La gentrification de la montagne

27 août 2023,

Heureux propriétaire depuis 20 ans d’une grange isolée dans les Alpes à 1800m d’altitude,  j’ai constaté ces dernières années que les hameaux et habitats isolés du coin, abandonnés depuis les années 1950 ou 1960, sont récemment achetés par des familles fortunées.

La plupart de ces nouveaux propriétaires semblent tout à fait respecter l’environnement montagnard. Ils restaurent correctement les bâtiments dans les styles montagnards traditionnels, souvent à grands frais, car les travaux en montagne sont très coûteux, aussi bien par les prestations que par les matériaux. C’est un vrai plaisir de revoir des bardeaux de mélèze sur les toits à la place des tôles ondulées, de voir des restanques restaurées en pierre sèche, de nouveaux arbres plantés, des chemins entretenus. Il y a toujours, bien sûr, l’inévitable beauf qui se met à bétonner son bâtiment tri-centenaire pour abriter son affreux SUV dernier cri et son détestable quad, sans parler de ceux qui voudraient construire des piscines, mais cela est encore rare sur les terrains d’altitude.

Un bulldozer n’est jamais loin.


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Jour du dépassement 2023

4 août 2023,

Le jour où nous avons utilisé plus de ressources que la planète ne peut en fournir pour 2023 était cette année le 2 août. C’est un très léger progrès et si l’on veut rester du côté du verre à moitié plein, on peut noter une stabilisation de l’empreinte humaine qui n’est pas due seulement au covid. Il ne faut pas sous-estimer cependant la dégradation de l’habitabilité de la Terre que cela implique.

L’avancée du jour du dépassement depuis 1971

Retour sur le rapport Meadows

28 juin 2023,

J’ai découvert hier un site internet que j’ai trouvé riche et intéressant, il s’intitule Et vous n’avez encore rien vu. Critique de la science et du scientisme ordinaire.
Ce n’est pas jeter le discrédit sur ce site que de relever mes désaccords avec un article d’Arnaud Milanese daté du 18 juin 2023 et intitulé « Le rapport Meadows, 2023 ou les limites des Limites de la croissance ». Arnaud Milanese (AM) est philosophe et Maitre de Conférences à l’école Normale Supérieure de Lyon, il a choisi de dénoncer l’idéologie sous-jacente au rapport Meadows, un peu comme si ce rapport était le manifeste d’un mouvement d’écologie politique. Pour moi l’essentiel de ce rapport réside plutôt dans son aspect réfutable, que l’on peut ainsi qualifier de scientifique. Les auteur-es (la principale étant Dana Meadows, aujourd’hui décédée) ont fait des prédictions basées sur l’utilisation du modèle informatique World3. Ce modèle était cohérent avec les données quantitatives choisies, de 1900 à 1970, données sur les ressources non renouvelables, la nourriture, les services, la production industrielle, la pollution, la population. Le rapport Meadows exposait les prédictions du modèle pour ces différentes données jusqu’à la fin du XXIe siècle. Ce qui a réellement une grande force est la prédiction d’un déclin rapide de la population mondiale à partir de 2030 (Fig. 1).

Fig 1. Réexamen du modèle World3 publié initialement par Meadows et al en 1972. Ce modèle permettait d’intégrer les relations entre population et ressources, nourriture, services, production industrielle et pollution de 1900 à 1970. Ses prédictions jusqu’en 2100 sont en pointillés. La comparaison entre prédiction et réalité a été figurée sur ce graphique par Linda Eckstein- pour la revue en ligne du Smithsonian Institute – à partir des données publiées par G. Turner pour la période 1970-2000 (en traits pleins). Cette mise à l’épreuve du modèle conforte la prévision d’un effondrement prochain du système économique sans même que la crise écosystémique globale soit prise en compte.
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Mai-Juin 1973, Le Sauvage n°2: La grande crise de l’énergie.

13 juin 2023,

Nous diffusons aujourd’hui le PDF du numéro 2 du Sauvage, de mai-juin 1973, titré “La grande crise de l’énergie”. Comme vous pouvez le voir, nous sommes toujours dans une grande crise de l’énergie !

“Dans les quelques années qui viennent, il nous faut accepter la possibilité de pénuries d’énergie sporadiques et une certaine hausse du prix de l’énergie. […] La production intérieure disponible de pétrole n’est désormais plus capable d’en suivre la demande” déclare Richard Nixon, président des Etats-Unis, en avril 1973, au moment où l’équipe du Sauvage préparait le numéro de Mai Juin.


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Les véhicules électriques sans batterie, l’avenir du transport de passagers et de fret.

22 mai 2023,

Tout le monde ou presque connait les trolleybus, ces autobus électriques sur roues qui prennent leur 600 volts sur des lignes aériennes tendues dans les rues ou le long des routes. De nombreuses villes dans le monde ont toujours leur trolleybus depuis plus d’un siècle, comme Lyon par exemple. En Europe,  la plupart des villes ont ouvert des lignes juste après la Seconde Guerre mondiale, et beaucoup les ont abandonnées dans les années 70, souvent pour des raisons esthétiques.

Deux trolleybus dernier cri à grande capacité, en Suisse. Il existe aussi des trolleys à 3 rames.

Du point de vue du rendement, c’est une solution extrêmement performante. Pas de lourde batterie à transporter. C’est juste une caisse sur roues et un moteur. Pas de rails à installer dans des travaux longs et coûteux. Pas de lourdes motrices et wagons à mouvoir comme pour les tramways. Démarrage plus rapide qu’un tramway. Durée de vie deux fois supérieure à celle d’un bus à moteur thermique. Freinage électrique, qui limite la pollution en nano-particules de plaquettes de freins. Possibilité d’être autonome sur quelques kilomètres pour éviter des travaux ou rejoindre d’autres lignes.

De plus, les trolleybus de dernière génération restituent de l’électricité au freinage et à la descente, ce qui les rend particulièrement économiques en énergie. La durée de vie moyenne d’un trolleybus est de 25 ans et pourrait facilement être doublée ou triplée, avec un entretien très réduit comparativement aux bus à pétrole ou aux bus électriques à batteries.  Car les batteries nécessitent un entretien très pointu, aussi bien pour des raisons de sécurité que de durabilité. N’oublions pas aussi le poids géopolitique, social et environnemental de toute la filière de production du lithium, du nickel et surtout du cobalt, sans parler de la filière de recyclage qui n’existe pas encore. De toute façon, il n’y aura pas assez de ces métaux pour convertir la flotte thermique mondiale actuelle, 2 milliards de véhicules, en flotte électrique à batterie.

 


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Macron, le président hypocrite au service des dévastateurs de la planète

14 avril 2023,

Macron, Borne, et leur valet sanglant Darmanin, continuent jour après jour à s’attaquer aux mouvements de justice sociale et environnementale, à ceux qui luttent pour un monde meilleur pour nos enfants, au moment où la crise des ressources et les crises du climat nous obligent à repenser le monde radicalement et sans attendre.

On se souvient de Demeter, la cellule de gendarmerie missionnée pour lutter contre les “actes de nature idéologique” des mouvements environnementaux et de l’agriculture paysanne, on se souvient du livre bleu pour la Guyane, qui a autorisé la déforestation de la forêt amazonienne française, la vente de cette même forêt à des privés, l’ouverture de mines polluantes dans cette même forêt, on se souvient de Sivens sous Hollande et des armes de guerre qui ont tué un botaniste, on se souvient de ces centaines de manifestations réprimées dans le sang, on se souvient de ces mutilés à vie pour les plus justes des causes, on se souvient des condamnations régulières de la France pour son inaction climatique, on se souvient d’un paysan tué par la gendarmerie parce qu’il refusait le harcèlement administratif et sanitaire de ses bêtes, on se souvient des forêts françaises vendues aux intérêts des industriels, on se souvient des nappes phréatiques sacrifiées pour le bénéfice des profiteurs, on se souvient des centaines de Zad, qui veulent sauver des zones humides, des réservoirs de bio-diversité, des sous sols, des forêts, des espaces agricoles uniques. On se souvient des ces bétonnages, de ces autoroutes, de ces hypermarchés sacrifiant des terres agricoles qui sont notre seul espoir de nourriture devant la désertification globale en cours. On se souvient de la surveillance militaire à Bure. On se souvient des militants pacifistes gazés à bout touchant sur un pont de Paris. On se souvient de la qualification de la lutte écologique comme d’un éco-terrorisme. On se souvient de Sainte Soline et de 3200 forces armées pour défendre un trou inutile. On se souvient de tout. La terre et les humains justes gardent les traces de ce sang versé.

On se souviendra de Macron comme un président qui a œuvré pour la destruction du monde, au service des puissants, l’hypocrite puissance mille du “Make the Planet Great Again”, misérable intervention. On se souviendra du crachat à la gueule aux 150 citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat, citoyens pourtant exemplaires de discernement et d’intelligence collective, et dont les 149 propositions sont détricotées méthodiquement depuis lors, simulacre de démocratie. On se souviendra des discours en totale opposition aux actes depuis son accession au pouvoir, la signature du mépris le plus hypocrite contre les défenseurs de l’environnement et des libertés. La signature de la veulerie machiavélique d’une marionnette au service des plus puissants.

Le Sauvage s’associe à Reporterre, Blast, Socialter, Terrestres et tous les collectifs défendant les Soulèvements de la Terre. Voici l’enregistrement de la soirée de soutien du mercredi 12 avril 2023, qui réunissait des dizaines de collectifs et de personnalités pour dénoncer la criminalisation des luttes environnementales et sociales.

Jean-Noël Montagné

 

 

 

La criminalisation de la lutte écologiste, vue du Sénat

29 mars 2023,

Au Sénat, une intervention remarquable du sénateur écologiste Thomas Dossus, le 29 mars 2023.

Le Sauvage a 50 ans !

27 mars 2023,

 

Il y a cinquante ans, au printemps 1973, est publié le premier numéro du magazine écologiste Le Sauvage.

La genèse du Sauvage remonte en réalité à 1972, une année où les thèses écologistes émergent dans la presse grand public, à la suite de la publication, l’année précédente, du rapport Meadows, initiative du Club de Rome confiée au MIT.

 

En janvier 1972, le manifeste d’Edouard Goldsmith, fondateur franco-anglais de la revue anglaise « The Ecologist » en 1969, titré « Changer ou Disparaître, Plan pour la survie », est publié dans sa revue, puis diffusé en 17 langues à toute la presse mondiale, envoyé aux dirigeants du monde entier.

 

 

Le livre sur la démographie, du professeur de Stanford, Paul Ehrlich, « La bombe P », qui annonce en couverture que le monde aura 7 milliards d’habitants en l’an 2000, est publié en français par « Les Amis de la Terre ». Il promeut une croissance zéro pour faire face au manque de ressources. La presse française en fait écho, et l’ouvrage suscite de nombreux débats.

 

 

 

En mars, le rapport commandé au MIT en 1970, dit «Rapport Meadows » est publié pour le grand public sous le titre de « The Limits to Growth ». Le rapport provoque instantanément de multiples controverses dans les milieux économiques, car il rappelle que les ressources terrestres sont limitées, et que le début du 21ème siècle verra une décroissance mondiale inévitable et définitive de la production, et donc, de la consommation, puis de la population.

 

 

En avril, à Paris, 10 000 cyclistes défilent sur les Champs Élysées (voir notre article en 2022) pour protester contre la pollution de la voiture et l’urbanisation dédiée à la voiture.

En mai, sort en plusieurs langues le livre de Barbara Ward et René Dubos « Nous n’avons qu’une Terre ». Ce livre contient le rapport qui sera utilisé pour le premier Sommet de la Terre à Stockholm, qui se tiendra en juin 72, avec 113 pays préoccupés de causes environnementales. En juin est publiée la déclaration finale du Sommet,  exemplaire de clarté, toujours adéquate cinquante ans plus tard. (1)

 

 

 

C’est dans ce contexte, qu’Alain Hervé, un des principaux fondateurs du mouvement français des Amis de la Terre, pousse les gérants du Nouvel Observateur à publier un numéro « Spécial Ecologie ». Ce numéro sort en juin avec le titre « La dernière chance de la Terre». André Gorz y signe un grand article de fond « Les démons de l’expansion », sous le pseudonyme de Michel Bosquet . On y trouve également des extraits du rapport Meadows. Le numéro aura un grand succès avec plus de 250 000 exemplaires vendus. Voir notre article sur ce numéro en 2022.

 

Fin juin, la version française du rapport Meadows est publiée sous le titre «Rapport sur les limites à la croissance », inclus dans un ouvrage collectif nommé « Halte à la croissance ? ». L’ouvrage suscite de nombreuses interrogations, d’autant plus que le président des Etats-Unis Nixon rappelle que les Etats-Unis viennent de passer leur pic de production de pétrole conventionnel.

 

 

 

Extrait de “L’An 01” de Gébé

En novembre 1972, Pierre Fournier fonde le mensuel écologiste « La Gueule Ouverte », avec notamment des journalistes de Charlie Hebdo. Au même moment, la BD l’An 01 de Gébé, également issu de Charlie, sort avec le sous titre  « On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste »  Elle narre un abandon utopique, consensuel et festif de l’économie de marché et du productivisme.

 

De son côté, « Survivre et vivre », le périodique écologiste radical du mathématicien Alexandre Grothendieck et de ses amis, mathématiciens comme lui, en est déjà à son 14 ème numéro.

 

Forts du succès du numéro “Spécial Ecologie” du Nouvel Obs de 1972, Alain Hervé et André Gorz convainquent Claude Perdriel et Jean Daniel de lancer un grand titre écologiste pour 1973, émaillé d’articles de fond, d’informations, de reportages et de BD. Alain Hervé choisira « Le Sauvage », peut-être inconsciemment inspiré par une des premières revues écolo-anarchistes et son mouvement associé, « le Naturien », née en 1898(2), ou bien inspiré par sa passion pour Robinson Crusoë, sur lequel il écrira un roman en 1986 ?

 

Le premier Sauvage sort en mars 1973, titré L’utopie ou la mort, un titre qui contient à la fois l’inquiétude face à l’avenir, mais aussi l’espoir et l’appel à imaginer d’autres futurs.

Ce titre sera repris quelques mois plus tard par l’ingénieur agronome René Dumont, qui travaille dans de nombreux pays “en voie de développement”, comme on dit à l’époque.

Dans « L’Utopie ou la mort », il pointe les dérives planétaires du capitalisme: « l’explosion démographique », le colonialisme et l’extractivisme associés, au détriment des pays pauvres et de la planète, le capitalisme qui menace l’ensemble de l’humanité par la pollution et l’épuisement des ressources. Il invite la société a travailler sur des utopies réalistes, sur différentes formes d’éco-socialisme, sur « une société sans mépris ». Sollicité par Alain Hervé et Brice Lalonde à son retour d’Afrique en 1973, René Dumont sera ensuite le premier candidat écologiste à des élections présidentielles, en 1974.

 

Au sommaire du Sauvage numéro 1 :

Des articles sur la pollution aux boues rouges vers la Corse, sur les utopies dans l’histoire, sur l’autarcie, sur la consommation, sur la paysannerie, sur l’agriculture biologique, sur le nucléaire, sur le tiers-monde, sur l’éducation Décroly, un guide éco-pratique, et bien sûr, un savant mélange d’illustrations, d’infos, de critiques et de BD qui fait l’identité du journal. On y remarquera notamment les dessins et les illustrations de Daniel Maja, de Puig Rosado et une première page de BD du Bolot Occidental de Claire Brétécher.

Voici le PDF du premier Sauvage de 1973   (34Mo)

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(1) Déclaration du premier Sommet de la Terre, 1972

(2) avec deux définitions du Sauvagisme, par Pierre Kropotkine et par Alfred Marné. Il existe également un bulletin Naturien très confidentiel, né la même année 1898, qui se nomme « Le Sauvage » et qui n’aura que deux numéros.

Les scientifiques insistent…

26 février 2023,

La recherche arrive à la conclusion que nous sommes en train de détruire la terre.
Le représentant des banques: Auriez-vous l’obligeance de reformuler cela en des termes équivoques, imprécis, vagues, tournant autour du pot, que nous puissions tous comprendre ?

A l’initiative du collectif Scientifiques en rébellion, 600 scientifiques, dont des co-auteur·es des rapports du GIEC, demandent, dans une tribune à « l’Obs », aux membres du conseil d’administration de BNP Paribas de prendre leurs responsabilités face à la catastrophe écologique en cours en cessant tout soutien à l’ouverture de nouveaux gisements pétroliers et gaziers.

“Nous sommes des scientifiques alarmé·es par la catastrophe écologique en cours et plus encore par la faiblesse des actions mises en place pour en limiter l’ampleur, alors que les risques sont connus, clairement évalués, et menacent l’ensemble des sociétés humaines et des écosystèmes. Certain·es parmi nous ont contribué aux rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ou sont spécialistes des questions climatiques. Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous rappeler solennellement qu’un grand pouvoir implique une grande responsabilité : vous occupez un poste où vous pouvez jouer un rôle majeur face au changement climatique.
La synthèse des études scientifiques est très claire : respecter l’Accord de Paris impose de laisser la majorité des énergies fossiles encore disponibles dans le sol et de ne plus ouvrir de nouveaux gisements en dehors de ceux déjà en exploitation. Ainsi, l’Agence internationale de l’énergie a annoncé en 2021 qu’« il n’y a aucun besoin d’investir dans des nouvelles sources d’énergies fossiles dans notre trajectoire Net zéro » ; le groupe d’experts de haut niveau des Nations unies affirme dans son rapport de novembre 2022 que le « Net zéro est incompatible avec la poursuite des investissements dans les énergies fossiles » ; le dernier rapport du GIEC va également dans le même sens.
Les arguments déployés par les compagnies pétro-gazières pour contester ce consensus scientifique sont légion, mais aucun d’entre eux n’est recevable : nous vous demandons d’être à l’écoute des scientifiques, et non pas d’acteurs qui continuent contre vents et marées leur politique de fabrique du doute afin de maintenir le statu quo, comme cela a été clairement relevé dans les rapports du GIEC.”