indice d’une quatrième vague épidémique, le CNRS, par la voix de son comité d’éthique (COMETS), s’exprime publiquement mais assez discrètement sur la communication scientifique au cours de ces (presque) deux années. Le résumé que nous reproduisons ci-dessous est d’une lecture un peu austère mais ne doit pas vous empêcher de parcourir l’Avis dans son entièreté (PDF, 1Mo). Ceci particulièrement si vous vous posez des questions sur l’épidémie que nous venons de vivre et sur son traitement inhabituel par la plupart des gouvernements mondiaux. Enfin on peut noter que la personne qui a coordonné le rapport est une directrice de recherche émérite qui a une compétence sur les virus, attestée par ses publications sur les phages (ces virus qui détruisent les bactéries).

“RÉSUMÉ : Le COMETS traite, dans cet avis, des multiples formes prises par la communication scientifique dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19, due au SARS-CoV-2. (suite…)

Soulèvements

26 février 2021,

Soulèvements de la Terre

Appel à reprendre les terres et bloquer les industries qui les dévorent

Nous sommes des habitant·es en lutte attachés à leur territoire. Nous avons vu débouler les aménageurs avec leurs mallettes bourrées de projets nuisibles. Nous nous sommes organisé·es pour défendre nos quartiers et nos villages, nos champs et nos forêts, nos bocages, nos rivières et nos espèces compagnes menacées. Des recours juridiques à l’action directe, nous avons arraché des victoires locales. Face aux bétonneurs, nos résistances partout se multiplient.

Nous sommes des jeunes révolté·es qui ont grandi avec la catastrophe écologique en fond d’écran et la précarité comme seul horizon. Nous sommes traversé·es par un désir croissant de déserter la vie qu’ils nous ont planifié, d’aller construire des foyers d’autonomie à la campagne comme en ville. Sous état d’urgence permanent, nous avons lutté sans relâche contre la loi travail, les violences policières, le racisme, le sexisme et l’apocalypse climatique.

Nous sommes des paysan·nes. La France n’en compte presque plus. Avec ou sans label, nous sommes les derniers qui s’efforcent d’établir une relation de soin quotidien à la terre et au vivant pour nourrir nos semblables. Nous luttons tous les jours pour produire une nourriture saine à la fois financièrement accessible et garantissant une juste rémunération de notre travail.

Parce que tout porte à croire que c’est maintenant ou jamais, nous avons décidé d’agir ensemble. (suite…)

Lettre ouverte à Emmanuel Macron

12 février 2021,

Lettre ouverte à Emmanuel Macron et aux parlementaires : 110 organisations de la société civile appellent à plus d’ambition pour la loi climat et résilience
Grâce à l’Affaire du Siècle, la justice vient de reconnaître que l’État a commis une « faute » en ne respectant pas ses objectifs climatiques. Aujourd’hui plus de 100 organisations de tout horizon interpellent au sein d’une lettre ouverte le chef de l’Etat et les parlementaires pour revoir à la hausse l’ambition du projet de loi climat.
Monsieur le Président de la République,
Vous avez initié une démarche innovante au travers de la Convention Citoyenne pour le Climat visant à associer les citoyens à l’évolution de la loi pour tenir nos engagements climatiques dans un esprit de justice sociale.
Alors que les propositions des citoyens devaient être retranscrites dans la loi, force est de constater que le compte n’y est pas. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi tiré de la Convention Citoyenne reconnaît ainsi que les mesures proposées ne permettront pas, en l’état, de tenir les objectifs de baisse d’émissions de 40 % à horizon 2030. Et ce, alors que cette cible est déjà en elle-même insuffisante compte tenu du nouvel objectif de -55 % adopté en décembre dernier à l’échelle de l’Europe. (suite…)

Introduction au biorégionalisme

1 février 2021,

Nous avons lu dans le numéro de février 2021 de l’excellente revue S!LENCE un dossier passionnant intitulé: Le biorégionalisme va-t-il sauver la planète ? Nous en reproduisons ici l’éditorial

Éditorial : Sortir de la technologie, se replacer dans la nature ? par Michel Bernard

Voici que ressurgit l’idée de biorégionalisme. On la retrouve dans le scénario Île-de-France 2050 l’Institut Momentum essaie d’imaginer ce que peut être la situation pour les Franciliens après l’effondrement (1), dans le livre de Thierry Paquot Mesure et démesure des villes (2)…

Pour comprendre d’où vient cette idée, il faut se plonger dans le livre L’art d’habiter la Terre de Kirkpatrick Sale initialement paru en 1985 aux États-Unis, et seulement traduit en français en 2020 (3).

Le biorégionalisme se définit comme « une approche politique, économique et culturelle basée sur les spécificités des régions naturelles (un bassin hydrique, une montagne, un littoral, un plateau…) économiques (zone de production agricole, carrefour d’échanges) ou culturelles (influence d’une grande ville) » (4). Cette idée est apparue à la fin des années 1960, en même temps que se développait ce qui allait devenir le mouvement écologiste.

Ce concept est-il vraiment une idée originale ou est-ce une autre façon de présenter l’écologie ? A Silence, nous nous étions interrogés de la même façon avec l’arrivée de la permaculture, terme en provenance de l’Australie (5).

Dans ce dossier, nous vous présentons tout d’abord ce qu’est le biorégionalisme à partir du livre de Kirkpatrick Sale, avant d’aller à la rencontre de Thierry Paquot et son souhait d’un biorégionalisme urbain. Avec Mathias Rollot, éditeur et traducteur du livre de Kirkpatrick Sale nous essaierons de faire le lien avec d’autres influences de l’écologie, et en particulier celle de l’écologie sociale de Murray Bookchin (6), enfin nous présentons dans des encarts, des pistes de réflexions diverses.

Alors que la permaculture se développe à toute vitesse et à enfanté le mouvement de la transition (7), le biorégionalisme n’a pas encore de relais concret sur le terrain, mais peut-être est-ce en devenir ?

Michel Bernard.

(1) Yves Cochet, Agnès Sinaï et Benoît Thévard, 2017, 240 p. https://fr.forumviesmobiles.org/sites/default/files/editor/bioregions_2050_rapport_complet.pdf

(2) Ed. CNRS, 2020, 314 p.

(3) Ed. Wildproject, 2020, 272 p.

(4) définition sur Wikipédia.

(5) Permaculture T1 et 2, Bill Mollison et David Holmgren, 1978.

(6) The philosophy of social ecology, 1990.

(7) Voir Le manuel de transition, Rob Hopkins, éd Ecosociété et Silence, 2010.

Pour se procurer S!lence, c’est ici.

Ouverture de la chasse aux écolos ?

29 janvier 2021,

© Jean-Benoît Meybeck/Reporterre

Nous avons lu dans Reporterre, sous le titre :
Le rapport parlementaire qui veut mettre les militants écologistes en prison
le 28 janvier 2021, par Marie Astier et Gaspard d’Allens (Reporterre)

Une mission d’information parlementaire pilotée par Les Républicains et La République en marche demande de « renforcer l’arsenal pénal » contre « les militants antiglyphosate, véganes ou antichasse ». Les propositions pourraient être inscrites dans la loi, une perspective qui inquiète fortement les militants écologistes ou antispécistes.
Le tempo est plutôt mal choisi, la concordance des temps frappante. Alors que l’Assemblée nationale examine en ce moment la proposition de loi sur le bien-être animal, les députés ont voté en commission un rapport issu d’une mission d’information parlementaire sur « l’entrave aux activités légales ». En creux, certains députés veulent « renforcer l’arsenal pénal » contre « les militants antiglyphosate, véganes ou antichasse ». Ils proposent la création de nouveaux délits pour lutter plus efficacement contre la diffusion d’images sur les réseaux sociaux et pour limiter l’intrusion dans les abattoirs ou les fermes usines.
Reporterre publie ce document qui a reçu l’aval de la majorité La République en marche (LREM). Un an après la création de la cellule Déméter, une nouvelle étape est franchie dans la répression et la criminalisation du mouvement écologiste. (suite…)