Archive pour la catégorie ‘De Natura Rerum’

La courgette

11 septembre 2011,



par Misette Godard

reprint Le Sauvage, août 1979

Elle est en réalité une courge d’été que l’on cueille avant le terme de sa croissance. Mais si la courge était connue des Grecs et appréciée des Romains, la mode de la courgette est assez récente.

Le nom de courgette évoque la ratatouille niçoise et la tradition provençale en général. Mais les auteurs (suite…)

Cet amour qui nous rendrait la liberté

10 septembre 2011,

par Denis de Rougemont

Reprint Le Sauvage, 1er mars 1979

On relira avec intérêt ce texte qui en trente ans a à peine vieilli. Les distinctions entre amour, sexualité et érotisme peuvent nous aider à interpréter certains événement de l’actualité. On notera cette constatation souvent négligée: “La sexualité est l’instinct qui ordonne l’individu aux finalités de l’espèce.” On retiendra également cette constatation :”La réaction nommée écologie à l’agression technologique contre la vie et l’affectivité : telle fut la nouveauté des années 1970.”

Le Sauvage

« Tout change sauf le cœur humain ! » disent les vieux sages, et ils se trompent. Le cœur humain, au sens métaphorique, se montre étrangement sensible aux variations de temps et de latitude. Ce que nous nommons l’amour-passion est ignoré de l’Inde et de la Chine. On n’y connaît pas de mot pour le traduire. (suite…)

Les palmiers

27 août 2011,

Reprint Le Sauvage, janvier 1977


Huit cents millions d’hommes se nourrissent de leurs fruits, se vêtent avec leurs fibres, s’abritent sous leurs palmes, et s’enchantent de la beauté de leurs deux mille espèces différentes.

Luciano Berdardi, palmiphile passionné, plaide pour les palmiers (droits réservés)

Je crois que le palmier représente pour nous un archétype. Une partie de l’humanité dépend encore essentiellement de certaines espèces de cette famille pour sa subsistance. Les palmiers représentent pour beaucoup de ces gens à la peau basanée, qui ont le privilège de vivre là où l’hiver n’existe pas, ce que les céréales, l’olivier, la vigne, le coton, le lin, le chanvre et la betterave à sucre représentent pour nous.

(suite…)

Le jardin biologique

13 août 2011,

Reprint Le Sauvage, n° 71, été 1980

Nous reprenons ce texte classique de Claude Aubert un des inventeurs des méthodes de jardinage biologique.

Pour cultiver son jardin biologiquement, il ne suffit pas d’éliminer désherbants, pesticides et engrais chimiques. Il faut aussi faire revivre le sol, planter des haies, protéger les insectes et oiseaux utiles, vivre en harmonie avec des milliers d’espèces vivantes.

par Claude Aubert

Cultiver son jardin biologiquement, c’est, bien entendu, éliminer les engrais chimiques, les désherbants et les pesticides. On y parvient sans peine, avec un peu de savoir-faire, sans que ce soit au détriment du rendement ni de la beauté des produits du jardin. Mais un jardin « biologique » n’est pas seulement un (suite…)

Le nouveau rêve américain:la “Simplicité volontaire”

11 avril 2011,

Reprint Le Sauvage n° 72, automne 1980

Cet article date mais c’est sa qualité. Où il apparait que la simplicité volotaire ne date pas d’hier.

Ils déconsomment. Cinq millions d’Américains ont entrepris la désescalade de leurs habitudes consommatrices et s’engagent vers de nouveau modes de vie.

par Sylvie Crossman*

Une voix m’a répondu. Elle était grave, responsable : « Demain, d’accord, nous nous rencontrerons pour une première séance. Mais auparavant, que savez-vous de la “Simplicité Volontaire” ? »

Je me suis excusée humblement : « Peu de choses en vérité. Peu de choses. » Un long silence. Je l’ai interprété comme une accusation. Puis, de nouveau, la même curiosité grave : « Pour vous, vivre simplement, qu’est-ce que ça représente ? »

J’ai fouillé dans mes souvenirs. Bribes de biographie. L’enfance polynésienne, sans chaussures, ni voiture. La ferme des parents. La trépidation de la vie urbaine. Je ne pouvais pas vraiment me tromper. Si ?

(suite…)

Les abeilles

31 mars 2011,

reprint Le Sauvage trimestriel, n° 20, avril 1975

Jean-Louis Hue

Ce n’est pas la société communautaire et socialiste que l’on croyait mais une société de profit et de rendement

Leur langage reste indéchiffrable

L’herbe était jaune, les rhododendrons, bleus, et les pâquerettes, vertes. Assis au milieu d’un champ, le professeur américain Thomas Eisner, de l’université de Cornell, regardait les couleurs de l’univers avec les yeux d’une abeille. Grâce à une caméra TV qui enregistrait, à la manière de l’insecte, les rayons ultraviolets. Chaque fleur lançait des reflets éclatants et la nature se transformait en un étonnant light-show. Thomas Eisner s’extasia : il découvrait soudain deux fois plus d’espèces florales qu’il n’en avait repérées auparavant.

L’abeille n’est plus l’insecte favori des professeurs de morale. Ses vertus sentent désormais le frelaté : on l’imaginait chaste, généreuse et travailleuse. Un boy-scout ailé. Mais aujourd’hui, les scientifiques découvrent que le comportement de l’insecte n’est comparable à aucun mécanisme humain. L’anthropomorphisme a vécu. L’abeille a perdu sa complaisance.

(suite…)

Le code des corps

30 mars 2011,

reprint Le Sauvage n° 25, janvier 1976


Mon regard et ton regard, mes gestes et tes gestes, la distance qui me sépare de toi obéissent à des règles de savoir-vivre invisibles que les anthropologues nous révèlent.

par Monique Sobieski

Un sourire en coin, une gueule de travers, une voix blanche, un front rouge de colère, des ongles rongés, des mains moites, des cheveux dressés sur la tête et la chair de poule… Non, ce n’est pas un inventaire à la Prévert, seulement quelques signes bien connus grâce auxquels notre corps s’exprime, et parfois nous trahit.

Dans ce langage silencieux, le regard joue l’un des principaux rôles. Le fait de le dérober aux autres est lourdement significatif. Si un conducteur désire passer avant un piéton, il essaiera de ne pas croiser son regard, le maintenant ainsi dans l’hésitation. Lorsque les circonstances — un métro bondé ou un ascenseur par exemple — rapprochent des inconnus, chacun fuit le regard de l’autre, ce qui permet en quelque sorte de l’éloigner. Et de rompre toute possibilité de communication. Le sociologue Erving Goffman décrit dans son livre la Mise en scène de la vie quotidienne une situation analogue. « Dans les urinoirs publics, les hommes se trouvent très près les uns des autres dans des cas où il leur faut s’exhiber pendant un certain temps, écrit-il. Mais les regards y sont d’une prudence extrême afin de ne pas violer l’intimité d’autrui plus qu’il n’est nécessaire. » En fait, le regard est détourné chaque fois qu’il pourrait être interprété comme une manifestation d’intérêt illégitime : « Lorsqu’un homme croise dans la campagne une ou plusieurs inconnues non accompagnées, il doit les saluer mais sans fixer les yeux sur elles », affirmait la baronne Staff en 1927 dans ses Règles du savoir-vivre dans la société moderne. Et elle ajoutait : « Une personne qui quête ne doit jamais regarder dans la bourse qu’elle tend au moment où les gens y déposent leur offrande. Ses yeux se porteront un peu plus haut. Agir différemment serait tout à fait contraire à la politesse. On aurait l’air de contrôler le don, et cela pourrait gêner les gens. »

(suite…)

Tous les hommes puent sauf le petit Jésus

24 mars 2011,

Le Sauvage n° 25, janvier 1976

Le corps inaccepté et méprisé, c’est d’abord celui des odeurs. La peur éprouvée envers notre propre corps s’exprime d’abord par le refus des odeurs des autres.

par Jacques Brosse*

La proscription de toute odeur charnelle est devenue, au cours des dernières années, de plus en plus intransigeante. On peut en juger par la quantité des annonces publicitaires qui s’y réfèrent, principalement dans la presse féminine, excellent baromètre des mœurs contemporaines. À des fins commerciales, ces publicités renforcent la honte, la rendent quasiment obsessionnelle, mais elles ne la créent pas ; leur outrance même montre à quel point nous sommes ici vulnérables : que de fiançailles rompues, que de solitudes désespérées, et même que de carrières brisées, à cause d’une haleine un peu forte ou d’un fumet insistant. Fort opportunément pour les réprouvés, qui sont légion, une industrie avisée lutte contre cette malchance en les pourvoyant de toute une gamme de déodorants d’une efficacité garantie, mais inévitablement nocive, puisqu’ils font obstacle à une élimination épidermique indispensable au bon fonctionnement de l’organisme. L’invention de ces produits miracles, le nom même de déodorant sont très récents — à peine une génération ; leur succès souligne la démocratisation d’un idéal, autrefois fort restreint et qui ne semble guère remonter au-delà de l’ère victorienne : un homme bien élevé ne sent rien, une femme comme il faut ne doit utiliser de parfum qu’avec la plus extrême discrétion, si elle ne veut point passer pour une femme de « mauvaise vie ». (suite…)

La tisane de romarin interdite par l’Union Européenne

23 mars 2011,

Par Hadrien Gens

La directive de l’union européenne THMPD (Traditional Herbal Medicinal Products Directive), alias 2004/24/EC, devrait entrer en vigueur le 30 avril 2011. Cette directive imposera une agrémentation pour la vente des plantes médicinales, c’est-à-dire par exemple pour le romarin en tisane ou l’ail en gélule. Cette procédure d’agrémentation implique en fait de prouver « de manière scientifique » les vertus de la plante avec rapports d’ « experts », dossiers couteux et résultats de testes physico-chimiques, (micro)biologiques, pharmaceutiques et toxicologiques à l’appui. Si l’on en croit l’ANH (Alliance for Natural Health), il a par exemple été possible en deux ans et avec des dizaines d’experts de prouver les vertus antispasmodique, digestive et expectorante des graines de fenouil commun, et cela serait bien sûr impossible pour l’ensemble des plantes dont les vertus n’ont par ailleurs pas besoin d’être « scientifiquement prouvées » : elles sont expérimentées de manière pratique depuis des milliers d’années. Cette directive draconienne rend l’obtention de l’agrémentation très difficile : 95% d’avis négatifs émis de la part de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) en décembre 2010.

Graines de fenouil

Cette directive est l’occasion de s’interroger de manière plus générale sur le droit pour le malade de choisir son traitement, sur le droit de choisir entre une médecine naturelle et traditionnelle et une médecine dépendante des lobbies pharmaceutiques à un moment où l’on remet plus que jamais les médicaments chimiques en cause. Car c’est bien de l’opposition chimique-naturel dont il s’agit. Bien sûr, chimiquement, telle molécule naturelle vaut telle autre de synthèse : c’est la même formule chimique, les mêmes atomes, les mêmes liaisons etc., et le naturel comme le chimique peuvent être dangereux ou bénéfiques. Mais là où l’opposition naturel-chimique reste pertinente, c’est que le naturel est connu et expérimenté depuis des milliers d’années, qu’il est l’objet d’un savoir faire traditionnel. Que savait-on, en revanche, du Vioxx, de l’Avandia, du Mediator au moment de les commercialiser ? Ce qui est remis en cause par cette directive absolument scandaleuse, c’est la possibilité d’avoir une alternative entre un produit sûr, connu et utilisé depuis des générations, et un médicament comme le Roaccutane prescrit pour traiter des acnés graves et retiré du marché en 2008 – l’Agence  française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) estimant que 25 à 27 cas de suicides d’adolescents, entre 1986 et 2009, seraient liés à la prise de ce médicament. Ce médicament est malgré tout toujours en vente sous forme de génériques… Sans remettre en cause les bienfaits de nombreux médicaments créés artificiellement, il faut se demander si l’agrémentation draconienne des herbes médicinales traditionnelles est bien la solution, et si elle n’empêcherait pas simplement que le malade puisse choisir.

Pourra-t-on continuer d’utiliser du purin d’ortie, de la prêle des champs, ou des queues de cerises ? Sera-t-on obliger de prendre des médicaments dont on ne connait absolument rien et dont on ne sait pas s’ils nuiront à notre santé ou à celle de nos enfants ? Notre savoir-faire médical traditionnel, comme la possibilité de choisir la médecine traditionnelle chinoise, indienne ou amérindienne en Europe seraient-il menacés ? Comment ne pas penser aux procès impliquant Kokopelli ?

L’association ANH (Alliance for Natural Health), dont le statut n’est par ailleurs pas absolument clair, a posé un recours devant les tribunaux et fait circuler une pétition dont le nombre de signature ne fait qu’augmenter.