Le méthane en folie

21 avril 2022,

C’est au milieu de l’océan Pacifique, loin des pollutions industrielles et urbaines, à 3400 m d’altitude sur le flanc du volcan Mauna Loa à Hawaï, que le NOAA effectue des mesures des gaz à effet de serre sur l’hémisphère Nord.

Quatre Gaz à Effet de Serre (GES) très influents sur le climat y sont surveillés jour après jour:

 

le dioxyde de carbone (CO2)

l’hexafluorure de soufre (SF6)

 

le dioxyde d’azote (N2O)

et le méthane (CH4).

 

Source : https://gml.noaa.gov/ccgg/trends_ch4/

 

On ne peut que constater avec impuissance que la concentration de ces GES non seulement augmente mais accélère. Ces graphiques sont les indicateurs les plus fiables de notre réussite ou de notre échec politique global sur le réchauffement. Echec total à l’échelle globale.

Penchons-nous un instant sur l’augmentation de la libération de méthane.

Bien que le méthane ne participe que pour 15% de l’effet de serre, contre 60% pour le CO2, l’accentuation de cette courbe depuis 2007, et surtout depuis 2019, n’est pas rassurante.  Le méthane est un gaz qui est beaucoup plus “à effet de serre” que le CO2. Une partie est issue des activités de la biomasse en relation avec le climat, mais les émissions de méthane sont majoritairement dues aux activités humaines, notamment agricoles, aux déchets, puis à l’industrie des combustibles carbonés; notamment à la fracturation hydraulique des roches pour le gaz et le pétrole de schiste, qui libère du méthane sans aucune possibilité de contrôle. Il est singulier de voir qu’après une stabilisation au début des années 2000, une accélération survient dans la même période où la fracturation devient massive aux USA (1).

On s’inquiète aujourd’hui de l’influence de la température, notamment en arctique, sur la libération de méthane enfoui, terrestre(2) ou océanique(3). Les stupéfiants records de température récents en zones polaires, parfois de plusieurs dizaines de degrés supérieurs aux moyennes saisonnières, sont particulièrement préoccupants.

C’est un cercle vicieux. Plus il fait chaud, plus le méthane terrestre et marin est libéré, entrainant une augmentation de l’effet de serre, et donc du réchauffement. C’est une rétroaction climatique, c’est-à-dire, en langage pour le grand public, un effet d’emballement. Dans l’histoire du climat, des études paléoclimatiques basées sur des analyses sédimentaires ont montré l’existence d’emballements thermiques rapides dus à la libération du méthane enfoui. Est-on au début d’un tel phénomène ? l’évolution du méthane sur ces trois dernières années n’est pas rassurante.

 

1. Howarth, 2019

2. https://www.youtube.com/watch?v=4HxB01a2Vtc 

3. https://siberiantimes.com/other/others/news/first-pictures-and-video-of-the-largest-methane-fountain-so-far-discovered-in-the-arctic-ocean/

GIEC : les solutions

5 avril 2022,

Le GIEC (IPCC en anglais) vient de sortir le rapport du groupe III qui essaye de proposer aux décideurs les mesures nécessaire pour limiter les dégâts du changement climatique. Pour vous tenir au courant :

-un article de ReporterreC’est maintenant ou jamais

– un article au titre optimiste de The ConversationRapport du GIEC : diviser les émissions de gaz à effet de serre par deux d’ici à 2030, c’est possible

– moins facile, l’abrégé du GIEC pour la prise de décision politique (synthesis report for policymakers), “Mitigation of climate changes“, résumé de quand même 37 pages (10 Mb)

– plus technique, le rapport abrégé, 96 p (20 Mb)

– complètement pro, le rapport détaillé, 3675 p (280 Mb)

La créativité des manifestations pour le Climat

13 mars 2022,

Ce qui ressort des récentes manifestations sur le climat depuis quelques années, c’est le fossé entre la gravité de la situation et le peu d’action de nos dirigeants, le peu de préoccupation des médias, le mépris des milieux économiques, et la passivité de certaines franges de la société. Ce fossé pousse les manifestants à être de plus en plus créatifs pour exprimer leur colère, leur désarroi ou leur désir d’être entendu, mais aussi leur désir de dépasser les angoisses de la solastalgie par beaucoup d’humour et de dérision.

Voici un florilège de pancartes et d’affiches publiées sur divers médias:

 

 

 

 

 

 

 

Si vous n’avez pas d’inspiration pour faire votre propre affiche, une agence de visualisation de données fournit des documents prêts à imprimer, et accueille de nouveaux slogans pour les transformer en affiches. Comme celle ci-dessous.

C’est ici

 

A vos cartons et à vos crayons !

Manger pour vivre

7 mars 2022,

Nous avons lu et vous recommandons un rapport des Greniers d’Abondance intitulé “Qui veille au grain ? Du consensus scientifique à l’action publique”,

disponible gratuitement ici.

Thémis 1 – Déméter 0

3 février 2022,

La déesse de la Justice Thémis et la déesse des Moissons, Déméter

Nous avons lu sur le site de France-Info : (1)

Cellule de gendarmerie Déméter : la justice demande au ministère de l’Intérieur de mettre un terme à la prévention des “actions de nature idéologique”
Plusieurs associations, dont L214, avaient déposé un recours administratif contre cette cellule créée en 2019, qu’ils accusaient d’enfreindre la liberté d’expression. La place Beauvau a 60 jours pour mettre fin à ces activités.
Le tribunal administratif de Paris donne deux mois au ministère de l’Intérieur pour mettre fin à la prévention des “actions de nature idéologique” de la cellule de gendarmerie Déméter, mardi 1er février, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par jour. Destinée à lutter contre la délinquance dans le monde agricole, cette cellule est née dans le cadre d’une convention signée en 2019 avec le syndicat agricole majoritaire FNSEA et sa branche des Jeunes agriculteurs (JA).
Depuis, elle a pour objet de lutter contre les actes crapuleux ou criminels (du vol de gasoil, de tracteurs, dégradations) mais aussi de prévenir “des actions de nature idéologique”, allant des “simples actions symboliques de dénigrement” à “des actions dures”, selon le document de présentation du ministère de l’Intérieur. Mais la justice a estimé que ces dernières activités ne reposaient sur “aucune base légale”. la suite ici.

(1) Que Déméter, déesse des moissons, du haut de son panthéon nous pardonne mais son nom a été détourné par des dirigeants qui voulaient assurer l’hégémonie de l’agro-industrie. Les fidèles lectrices et lecteurs du Sauvage ont souvenir des alertes sur ce sujet ici et .

La crise climatique, la crise des ressources et la démocratie, 2/2

7 janvier 2022,

Le citoyen au coeur de la résilience.

Résumé de l’épisode précédent:

Bien que tous les voyants climatiques soient au rouge, que les ressources s’épuisent, que les crises s’amplifient, tout se passe comme si nous essayions d’occulter, consciemment ou inconsciemment, que le monde s’enfonce peu à peu dans un état d’urgence permanent, dans lequel on sait que la démocratie sera bafouée.
Mais tout n’est pas perdu. Si l’on n’a pas toujours réussi à influer par le haut sur les nations ou le monde, il reste réaliste d’agir à l’échelle locale ou à l’échelle de territoires partageant des communs. De l’éco-hameau jusqu’aux bio-régions, en passant par le jardin partagé ou la salle associative, nous voyons que des groupes motivés arrivent à construire des enclaves écologiques et citoyennes, sur des principes de démocratie directe, capables de mieux résister à l’effondrement en cours. L’utopie voulant que ces enclaves s’interconnectent un jour afin de proposer des visions macro-territoriales.


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Les Agro protestent

23 décembre 2021,

Le 20 décembre 2021

Monsieur le Président de la République,

Nous, étudiant·e·s en agronomie, agro-économie, sciences politiques provenant de six écoles (AgroCampus Ouest, AgroParisTech, AgroSup Dijon, Montpellier SupAgro, Sciences Po Lille et Sciences Po Paris), futur·e·s professionnel·le·s et citoyen·ne·s concerné·e·s par les questions d’agriculture et d’alimentation, ne pouvons souscrire silencieusement aux propositions retenues dans le Plan Stratégique National (PSN) français pour la programmation de la Politique Agricole Commune (PAC) 2023-2027 et ce pour plusieurs raisons. Tandis que la France a encore perdu 20 % de ses exploitations entre 2010 et 2020, le secteur agricole doit répondre à un certain nombre d’enjeux, notamment environnementaux, climatiques et sociaux. Par conséquent, le PSN aurait pu être un levier important, si ce n’est essentiel, de la transformation de notre système agricole et alimentaire.

La stratégie européenne “De la Ferme à la Fourchette” a pour ambition de faire du système agricole et alimentaire européen un modèle de durabilité au niveau international en fixant des objectifs chiffrés en termes de neutralité carbone, de réduction des engrais minéraux, des pesticides et des antibiotiques, ou encore de soutien à une agriculture biologique et respectueuse de notre environnement. Or, force est de constater qu’il y a incohérence entre ces objectifs et les mesures retenues dans le PSN. Nous pensons que, au moment d’accéder à la présidence du Conseil de l’Union Européenne, la France, premier État membre bénéficiaire de la PAC mais aussi pays des Accords de Paris et des Etats Généraux de l’Alimentation, aurait dû se positionner en tant que leader de la transition agroécologique européenne.

La suite ici.

Le productivisme agricole inefficace

19 décembre 2021,

La très officielle Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité vient de publier une synthèse sur la nocivité du productivisme agricole. Le titre un peu austère :

Le paradoxe de la productivité : la productivité agricole favorise l’inefficacité du système alimentaire

ne doit pas vous décourager, c’est facile à lire, tout en comportant les références bibliographiques d’usage pour une publication scientifique. C’est un document précieux pour contrer les arguments du genre “on ne peut pas nourrir la population de la planète avec l’agriculture bio”.

Voici l’essentiel de la conclusion :

On a beaucoup écrit sur la nécessité de réduire l’empreinte environnementale de l’agriculture et de lutter contre la pandémie d’obésité, mais ces problèmes ne doivent pas être pris en compte de façon isolée : ces deux problèmes sont les résultats d’un système alimentaire dysfonctionnel qui encourage la surconsommation de calories, le gaspillage excessif et l’externalisation des coûts sur l’environnement et la santé. Une focalisation myope continue sur la productivité agricole risque de perpétuer ces problèmes : le paradoxe de la productivité signifie que l’augmentation de l’efficacité agricole entraîne l’inefficacité du système du fait de l’augmentation des déchets, des coûts environnementaux, ou encore des dépenses de santé. Un défi pour le développement mondial est de s’efforcer de « nourrir un monde de 7 à 10 milliards » d’humains sans créer plus de problèmes que cela n’en résoudra. En plus d’être insoutenable, c’est injuste parce que les plus pauvres (foyers ou pays) en payeront proportionnellement des coûts plus élevés en termes de santé et d’environnement. Il est temps de changer le récit pour permettre aux gens de comprendre et d’investir dans leur nutrition pour une vie saine, en consommant des aliments produits par un système alimentaire durable. Dans un monde aux ressources finies et au capital naturel déjà très dégradé, il est urgent de ne plus se concentrer sur la productivité agricole en tant qu’indicateur de résultats des besoins de la société mais de considérer la productivité systémique en analysant le nombre de personnes nourries sainement et durablement par unité d’intrant.

La fée électricité

23 novembre 2021,

Nous avons lu sur le site de notre consœur The Conversation un article du sociologue Alain Gras dénonçant la sacralisation de l’électricité dans les perspectives de transition énergétique. Un extrait de cet article (intitulé L’électricité, ce mensonge phénoménal) vous donne le message :

Le mythe de la pureté électrique
La fée électricité se présente revêtue de probité candide, dirait le poète, puisqu’elle ne provoque aucune nuisance lorsqu’elle délivre sa magie par simple clic sur le bouton interrupteur. Les usagers savent, plus ou moins, que cette force « courante » n’est pas une énergie, qu’elle ne fait que transférer la puissance d’une autre, bien réelle, matière fossile ou éléments naturels ; mais ils l’oublient devant le prodige.

Délocaliser les effets nocifs
La mise en avant de la pureté électrique repose en effet sur l’effacement du second principe de la thermodynamique : « toute transformation du système entraîne une augmentation de l’entropie globale ». Les déchets sont ici relégués au second plan ; la production, les nuisances, rendues invisibles.
Le génial inventeur et entrepreneur avisé, Thomas Edison, fut le premier à avoir trouvé là un argument publicitaire imparable dans les années 1881. Il équipa dans la rue la plus chic de New York, Pearl Street, un millier d’intérieurs avec ses nouvelles ampoules à incandescence sous vide. Le succès fut immédiat : à la place de la lumière du gaz, qui salissait les intérieurs bourgeois, cette innovation gardait frais tableaux et tapisseries. Mais, à quelques kilomètres de là, deux centrales à charbons rejetaient 5 tonnes de scories par jour dans l’Hudson River.
Ce modèle de délocalisation des effets nocifs, inscrit si profondément dans notre mode de vie, nous empêche de voir que bien des vertus électriques relèvent à la catégorie « fake news ».
Fin de citation.
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